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La Swiss connection

Régate, en 1983, au large d’Ouchy. © Yves Ryncki

 

Comment un paisible day-boat, conçu en 1976 par l’architecte français Michel Joubert, est-il devenu la série monotype la plus active de Suisse ? L’histoire du Surprise et son évolution s’apparentent à une success story. Pour Michel Joubert, tout d’abord, qui a dessiné cette coque planante digne d’un 505 ; pour le chantier Archambault, ensuite, qui continue à surfer sur ce modèle, 36 ans après son lancement ; pour François Séchaud, l’importateur et distributeur suisse exclusif, dont la carrière est jalonnée de 750 « ? » ; pour les centaines de régatiers suisses, enfin, qui sont « entrés en Surprise », comme on entre en religion.

Tout d’abord, il y eut le coup de patte génial de Michel Joubert qui souhaitait un bateau affranchi des jauges de l’époque. Sur sa planche à dessin, il trace une carène plate et large, une quille profonde et sans bulbe et un gréement au 7/8e. Son objectif : proposer un bateau léger, réactif, rapide au portant. La régate n’est alors pas au programme ; mais l’engouement du public est immédiat, séduit par le vaste cockpit, l’accueillante cabine et la facilité des manœuvres.

Les bases du succès étaient posées ; le Surprise quillard était né, mais la monotypie encore dans les limbes. Le bateau sera également proposé en versions dériveur lesté, quille relevable ou biquille, des configurations évidemment très pratiques dans les eaux à marées ou sur les lacs peu profonds. Mais le futur engin de régate sera le modèle à quille fixe, plus raide à la toile.

1er pont : 1976 © DR
2e pont : 1984 © DR
3e pont : 1992 © DR
4e pont : 2001 © DR
Monotype dès 1978

Dès son lancement, le Surprise séduit les navigateurs suisses, notamment lémaniques. « J’ai vendu treize bateaux entre le salon de janvier 1977 et juin de la même année ; sept d’entre eux ont participé au Bol d’or 1977 », se souvient François Séchaud qui mûrit son coup : faire du Surprise une série monotype. Ce sera effectivement le cas en 1978 et c’est l’AsproSurprise suisse, créée la même année par… François Séchaud, qui prend les choses en mains. Les règles monotypes, qui seront par la suite adoptées par les Français, les Autrichiens, les Allemands et les Italiens, reposent sur trois piliers : gréement et surface de voile identiques, poids minimal imposé (1250 kg sans les voiles), coque et appendices similaires. Une certaine liberté est laissée à l’accastillage, et c’est sur ce point que les préparateurs feront preuve de subtilité et d’imagination.

Du côté d’Archambault, on observe avec attention la montée en puissance du Surprise comme bateau de régate, mais on laisse aux distributeurs le soin de s’en occuper. « Du chantier ne sortent que des modèles standard équipés d’un accastillage de base, précise Emmanuel Archambault. Mais depuis quelques années, nous équipons, à la demande, certains bateaux pour la régate. »

La découverte du planning en Surprise en 1979 ! © DR
Adaptation esthétique

La contribution du chantier à l’évolution du Surprise se fait donc ailleurs. Au niveau de la construction tout d’abord : « Le chantier a maîtrisé très tôt le polyester, puis les techniques de construction sous infusion à partir de 1999, indique François Séchaud ; ce qui assure qualité et constance, concernant le poids notamment, aux unités produites. » Archambault s’est d’autre part impliqué dans la modernisation esthétique et ergonomique du bateau. C’est ainsi qu’au fil des années, les formes du roof s’arrondissent, le cockpit évolue, les aménagements intérieurs sont revus. Trois liftings successifs auront lieu en 1984, fin 1991 et fin 2000 : « Il s’agit pour nous de suivre le goût du public et de modifier quelques détails de conception, souligne Emmanuel Archambault. C’est ainsi que la jupe arrière apparaît en 1991 et qu’un cockpit plus typé régate voit le jour en 2000, avec la suppression des bancs à l’arrière de la barre d’écoute qui repose désormais au fond du bateau pour favoriser une meilleure circulation. » Le gréement subit aussi quelques modifications. « Les barres de flèche et les cadènes sont rigidifiées, pour tenir compte de l’évolution des voiles », précise François Séchaud.

Toutes ces évolutions, y compris l’adoption du nouveau safran (plus long et plus étroit) en 2007, ne modifient en rien la monotypie : un bateau de la première génération peut parfaitement faire jeu égal avec un dernier-né. « C’est vraiment la force du Surprise, relève le distributeur suisse. Trop souvent les bateaux meurent avec leurs défauts de jeunesse, ce qui n’est pas le cas du Surprise qui a su se moderniser, avec le concours de Michel Joubert, du chantier et des importateurs, sans déroger à son cahier des charges sportif. »

Préparé aux petits oignons

Il est pourtant un domaine où les régatiers ont apporté des améliorations constantes : celui de l’accastillage. Bien connu sur tous les plans d’eau lacustres et marins, le Genevois Michel Glaus est l’un de ceux qui ont contribué à transformer le Surprise en machine de course. Adepte dans les années 70 et 80 du J24, série monotype mondiale sur laquelle il a excellé jusqu’au plus haut niveau international, Michel Glaus jette tout d’abord un œil condescendant sur le Surprise, cette « série barbecue ! ». Avant de se prendre peu à peu au jeu et de préparer, en 1985, le Surprise d’une connaissance. Un bateau fignolé aux petits oignons où il impose déjà deux nouveautés qui deviendront des standards : l’arceau central, au-dessus du roof, où reviennent toutes les manœuvres et la drisse de spi au mât.

Le futur des Surprise passera-t-il par la voile à corne ? Le tissu utilisé pour les tests de North Sails est en PXB, un laminé Polyester avec des fils noirs. © Ben Schagen

Optimiser et faciliter les manœuvres, alléger partout où c’est possible : tels sont les objectifs de Michel Glaus qui met à profit son sens de la régate et toutes les avancées technologiques pour rendre ses Surprise très performants. Son Teo Jakob de 2000 fait à nouveau école avec l’installation d’un rail de foc coudé. La minutie du régatier, titillé par une concurrence vive, est payante : son bateau est le plus titré des années 2000-2011. Sa dernière monture, préparée cet hiver, paraît elle aussi promise à un très bel avenir.

Verra-t-on apparaître demain des Surprise équipés de voile à corne ? Des essais ont été menés par des cadors début juin sur le lac Léman : vitesse en ligne droite, duels de virements de bord, essais de pataras. L’AsproSurprise Suisse en tirera les enseignements et prendra une décision cet automne, ouvrant peut-être une nouvelle page dans l’histoire du Surprise.

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