America’s Cup

«Les deux font la paire». Jamais cette expression n’aura eu autant de sens qu’avec les Nivelleau. Cette équipe dans l’équipe fonctionne en symbiose parfaite. Leurs collègues ne se posent pas la question de savoir s’ils doivent s’adresser à Virginie pour tel ou tel aspect plutôt qu’à François, le travail sera accompli quoiqu’il en soit. C’est ce que Virginie appelle le forfait «experimental feeling »: «Nous nous complétons parfaitement et il en a toujours été ainsi. Pendant nos études, nous obtenions la plus haute note, mais à deux». Après leur formation en mathématique et aérodynamique, ils se sont spécialisés dans le design à la fin des années 1980, mettant sur pied un projet complet de soufflerie avec essais, maquettes et analyses, dans un premier temps exploité par le challenger français en 1992. En 1995, les Français leur ont alors demandé de développer un système «sail vision» pour mieux comprendre l’impact de l’air dans les voiles et influencer la forme des voiles. Ils sont alors repérés par Team New Zealand en 2000, et suivent ensuite Russell Coutts en 2003 chez Alinghi.

Aujourd’hui, grâce aux caméras embarquées et aux bandes de couleur horizontales dans les voiles, le système «sail vision» fonctionne en temps réel. C’est notamment pour les Nivelleau que les marins effectuent toute une batterie de tests en mer, afin que ces derniers les aident à leur tour à améliorer la vitesse du bateau et leurs performances. Le déplacement à Dubaï pendant l’hiver a permis de renforcer la cohésion des équipes, toutes réunies autour d’un projet commun très précis, et sans interférence extérieure. L’interaction entre le shore crew* et les marins a notamment bénéficié d’un regain significatif de compréhension. L’équipe du design travaille conjointement avec les deux, participant au flux permanent d’informations entre chaque entité. Outre leur suivi du programme «sail vision», les Nivelleau interviennent sur des projets spéciaux impliquant ici la coque, là les gréements, voire les appendices ou la cellule électronique. «Quand nous installons une nouveauté à bord il faut bien sûr la relier et l’adapter à la centrale informatique du bateau».

Depuis l’introduction de la télémétrie, les Nivelleau peuvent libérer de la place à bord d’Alinghi et suivent l’application de leurs expérimentations sur le tender dans le sillage du Class America. Ils restent également en contact VHF permanent avec les régleurs de voile pendant les entraînements. Tout ce qui influe sur la forme des voiles doit alors être pris en compte et analysé, afin d’optimiser en permanence l’effet du vent et de s’en servir pour augmenter la vitesse du bateau. Le testing est primordial pour engranger des points le jour venu. La principale mission des Nivelleau consiste à chiffrer et évaluer toute modification. Ils calculent les angles, les charges, les déplacements d’air et d’eau pour maximiser les performances à longueur de temps.

Ils estiment qu’Alinghi a pris une telle avance technologique qu’il sera très difficile pour d’autres syndicats de les rejoindre sur ce terrain- là. C’est l’avantage de ne pas partir de zéro! Comme les trois quarts du team sont restés après 2003, Alinghi a pu profiter de la dynamique enclenchée pendant la campagne précédente et continuer sur sa lancée. «C’est notamment l’une des raisons qui explique toutes nos victoires dans les Louis Vuitton Acts 2005». Ceci dit, il n’est pas envisageable un seul instant de se reposer sur ses lauriers. « Pour maintenir cette avance, il convient de réfléchir constamment, sinon les erreurs se payent cher».

Virginie souligne que le partage des informations et des expériences, autant que leur application au quotidien, exige du design team un «cerveau» et une concentration énormes. François renchérit: «il dit des bêtises» n’existe pas chez Alinghi, «toute remarque est prise en considération, étudiée, calculée, avant de statuer sur une conclusion». Les vrais obstacles sont temporels car l’échéance du 23 juin se rapproche inexorablement. François s’avance à évoquer une autre limite: «Parfois, notre stade de recherche dépasse la technologie actuelle, ce qui nous contraint à revenir un peu en arrière pour en adapter les applications aux conditions d’aujourd’hui». Du moment qu’Alinghi garde quelques longueurs d’avance sur le vainqueur de la Louis Vuitton Cup au moins cinq fois cet été, leur mission aura été remplie.

* l’équipe au sol, notamment chargée de la maintenance, voir le Skippers Guide Alinghi Special 2007.

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