Installé à Baech au bord du lac de Zurich, le chantier Pedrazzini fabrique grâce à un travail artisanal minutieux des bateaux à moteur en acajou. Cette entreprise familiale a fêté son 100e anniversaire l’année dernière 

« Créer un bateau d’une beauté classique, une pièce unique qui associe design italien et perfection suisse, telle est notre passion ! », c’est par ces mots que Claudio Pedrazzini résume la philosophie de son entreprise. Il représente la troisième génération de Pedrazzini à la tête du chantier et a réussi à trouver une niche dans le marché très concurrentiel des constructeurs de bateaux. Son succès, il le doit notamment au respect de la tradition et au travail de ses ancêtres.

En 1906, Augusto Pedrazzini, le grand-père de Claudio, quitte le lac de Côme pour s’installer sur les rives du lac de Zurich et réaliser son rêve : fabriquer des bateaux. Ce sera chose faite en 1914, avec l’ouverture de son propre petit chantier naval. Doté d’un esprit pionnier et d‘une habileté manuelle sans pareil, il construit d’abord des bateaux à rames et des bateaux de pêche avant de s’attaquer aux dériveurs et aux yachts à voile. En 1928, il remporte sa première course de bateaux hors-bord sur le lac de Zurich. En 1939, le bateau dessiné par son fils Ferruccio fait sensation lors de l’exposition nationale. Ce dernier avait suivi des études de nautisme et de design à Livourne et présenté un bateau ouvert de 10 mètres en acajou en guise de travail de diplôme. Il avait pour projet de construire de beaux canots à moteur pour des clients fortunés. Mais l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale contrecarre ses projets et Augusto se voit contraint de faire tourner son entreprise avec un seul employé.

“Strictly handcrafted” 

C’est seulement au début des années 50 que la reprise économique permet l’émergence d’une nouvelle clientèle pour les bateaux de loisirs. Ferruccio Pedrazzini, qui représente la deuxième génération, mène l’entreprise au succès. Il construit le premier Super Leggera, un petit bateau sportif avec moteur hors-bord très apprécié à l’époque. Il est aussi l’auteur du Capri Super Deluxe, un runabout au design caractéristique auquel les bateaux à moteur de Pedrazzini doivent aujourd’hui encore leurs lignes classiques.

Animé par la même passion que ses ancêtres, Claudio Pedrazzini continue à faire vivre la tradition tout en perfectionnant les créations. Il a réduit la production à trois modèles. Pour conserver le charme des bateaux, il s’est contenté de modifier leur forme selon les connaissances techniques récentes. Un runabout de Pedrazzini doit rester une icône fabriquée à la main avec des matériaux précieux et grâce à un travail minutieux jusque dans le moindre détail. Un respect de la tradition qui n’empêche pas ces runabouts d’être dotés d’une technologie de pointe et de moteurs performants.

Il faut six à neuf mois ou entre 1 800 et 4 000 heures de travail pour construire un seul runabout. Pratiquement chaque élément est produit à la main, des membrures à la marqueterie, en passant par la coque en acajou massif. Le pont et la coque sont recouverts de 20 couches d’une laque spéciale qui confèrent au bateau son éclat intense. Le mot d’ordre est précision. Claudio Pedrazzini pousse la perfection jusqu’à vérifier les vis pour garantir que la fente de chacune d’elles soit parfaitement alignée. Pour l’équipement, le chantier n’utilise que les matériaux les plus nobles. Le ventilateur et l’accastillage sont moulés dans du bronze et chromés.

Pour qu’un « Pedrazzini » reste un objet rare, le chantier construit seulement six bateaux par année. Les clients ne se limitent pas aux habitants des régions proches du lac de Zurich, les runabouts sont livrés dans toute la Suisse et même à l’étranger. Récemment, une unité a été convoyée en Finlande. Evidemment, ces constructions ont un coût. Le plus petit modèle, le Capri, vaut la coquette somme de 350 000 francs.

LA PERFECTION DANS LE MOINDRE DÉTAIL : LE TABLEAU DE BORD SE COMPOSE DE LA RONCE DE NOYER LA PLUS FINE.

Un business-model durable 

Les 16 collaborateurs de Pedrazzini ne travaillent pas tous sur la construction des bateaux. Compte tenu de sa clientèle très haut de gamme, le chantier subit les fluctuations conjoncturelles. L’entreprise familiale possède donc également un petit port avec 30 places d’amarrage et autant d’emplacements à terre où elle effectue des travaux d’entretien et de réparation. « C’est aussi notre business. Notre produit a une longue durée de vie et après 40 ans, il se peut qu’il faille changer le fond du bateau », précise Claudio Pedrazzini.

Le propriétaire du chantier souhaite continuer à construire des bateaux à la manière des Pedrazzini. « On pourrait certes industrialiser certains processus de production pour les rendre plus efficaces, mais la qualité en pâtirait inévitablement. C’est un scénario impensable », explique-t-il tout en restant persuadé que la success story des Pedrazzini n’est pas prête de s’arrêter. Son fils, qui a déjà obtenu son diplôme de constructeur de bateau, continue actuellement de se former et reprendra certainement le flambeau dans la plus pure tradition des Pedrazzini.