Vous avez le match race dans le sang. De quand date votre dernière
régate et quel souvenir en gardez-vous ?

Eric Monnin : Ma dernière compétition, c’était la Volvo Match Race de Zoug. Le souvenir est encore très présent : notre objectif était la qualification pour le St. Moritz Match Race, mais après les Round Robin, nous étions loin derrière. A cause du manque de vent, le départ de la finale a été repoussé jusqu’aux dernières secondes avant l’heure fatidique. C’était assez éprouvant. Nous avons fi nalement gagné la finale avec une avance confortable.

Christian Scherrer : Début juin, j’ai participé avec le team All4One au Louis Vuitton Trophy à La Maddalena où nous avons terminé bons 3es. J’ai énormément apprécié de naviguer en compagnie de Sébastian Col, Jochen Schuemann et le reste de l’équipage. En plus, l’ambiance qui règne au Louis Vuitton Trophy n’est pas sans rappeler celle de l’America’s Cup. Avec ses trois semaines, la compétition est assez longue, mais elle change des épreuves courtes et intensives du World Tour.

Le match racing de St. Moritz fête son 10e anniversaire. Depuis 2003, la manifestation porte le nom de St. Moritz Match Race et depuis 2005, elle fait partie intégrante du World Tour. Qu’est-ce qui a changé ces dernières années ?
E.M. : Auparavant, le Match Race World Tour vivait grâce à de jeunes régatiers ambitieux qui visaient un engagement au sein d’un équipage de l’America’s Cup. En plus, les syndicats ont utilisé le World Tour comme plateforme pour se présenter, eux et leurs sponsors. Alinghi et UBS ont montré l’exemple, leur démonstration à St. Moritz a été très efficace. Une fois que l’America’s Cup s’est réduite à deux équipages, le World Tour a subi plus de pression. 150 navigateurs professionnels se sont retrouvés à la rue et ont dû se débrouiller pour joindre les deux bouts. Cette situation a sonné le glas des événements de démonstration. Aujourd’hui, le match race est devenu plus rude, plus professionnel, le niveau a augmenté.

C.S.: Ici dans les Grisons, nous avons commencé il y a dix ans avec un petit grade 4. Aujourd’hui, nous sommes un des événements phares du World Tour. Depuis notre intégration dans le tour et surtout ces dernières années, la compétition est devenue plus serrée. Il y a actuellement une combinaison de pros aguerris et de jeunes talents ambitieux qui régatent de manière très professionnelle. Ce mélange profite au tour.

Les participants ne sont pas les seuls à avoir subi des changements. Les organisateurs aussi se voient confrontés à des bouleversements…

E.M.: Depuis que Peter Gilmour a pris les rênes du tour, les organisateurs ont vu leurs droits considérablement amputés. Ils ne disposent plus que de deux à trois cartes à attribuer. C’est dommage. Puisque les organisateurs portent les risques financiers de la régate, ils devraient aussi pouvoir décider quels équipages sont les plus intéressants au niveau commercial et pour le public. La possibilité d’acheter un ticket pour l’ensemble du World Tour a également suscité beaucoup d’émoi. Il a même été question de tricherie.

C.S.: La mise aux enchères des tickets n’est à mon avis pas correcte. A part cela, le nouveau mode a aussi des avantages pour l’organisateur. Huit équipages sont fixes, ils se sont engagés à venir. Nous, les organisateurs, avons ainsi la possibilité de planifier à long terme puisque les défections sont très peu probables. Le World Tour comptant pour le championnat du monde, l’ISAF a aussi son mot à dire. Elle veut que les organisateurs soient obligés d’aligner vraiment les meilleurs match racer du monde. Il ne faut pas non plus oublier que huit équipages fixes sont aussi plus intéressants pour les spectateurs qui suivent le tour. Ce qui est problématique, c’est l’absence de sponsor pour le World Tour. Le Tour est ainsi financé en grande partie par les étapes.

Le match race peine à se développer en Suisse. Qu’est-ce qui cloche ?
E.M.: Peut-être que l’Alinghi Tour a véhiculé une mauvaise image ? Le match race est un événement qu’on dispute une fois par année, où on a l’occasion de se mesurer aux grands noms de la voile et où on a du plaisir. Le Swiss Tour doit s’ouvrir aux étrangers, nous avons besoin de match race de grade 3 pour accumuler des points. Genève montre la voie. Nous y serons d’ailleurs cet automne.

C.S.: En Suisse, le match race est un peu le parent pauvre de la voile. On observe cependant des initiatives prometteuses à Genève, Zoug et Zurich. Le match race devrait faire partie intégrante de l’entraînement des juniors, ce qui permettrait de susciter leur intérêt pour ces duels. Beaucoup d’endroits manquent d’infrastructures et les clubs reculent devant les investissements complexes au niveau des bénévoles et du matériel. Pour changer cette situation, il faudrait une base beaucoup plus large.