Au terme d’une semaine de compétition sur le lac Léman, Franck Cammas et Louis Viat ont soulevé leur seconde « petite Coupe de l’America » d’affilée après celle acquise à Falmouth en 2013. La concurrence, quelque peu larguée, n’a pu que constater l’écart de technologie qui la séparait du bolide volant des Français. 

« Top départ, bon départ », annonce le comité de course en ce premier jour de compétition. Le vent de sud-ouest, irrégulier et imprévisible, souffle en dessous des 15 noeuds. La météo prévoit un renforcement évolutif avec de fortes rafales. Tout va pour le mieux sur le plan d’eau plat du Petit Lac, véritable piste de bobsleigh pour ces engins volants équipés d’une aile rigide convertissant avec le maximum d’efficience la puissance du vent en énergie cinétique. Les foils ancrés dans l’eau donnent aux Class-C une tonalité majestueuse. C’est dans la forme de ces appendices – à laquelle on attribue une lettre de l’alphabet (L,C,J,S) – que se trouve la clé du succès. Groupama l’a bien compris et s’est focalisé sur leurs développements. « Depuis Falmouth en septembre 2013, nous avons beaucoup investi de temps dans ces appendices et leurs différentes formes », avoue Louis Viat, le copilote et homme de confiance de Franck Cammas.

Première manche, première victoire et plus d’un tour d’avance sur les derniers ! La messe semble dite tant l’écart de vitesse face aux autres catamarans de type archimédien paraît inexorable. Le fait de voler réduit considérablement la surface de friction entre le bateau et l’eau d’où une vitesse plus élevée. « Lors d’une journée d’entraînement à Genève, nous faisions des pointes de vitesse à 34 noeuds avec seulement 12 noeuds de vent », détaille Louis Viat, désormais double vainqueur de la Little Cup.

Groupama skippers.ch LITTLECUP 2015
© Pierrick Contin.

Du rêve à la réalité

L’eau du Léman s’agite, moutonne, devient clapoteuse au fur et à mesure que les minutes s’égrènent. « Avec 15 noeuds de vent ça devient vite la guerre là-dessus » témoigne Louis après le briefing météo, rajoutant « si en plus le vent devient instable avec de fortes rafales… ». Dans le mille ! Éole se renforce, les coureurs se montrent moins sereins. Les rafales deviennent des pièges, le pilotage se complique. Le catamaran américain Cogito ne résiste pas et chavire, brisant son aile, ses espoirs et ses années de préparation et d’investissement…

Du rêve à la réalité ou comment tout peut s’arrêter en l’espace d’une seconde : bienvenue dans la Class-C ! Heureusement pour les coureurs et les machines – moins pour les spectateurs – les journées suivantes sont plus calmes. Voire trop, comme ce samedi de finale où aucune manche n’est courue. La veille, Groupama mène 2-0 face à Axon piloté par Benoît Morelle et Benoît Marie. Tant pis ! Les Français repartent de Genève avec leur second trophée sous le bras. Norgador, l’équipe locale de Jean-Pierre De Siebenthal et Arnaud Psarofaghis, termine sur la troisième marche du podium avec l’ancien bateau d’Hydros, finaliste en 2013. L’autre Class-C appartenant à la fondation suisse, était aux mains du triple champion du monde de Nacra 17, Billy Besson accompagné du champion du monde de Formule 18 en 2012, Matthieu Vandame. Malgré leur palmarès inégalable sur catamaran, les deux complices, sous les couleurs du Gstaad Yacht Club, n’ont pu régater à armes égales à cause d’ennuis mécaniques. « Ça a été compliqué pour nous, mais dans ce sport il faut fiabiliser la machine, or nous n’avons pas eu assez de temps pour ça », explique Matthieu avec une pointe d’amertume.

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© Pierrick Contin.

Plusieurs équipes professionnelles intéressées pour 2017

Ce laboratoire de l’innovation qu’incarne la Class-C résonne au-delà des frontières suisses. Véritable antichambre de la Coupe de l’America, Franck Cammas s’en sert pour améliorer et comprendre à moindre coût le fonctionnement des catamarans de nouvelle génération. Deux Espagnols spécialistes de la Volvo Ocean Race et de l’olympisme ont été aperçus en compagnie de l’architecte naval Juan Kouyoumdjian. « En tant qu’organisateur nous sommes sollicités par des équipes à fort potentiel » s’enthousiasme Jérémie Lagarrigue, le PDG d’Hydros. La start-up suisse, confortée par le groupe Lombard Odier, se tourne désormais vers les deux prochaines éditions qu’elle doit organiser. « Nous sommes à la fois organisateur et accompagnateur de projet. L’innovation, la compétitivité et l’échange restent les maîtres mots de la Class-C. Nous aiderons ainsi les équipes “amateurs” à financer leur voyage » rajoute Jérémie, impatient de s’atteler aux préparatifs.

La Little Cup dispose de beaux jours devant elle à en voir l’excitation qu’elle suscite. La rareté de l’événement et son internationalisation l’érige dans la catégorie des compétitions spéciales comme la Volvo Ocean Race, la Coupe de l’America ou les Jeux Olympiques. « Il faut qu’elle conserve cette périodicité, qu’elle reste une régate d’exception » soutient Jérémie. Les tenants du titre, eux, pourraient ne pas défendre leur trophée en 2017. « Toutes nos forces seront concentrées sur la Coupe de l’America aux Bermudes », anticipe Louis Viat avec regret. La Little Cup devra donc trouver sa nouvelle égérie. Si comme le veut l’adage « lorsque le chat n’est pas là les souris dansent », on peut espérer une édition pleine de suspens et de prétendants pour succéder au félin vert en 2017.