Michel Bonnefous

Maintenant que le nom de la ville qui accueillera la prochaine America’s Cup est connu, pouvez-nous dire quels ont été les principaux obstacles dans le processus de décision?
Il n’y a pas eu vraiment d’obstacles, mais un travail colossal à effectuer. Mon équipe et moi ne nous attendions certes pas à rencontrer autant de motivation de la part des villes candidates, leur engagement a été énorme. Il faut souligner que cette ville n’est pas seulement un nom sur une carte, mais aussi une population et des entreprises souhaitant s’impliquer dans cette magnifique aventure qu’est l’America’s Cup. Le site qui accueillera la Coupe sera étendu sur terre comme sur l’eau, on y trouvera un village événementiel, les bases des équipages, un centre d’informations sur la Coupe, un centre medias, un studio pour les émissions etc… Le tout doit être instructif et distrayant pour le public, qui doit pouvoir profiter du spectacle et se rendre sur la zone de course facilement. Il faut aussi toute une animation et des infrastructures offrant des services. Les conditions météo ne représentent qu’un aspect de l’organisation. Aucun autre événement nautique n’aura eu cette envergure auparavant. Cela ne s’improvise pas.

Est-ce que vous avez subi des pressions auxquelles vous ne vous attendiez pas?
En fait, les seules véritables pressions étaient intrinsèquement liées à nos ambitions et à l’honneur d’avoir à mettre sur pied cette sublime épreuve. Nous avons mis beaucoup d’énergie dans la vision que nous avions d’une America’s Cup en Europe au 21e siècle, et dans l’établissement d’un cahier des charges précis. Certaines personnes à l’extérieur ont eu du mal à le comprendre. On ne peut pourtant pas parachuter tout à coup 4000 personnes dans une ville (les équipages, leurs familles, les organisateurs, les sponsors, les fournisseurs etc…) sans avoir des garanties sur leur logement, les écoles, et sur toutes les formalités administratives inhérentes à un tel projet. Et cela sans compter les médias et les fans. Rien qu’en équipes télé, nous aurons plus de 350 personnes!

Avez-vous consulté les Défis annoncés (Alinghi, K-Challenge, Oracle, Ozboys)?
Non, pas tu tout. Alinghi au départ était un cas spécial car AC Management n’était pas encore créé, et il a fallu faire un minimum de tri lorsque nous avons été confrontés à un raz-de-marée de candidatures: dans les 60 lieux nous ayant fait part de leur intérêt, on trouvait des hôtels, des villages avec un bout de plage, des paradis fiscaux etc… Pendant cette période de transition, Alinghi a pris la décision de se concentrer sur l’Europe du Sud. Après la première pré-sélection et la création d’AC Management, Alinghi n’a plus été impliqué.

Pensez-vous que le choix de cette ville va faciliter la création et l’aboutissement de nouveaux Défis?
Absolument: tout a été pensé dans ce sens. Toute notre réflexion s’est orientée vers et pour les Défis. La ville en fait partie intégrante mais il y aura des pré-régates qui se dérouleront ailleurs. N’oubliez pas qu’il y a cette fois 300 millions de personnes à 2 heures de vol de l’événement, avec une grosse concentration de navigateurs parmi eux. L’absence de décallage horaire et les progrès technologiques nous permettent d’envisager un show nautique inimaginable jusqu’à présent. Les sponsors cherchent des retombées médias, ce sera plus facile pour les Défis de les convaincre ainsi.

AC Management a-t-elle prévu des mesures pour encourager, voire aider la venue de syndicats jusqu’ici très timides?
Précisons d’abord que les Défis ne pouvaient pas vraiment s’annoncer avant le 15 décembre, puisqu’ils ne pouvaient pas s’engager auprès de leurs sponsors sur un programme défini. Bien d’autres Défis sont d’ailleurs en contact avec nous mais ne se sont pas annoncés, et nous avons aussi connaissance de Défis avec qui nous n’avons pas encore de relation. Après la victoire de Team New Zealand en 1995, il ne s’est rien passé ensuite pendant deux ans. Nous allons tout faire pour encourager la création de Défis. L’événement sera plus grand, plus long, commencera plus tôt, offrira aux sponsors un meilleur retour sur investissement, et sera structuré de manière plus cohérente. L’America’s Cup se déroulera en trois phases: des pré-régates de septembre 2004 à fin 2006, une régate en flotte en 2007 avec tous les Challengers et Defender et les régates d’élimination entre Challengers au printemps 2007, dont le vainqueur affrontera finalement le Defender lors du match pour l’America’s Cup. Le Challenger of Record (Oracle) et le Defender (Alinghi) participeront à toutes les phases, et la grande nouveauté consistera à ouvrir les pré-régates à des équipes n’ayant pas encore constitué de syndicats: un équipage souhaitant se tester ou en savoir plus sur l’environnement de la Coupe pour mieux convaincre ses sponsors aura l’occasion de se frotter à des syndicats constitués. AC Management mettra donc sur pied des événements en 2004 et 2005 dans les régions où des syndicats sont susceptibles de se former, comme Kiel par exemple. Ces manifestations devront refléter au maximum la réalité de la Coupe afin d’aider les syndicats potentiels à concrétiser leur projet. Elles ressembleront notamment à celles de la Moët Cup de San Francisco, mais sans les régates entre propriétaires.

En quelle année peut on raisonnablement penser qu’il est maintenant trop tard pour chercher à s’engager dans la course?
Il va se passer plein de choses à partir de septembre 2004: trois régates en Europe dont une dans la ville hôte, puis trois par an jusqu’en 2006. Normalement, toutes les inscriptions devraient nous parvenir d’ici le second semestre 2005, mais il restera des solutions si un syndicat a la volonté de nous rejoindre ensuite.

Quelles sont dorénavant vos priorités dans les mois à venir?
Dans neuf mois se déroulera notre premier événement, le premier d’une longue série. Les événements dureront chacun une semaine, laquelle sera partagée entre deux jours de régate en flotte et cinq jours de match race. Notre ambition est de faire en sorte que chaque manifestation soit au moins aussi importante que la précédente. Beaucoup de travail nous attend dans ce sens, notamment pour communiquer aux équipes concernées ce qui les attend et comment nous pouvons leur apporter notre soutien logistique. L’accueil du public et les retransmissions vont par ailleurs nous demander beaucoup d’énergie. Parallèlement, il va falloir nous installer sur place en début d’année, même si nous gardons bien-sûr nos bureaux genevois.

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