Arbitrer du match racing, c’est comprendre les éléments si particu- liers qui caractérisent ce sport. Si de nombreux Umpires sont d’anciens coureurs ou entraîneurs, il faut passer par un certain nombre d’étapes avant d’arriver à arbitrer une épreuve internationale. Les aspirants débuteront à un niveau régional pour grimper les échelons avec, tous les trois ans, une validation des acquis par l’ISAF elle-même. Un parcours long, fastidieux, mais tellement enrichissant.

Un match dans le match!
Pour arbitrer un match, les Umpires sont toujours deux à bord du zodiac qui suit les coureurs. Sur le pré-départ, une aide extérieure, le Wing, est même nécessaire pour mieux appréhender les engagements entre les concurrents. Et c’est un véritable dialogue qui s’installe à bord du ba- teau des Umpires, relié par VHF au Wing. Chaque arbitre a un bateau at- titré et vit en temps réel ce qui se passe à bord: les actions de barre, la vitesse, les manœuvres, l’espace laissé à l’adversaire pour s’écarter… Ce dialogue permet de comprendre la mise en place d’une situation pour la juger le plus rapidement possible. La difficulté vient du fait que c’est du temps réel, donc les actions s’enchaînent les unes après les autres et il ne faut pas se laisser déborder. Si protêt il y a, chaque Umpire va donner sa vision des choses. En cas d’accord, ils infligent une pénalité. En cas de désaccord, il n’y a aucune pénalité. Il se peut qu’il y ait double pénalité quand chaque bateau a commis une faute. Dans ce cas, les pénalités s’annulent entre elles.

Jeu de mains, jeu de vilains?
Un non-initié qui passerait sur un ponton après une épreuve aurait bien du mal à comprendre le langage gestuel qui régit le sport vélique. Parler ne suffit souvent pas à expliquer une situation, il faut en plus rajouter les mains qui représentent un bateau, un adversaire. Les mains se croisent, se décroisent, enroulent une bouée imaginaire. Les situations sont ainsi recréées, analysées, épluchées.

Dans ce monde fermé du match racing, il est important de garder, une fois de retour à terre, une certaine convivialité entre les coureurs et les Umpires. Mieux comprendre un jugement, une situation, une mise en danger, fait avancer la discipline: les coureurs apprennent à être plus fins, plus droits dans leurs manœuvres au contact; les arbitres ont une meilleure vision des situations et sont ainsi à même de mieux juger une infraction. D’ailleurs, il y a un certain respect des concurrents envers les arbitres, car, même en cas de défaite avec une pénalité, les concurrents prennent le temps de la réaliser. Vous avez dit fair-play ?

Il ne faut pas oublier que, comme dans de nombreux sports, certains coureurs font allègrement de l’intox. Crier avant d’avoir mal! Cela fait partie du jeu et les Umpires sont moins dupes et apprennent à mieux connaître certains skippers. C’est plus la personnalité des skippers, et donc de l’équipage qui leur correspond, qui est à prendre en compte.

Un métier d’avenir?
Si les arbitres sont vitaux pour la discipline vélique, il n’existe pour l’heure aucune instance pro- fessionnelle régissant ce métier. Chaque Umpire est engagé au coup par coup sur les épreuves qu’il va arbitrer. De plus, pour avoir une certaine impartialité dans les jugements, plus le niveau de l’épreuve est important, plus il va falloir avoir de nationalités distinctes chez les arbitres. Seul Bill Edgerton (GBR) est engagé à l’année par le World Tour, le championnat du monde de match racing, pour être l’Umpire Chef.

La méthode d’arbitrage appliquée au match racing a fait des émules dans de nombreuses séries comme les supports des Jeux Olympiques. Connaître le vainqueur dès la fin de la dernière manche permet de rendre ce sport plus accessible au public. Aujourd’hui, dans la Medal Race, dernière manche d’une épreuve olympique, il y a un jugement direct sur l’eau qui permet d’éviter toute réclamation après coup. De même dans des flottes plus petites, comme les RC44 ou les D35, la mise en place d’un arbitrage direct rend plus fluide le déroulé d’une épreuve. Le classement se joue en temps réel.

Enfin, il ne faut pas confondre Umpire et jury. Même s’il suit sur l’eau les régates, le jury n’est pas là pour sanctionner. En flotte, il peut être témoin et ainsi rétablir une vérité lors d’une réclamation après course. En 2010, une aide télévisuelle a été testée sur le Korea Match Cup, mais, contrairement au foot ou au rugby, il n’y a aucune possibilité d’arrêter le jeu en voile. De plus, les caméras faussent les distances donc cette aide n’a pas un avenir tout tracé. Les Umpires ont donc de belles an- nées devant eux…

Merci à Philippe Michel (FRA), Umpire International, de nous avoir éclairé sur son métier si particulier.