Etait-ce la présence rubiconde d’un souffleur de cornemuse ou l’hommage humide des dieux au génie des architectes navals, toujours est-il que la Monaco Classic Week 2009 qui s’est déroulée du 16 au 20 septembre, a eu son content d’averses et de nuages noirs. C’est que l’occasion était unique : pour fêter le centenaire de son bateau fétiche, le 15 mJI Tuiga, un aurique de 28 mètres hors-tout dû au dessin exceptionnel de l’Ecossais William Fife III, le Yacht Club de Monaco avait réuni pas moins de 100 bateaux classiques, à voile et à moteur. Un spectacle rare, dont le charme suranné fut encore souligné par des équipages en costumes d’époque évoluant à l’ombre des mâtures élancées de trois navires-école parmi les plus imposants, le Russe Sedov (117,5 mètres) et les Italiens Signora del Vento (85 mètres) et Palinuro (69 mètres).

Hommage à Eric Tabarly
Régates, concours d’élégance et exposition de bateaux, de voitures et d’avions d’époque, dont deux répliques du Blériot XI qui a, pour la première fois, traversé la Manche en 1909, étaient au programme. Vu les conditions météo, seule une régate a pu être validée le jeudi et c’est Tuiga qui l’a emporté chez les Big Boats de plus de 23 mètres, devant un autre plan Fife, Moonbeam of Fife (1903), et Mariette (1915, un plan de l’Américain Herreshoff). Une victoire que l’équipage de Tuiga a offerte à Jacqueline Tabarly, en hommage à feu son époux Eric, disparu en mer il y a onze ans, alors qu’il était à bord de Pen Duick, un cotre aurique de 1898, lui aussi conçu par William Fife.
Puis Eole quitta subitement le plan d’eau monégasque, laissant les voiliers d’époque à quai. Sans doute pour se refaire une beauté en vue de la cérémonie d’anniversaire de Tuiga, accueilli le samedi par les hourras des équipages, les coups de canon – heureusement miniature! – de certaines embarcations, les sifflets des canots à vapeur, les klaxons des 40 Riva réunis, quelques cornes de brume et les accents de la cornemuse, avec son souffleur en costume écossais, solidement campé sur la plage avant du bateau célébré. Sous le soleil revenu, l’équipage de Tuiga, aligné sur le pont, avait fi ère allure dans sa livrée bordeaux et beige.

Un bateau suisse de 1889
Pendant ce temps, un ancêtre dignement restauré sillonnait silencieusement Port Hercule. A sa poupe, un drapeau suisse ; à son bord, les frères Schmid, Thomas et Martin, deux passionnés de canots à vapeur, en costumes d’époque, barreur et mécanicien d’une embarcation affi chant crânement 120 ans d’existence. Le St-Urs, patron de Soleure, a en effet été construit à Hambourg en 1889 pour cingler sur les eaux de l’Aar, puis, pendant 70 ans, sur celles du lac de Sarnen où il transportait notamment des passagers. Thomas et Martin se portèrent acquéreurs en 1992 et consacrèrent dès lors près de 15 ans à redonner tout son lustre à cet élégant canot de 9,15 mètres hors-tout, équipé d’un rutilant moteur à vapeur d’époque. « Aujourd’hui, le bateau navigue sur l’Aar et sur les lacs de Bienne, de Morat et des Quatre-Cantons », précise Thomas.

Non loin de là évoluait un autre pavillon suisse. A bord de Pucci I, l’architecte luganais Bruno Huber, un fondu de runaboats puissants et racés de l’après Seconde Guerre mondiale. Son Colombo date de 1963 ; il ne s’en est construit que trois exemplaires. Mais Carlo Riva, qui se trouvait à Monaco, a peut-être tremblé devant ce concurrent au style très épuré.

Aperçus également sur les quais, deux runaboats immatriculés en Suisse, Sirius (1932), construit au chantier Oester à Rolle et Gilliatt (1905), sauvé par l’Association patrimoine du Léman.