Plus d’espace, plus de confort, meilleur accès à la mer, les multicoques ont vite été adoptés par les sociétés de location, nourrissant réciproquement leurs succès. 

2015_TM_BVI---George-KamperPour comprendre à quel point l’essor du catamaran est lié à celui de la location de bateau, il faut remonter aux lois de défiscalisation des années 1980 en France. Ces dernières permettaient aux résidents métropolitains d’obtenir des crédits d’impôt en acquérant un bateau dans les territoires d’outre-mer. Comme le précise Franck Bauguil à la tête de Léopard Catamarans, « des chantiers comme Catana, Fountaine Pajot ou Lagoon ont innové en comprenant très rapidement l’intérêt du catamaran pour la location, et démarré en créant des produits destinés à la location. » Lui-même n’allait pas tarder à travailler pour Moorings, alors leader mondial de la location de bateaux. Pour l’anecdote, il raconte que les fondateurs de Moorings, Ginny et Charly Cary qui avait par ailleurs inventé les premiers programmes de gestion, se sont offert un Lagoon 55 après la vente de leur entreprise ! En découvrant les premiers catamarans au salon d’Annapolis, Franck Bauguil a tout de suite compris que ce produit plairait à la clientèle américaine appréciant l’espace, les grandes maisons et les grandes voitures. Selon Moorings, le catamaran représentait le futur du charter et il fallait concevoir le meilleur bateau charter du monde. Le cahier des charges stipulait non seulement un meilleur accès à la mer et à la bière dans le frigo, mais aussi des cuisines plus confortables sur la plateforme supérieure, un rail d’écoute de grandvoile à l’extérieur du cockpit, une circulation aisée dans tous les espaces, une maintenance facile, etc. Le responsable des opérations avait régaté avec le patron d’un petit chantier sudafricain de bonne réputation, John Robertson de Robertson & Caine, qui répondit favorablement à l’appel d’offre et produisit les dix premiers Moorings 4500 en 1997. Leur collaboration stipulait que Moorings pouvait vendre ses catamarans partout dans le monde, le chantier se réservant l’Afrique du Sud. Devant le succès de ces modèles en flotte, mais aussi auprès des particuliers, il fut décidé en 2001 de les vendre sous la marque Léopard. À cette époque, la moitié de la flotte Moorings se composait de catamarans. Le feedback des clients de charter a permis d’innover dans le design des catamarans, avec par exemple les premiers hard-tops en 2000, le poste de barre protégé et intégré au cockpit, ou encore le cockpit avant. Depuis, plus de 1700 Leopard ont été vendus (lire à ce sujet l’article en page 108).

En parallèle, les chantiers fraLeopard-48-(Light)--Saloon2nçais ont également beaucoup évolué en matière de confort et de design, apportant chacun leur touche devenue incontournable : la cuisine sortie des coques par Fountaine Pajot, le premier flybridge de Lagoon, ou aujourd’hui le trampoline remplacé par un nouvel espace de vie à l’avant des Bali, dont le salon/cockpit à la très distinctive porte vitrée oscillo-basculante. Fondateur de la société Dream Yacht Charter, Loïc Bonnet considère que cette innovation apporte plus de convivialité à la croisière. Son histoire est également emblématique de la symbiose cata/charter : ce professionnel du yachting a lancé Dream Yacht Charter en 2001 avec six catamarans aux Seychelles. Devenue leader mondial, la compagnie exploite aujourd’hui plus de 1000 bateaux dans 50 bases, et a été rachetée l’an passé par Fountaine Pajot et la société d’investissement actionnaire du chantier, Nextstage.

Pourquoi les vacanciers préfèrent le multicoque ?

Principalement pour deux raisons, répond Loïc Bonnet : « Être sur l’eau tout en ayant le confort d’un appartement (air conditionné, eau à volonté grâce aux dessalinisateurs, espace et agencement conviviaux), et se rendre dans des endroits relativement inaccessibles en comparaison avec d’autres types de vacances ». Il ajoute que « les vacances en catamaran ont élargi la clientèle avec les locations à la cabine sur des bateaux de cinq ou six cabines, permettant de découvrir les joies de la navigation avec un skipper et une hôtesse sans s’y connaitre, à un prix raisonnable ». Franck Bauguil trouve d’autres atouts aux multicoques : « Les occupants ont un accès à la mer privilégié par rapport à un monocoque, c’est une plateforme de jeu. En outre, les occupants ne souffrent pas de la proximité car il n’y a pas de cloison commune entre deux cabines, comme sur un monocoque où cela prive de toute intimité. » C’est d’ailleurs un argument avancé par la Fabienne Lafranchi, à la tête de l’agence de location Voile Évasion : « Les deux coques permettent une intimité bienvenue pour naviguer à plusieurs familles ou en groupe. Nos clients choisissent aussi le catamaran pour des raisons de confort, notamment pour les premières expériences nautiques, car le bateau ne gîte pas et procure un sentiment de sécurité. Les familles apprécient que leurs enfants puissent jouer dans le carré et l’espace extérieur du bateau ». « Stabilité, convivialité, confort de vie et espace à bord au mouillage sont les avantages cités par les cIpanema-58---BVI-(51)lients de Moorings et Sunsail », commente Emmanuel Allot, à la tête de l’antenne européenne des deux entités. Les mêmes qualités sont citées par leur agent suisse My Charter, représenté par Damian Rottenmanner. En guise de conclusion, Loïc Bonnet suggère une autre cause de l’essor des catamarans à la location : les sociétés de charter se sont professionnalisées et ont rendu le produit plus normatif, il est très rare aujourd’hui d’avoir de mauvaises surprises : les opérateurs sont professionnels, les bateaux sont propres et en bon état, ce mode de vacances s’est standardisé. »