En route vers les Canaries, ou dans le cadre d’un tour de la péninsule ibérique, pour rejoindre l’Atlantique ou la Méditerranée, l’Algarve offre aux navigateurs de passage une destination de croisière véritablement atypique. Cette côte d’une centaine de milles située entre le cap Saint-Vincent et le Rio Guadiana, bénéficie en plus d’un climat très agréable jusqu’au début de l’hiver, d’un régime de vent dominant du nord qui permet d’arpenter aisément l’ensemble des sites, sans trop se préoccuper de la météo.

Le cap Saint-Vincent est un des sites les plus sauvages et spectaculaires de la province. C’est également un paradis des surfeurs. © Vincent Gillioz

Les équipements disponibles pour les voiliers sont par ailleurs au niveau de ce qui se fait dans toute l’Europe, et permettent aux voiliers d’envisager une escale technique intéressante. Les tarifs d’hivernages sont en effet très concurrentiels, même s’ils ne sont pas aussi avantageux que sur le littoral ouest du pays. Mais au-delà de ces aspects purement pécuniaires, l’Algarve mérite quelques escales, car c’est un pays enchanté qui concurrence largement certaines îles des Caraïbes, réputées paradisiaques.

Doubler Saint-Vincent

En venant du nord, les navigateurs aborderont l’Algarve par le fameux cap Saint-Vincent, qui est largement aussi réputé que le raz de Sein ou le cap Finisterre. Pointe la plus sud-ouest du continent européen, le site est chargé de symboles. Surplombé d’un phare et d’un monastère, on peut également admirer une forteresse sur la Ponta de Sagres, juste à l’est. Si le nordada, dominant en été, souffle de manière appuyée, le passage du cap peut représenter une libération, et offrir enfin un abri après une longue navigation depuis Finisterre. À noter qu’il est recommandé de prendre une marge de deux bons milles pour franchir le cap, qui peut lever des vagues impressionnantes. Le vent se renforce en effet sur la pointe, en descendant des falaises, en même temps que la houle se réfléchit. Une DST (zone de séparation du trafic) figure sur les cartes. Celle-ci s’étend entre cinq et quatorze milles de la côte.

La lagune d’Alvor est un des plus beau mouillage de la côte sud du Portugal © Vincent Gillioz

Deux anses sont appropriées pour mouiller et s’abriter à l’est du cap. Elles permettent l’attente d’un courant favorable pour ceux qui remontent. Enseada de Belixe et Enseada de Sagres proposent en effet des abris tout à fait intéressants, en tout cas pour mouiller de jour. Il faut néanmoins compter avec une bonne longueur de chaîne puisque l’on pose son ancre par quatorze mètres de fond.

Portimão, côté est et côté ouest. Un mouillage sûr, avec accès à la ville, et à la plage pour le calme. © Vincent Gillioz

Le premier abri tous temps se situe par contre à quelques milles de là, à Baleeira, juste en dessous de Sagres, au nom évocateur pour les amateurs de bières. Baie très bien protégée par une digue et un groupe d’îlots, elle abrite un petit port de pêche qui mérite d’y passer plusieurs jours pour en capter le charme. Car si l’endroit ne semble pas des plus accueillant au premier abord, le petit village situé juste au-dessus de la baie est réellement sympathique. Les possibilités de randonnées, notamment le long des falaises de la Ponta de Atalaia sont innombrables, et donnent un avant-goût de ce qu’offre la région. Les plus courageux pourront même rejoindre le cap Saint-Vincent pour une excursion d’un jour. Plusieurs organismes proposent par ailleurs des sorties de whale watching en zodiac. La région est en effet riche en cétacés en tout genre, que les navigateurs auront forcément croisé en arrivant sur place.

© Vincent Gillioz
Lagos l’amuseuse

Après cette entrée en matière plutôt authentique, Lagos qui se situe sur les rives du Rio Bensafrim, se profile naturellement comme la prochaine escale en allant vers l’est. La Ponta de Piedade marque l’entrée de la baie qui conduit à la passe de la rivière. Les falaises qui la bordent constituent une destination à la journée pour de nombreux touristes. Il est possible de mouiller très proche des rochers et îlots par beau temps, et d’arpenter les voûtes et grottes en annexe. Pour passer la nuit sans rejoindre la marina, l’est de la digue constitue un bon mouillage pour autant que le vent souffle du nord. On pourra alors rejoindre le minuscule port situé à l’ouest de l’entrée du chenal avec son dinghi, à côté du club de Vela de Lagos, et le laisser en sécurité. Il est important de tenir compte de l’horaire des marées, qui peuvent générer un courant allant jusqu’à trois nœuds ainsi qu’une barre entre les brise-lames.

© Antonio Sacchetti

La marina qui propose tous les services nécessaires est par contre hors de prix jusqu’à fin septembre, ce qui peut refroidir plus d’un plaisancier à y passer la nuit. L’escale mérite néanmoins le détour et Lagos est une ville très animée, à la vie nocturne réputée. Une passerelle ouvrante permet de rejoindre directement le centre depuis la marina à pied. De nombreux artistes de rues égayent la vie des terrasses de la vielle ville. Et si l’ambiance est assez touristique, elle est néanmoins bon enfant et très agréable, pour autant qu’on évite les mois de forte affluence.

Nombreuses, les marinas sont généralement chères, mais offrent toutes les commodités que l’ont peut attendre. Elles manquent par contre d’authenticité. © José Manuel

Pour ceux qui préfèrent profiter de la journée, il est dit que la plage située à l’est du brise-lames est une des plus belle de la province. Elle s’étend presque sans interruption jusqu’à Portimão.

Entre ville et nature

Après la foule et les fastes de Lagos, Alvor représente l’escale idéale pour se ressourcer, tout en profitant d’une ambiance toujours animée. Situé au fond d’une lagune sableuse, ce village de pêcheurs est resté très séduisant malgré un important développement touristique. Alvor offre une belle occasion de découvrir une Algarve sauvage, tout en profitant des commodités du lieu. Pour ceux qui ne souhaitent pas aller au village, il est possible de mouiller à l’entrée de la lagune, juste après les brise-lames, construits dans les années nonantes. Un îlot de sable, style île déserte trône au milieu du site à marée basse, et les plaisanciers ne manquent pas d’en profiter. Autrement, le mouillage situé devant Alvor est très bien protégé par n’importe quelle condition de vent.

Avec ses nombreux pubs irlandais, et ses restaurants plus ou moins typiques, l’endroit est réellement plaisant et on arpente volontiers ses rues en soirée. On peut écouter pratiquement chaque soir de la musique live dans les bars en buvant du bon vin, et se promener la journée dans les dunes pour observer les oiseaux sur les passerelles aménagées. Deux restaurants de plage situés côté large permettent également de profiter du lieu sous un autre angle.

En continuant vers l’est, on croise la ville de Portimão, qui peut représenter une escale intéressante. Deux larges brise-lames permettent l’entrée dans la large baie. Un excellent mouillage, quoique rouleur par vent de sud, est possible derrière la digue est. La marina, aux tarifs tout aussi excessifs que Lagos, se situe juste en face; alors que la ville est à peine plus en amont du Rio Arade. Le centre-ville abrite également un petit port de plaisance réservé aux locaux qui peut accueillir quelques voiliers de passages sur le ponton extérieur pour un montant beaucoup plus raisonnable.

En dehors des commodités de la ville, qui permettent de se ravitailler, l’intérêt de cette escale se situe surtout sur la rive est de la baie. Le village de Ferragudo, juste en face de Portimão, est réputé pour ses poissons grillés au sortir des bateaux de pêche. Les amateurs d’authenticité apprécieront.

Le paradis n’est pas loin

Les marinas d’Albufeira et de Vilamoura n’ont que peu d’intérêt, si ce n’est celui de vider les porte-monnaie de plaisanciers. Villes-champignons à l’image de la Grande Motte ou Port-Camargue, elles ne possèdent aucun charme. Bondées de restaurants, de pubs, et de marchands d’excursion, rien n’incite à s’y attarder, à part peut-être la possibilité de trouver quelques services professionnels pour les bateaux.

C’est en poursuivant vers le Cabo de Santa Maria, à l’entrée de la lagune de Faro et Olhão, que l’Algarve sauvage se dévoile à nouveau. Plus de 30 milles de méandres permettent de visiter ce parc naturel réputé pour abriter les plus grandes colonies de cigognes du continent. Olhão, peu touristique, est une ville très agréable où se tient un magnifique marché tous les samedis, qu’il convient de ne pas manquer.

Mais le clou d’une croisière en Algarve se trouve sans aucun doute sur les rives de l’île de Culatra, un véritable paradis sur terre. Bon mouillage, calme, village sans voiture, petits restos sympas bon marché, et longues promenades dans les dunes et les méandres sont les atouts de cette improbable bande de sable. Il n’est pas rare que des voiliers de passages venus pour quelques jours restent ici plusieurs mois, voire parfois plusieurs années, tant le charme est intense. Les amateurs de pêche peuvent aussi se réjouir puisque les canaux regorgent de poulpes, seiches et de daurades pour qui sait les attraper.

Les bateaux qui prennent le chemin de la Méditerranée pourront encore profiter de Tavira et de Vila Real de Santo Antonio qui marque la frontière avec l’Espagne avant de passer en Andalousie. Ils garderont tous un souvenir inoubliable de cette Algarve aussi improbable qu’inattendue.