Régate nécessaire dans la carrière d’un coureur au large français, le podium de la Solitaire du Figaro a vu défiler les grands marins de l’Hexagone. Poupon, Peyron, Le Cam, Bidégorry, Cammas, Desjoyeaux et bien d’autres sont passés par là avant d’accéder à des supports plus prestigieux. Sorte de Paris-Roubaix de la voile, le Figaro est réputé pour sa difficulté impitoyable. Sur cette course, le sommeil est un péché capital et la barre le cordon ombilical du navigateur. La lâcher ou dormir, ne serait-ce que quelques minutes, signe l’arrêt de mort du marin, la perte indubitable d’une ou plusieurs places. Au Figaro, perdre un mètre signifi e perdre la course. Ici, on navigue en flotte, au contact, comme sur un parcours orienté, mais sur des étapes qui durent jusqu’à 80 heures. Les candidats à la gloire éphémère n’ont alors d’autre choix que de se faire violence en traversant les zones les plus mal pavées du monde. Fastnet, Scilly, Blanchard, Batz, Sein ou encore Ouessant sont chaque année au menu de cette spécialité aoûtienne. Le Figaro est une régate de masochiste aguerri et personne n’en ressort complètement indemne. Alain Gautier l’a emporté après sa dixième participation, Jean Le Cam après sa onzième et Gildas Morvan, qui vient depuis 13 ans, attend toujours son heure. 

Trop peu de Suisses
Évènement franco-français par excellence, cette course n’intéresse malheureusement pas trop les Suisses et les marins helvètes s’y sont trop rarement fait remarquer. Laurent Bourgon (Franco-suisse) et Dominique Wavre font toutefois figures d’exceptions. Le premier, enfant prodige, l’a remporté à 22 ans en 1988 et Wavre s’est illustré deux fois, en terminant deuxième en 1990 et 1997. Christian Wahl, Marc Hulman, Alex Schneiter, Patrick Firmenich ou encore Hervé Favre y sont également passés, avec un peu plus de discrétion au niveau du classe¬ment, mais tout autant de mérite. Car s’engager sur le Figaro reste une prouesse, quel que soit le résultat final.

Un Figaro pour préparer le Vendée Globe
Bernard Stamm a donc décidé cette année de venir compléter la liste des Suisses ayant participé à cette course folle. Engagé avec la Fondation Landolt et Cheminées Poujoulat sur un programme qui doit le mener au départ du Vendée Globe 2012, Stamm navigue sur tous les supports possibles jusqu’à la mise à l’eau en mars 2011 de son 60 pieds signé Kouyoumdjian. Après une 10e place à la Transat AG2R ce printemps, le Vaudois est donc reparti en solitaire sur le Figaro début août. « Pour découvrir et améliorer mon potentiel dans les phases de contact», explique-t-il. Pour lui, « le Vendée Globe est une régate pleine de phases rapprochées, même si les distances sont un peu plus grandes que sur le Figaro. Les positionnements sont les mêmes et savoir les appréhender représente un avantage indéniable ». Car si Bernard Stamm est un marin plus qu’accompli, il est conscient que son expérience en tactique rapprochée reste limitée.

Déroulement en dents de scie
Inscrit avec un statut de bizuth, malgré sa longue expérience de la mer, Stamm a réalisé un début de course très honorable. S’il passe la pointe de la Bretagne en 25e position, il se retrouve vite 12e au milieu du Golfe de Gascogne grâce à une option marquée, à l’ouest de la flotte. Il termine fi nalement 16e à Gijon, largement satisfait de ce premier résultat. Au retour, et après une belle négociation du passage de Belle-Ile, il finit 23e à Brest. « J’ai fait une erreur tactique assez claire. J’attendais une bascule à l’ouest qui est venue en retard et je me suis retrouvé du mauvais côté. Je suis presque surpris de ne pas avoir été plus pénalisé », précise-t-il. Poursuivant son apprentissage, il se classe 25e à Kinsale. « C’était une étape très technique et j’ai un peu souffert. Les choses se sont bien passées jusqu’aux Scilly, mais j’ai ensuite traversé des difficultés en allant sur le Fastnet. J’avais l’impression de tirer tous les bords à l’envers et j’ai perdu pas mal de terrain. J’ai ensuite bien joué en tricotant à la côte alors que les autres étaient au large. » Interrogé sur les forces et les faiblesses qu’il a pu découvrir sur l’épreuve, Stamm répond : « Je vais globalement du bon côté, ma stratégie est généralement juste. Cet aspect est donc très satisfaisant. Par contre, je ressens clairement mes lacunes tactiques, et surtout de la difficulté à garder une bonne vitesse. » Il évoque en ce sens l’aisance d’Armel le Cléac’h « qui va vite tout le temps » et la complexité de faire la différence en monotypie. « Ici, quand tu termines 15 minutes après le vainqueur, tu te retrouves 20e. »

Regrettable abandon
Une malheureuse collision sur un refus de tribord de Mathieu Girolet, lors du départ de Kinsale, a contraint Stamm à abandonner la dernière étape. Déçu de cet épilogue, il tente quand même de rester positif. « Je n’étais pas venu pour un classement, mais pour régater et apprendre. De ce point de vue, mes objectifs sont atteints. Mais cet abandon gâche
quand même un peu le plaisir. »

Le Jury a traité le cas de Stamm après l’arrivée en prenant en compte la moyenne de ses places lors des trois étapes précédentes. Au final, le skipper de Cheminées Poujoulat est réintégré au classement à la 24e place et monte sur la troisième marche du podium des bizuths. Tout est donc bien qui finit presque bien et Bernard qui a rejoint Cherbourg en convoyage a pu fêter la victoire d’Armel le Cléac’h, qui s’impose sans appel avec trois victoires d’étapes.