Époustouflant ! Même les meilleurs scénaristes hollywoodiens n’auraient pas osé un tel final. Le costume du rôle principal, d’abord promis au jeune Sébastien Schneiter et à son équipe Team Tilt après leur parfait début de saison (4 victoires en 5 régates), fut plus que contesté par Ernesto Bertarelli et ses hommes d’Alinghi depuis la reprise.

L’expérience face à l’insouciance ? Trop facile de tirer ce raccourci tant la jeune équipe menée par Tanguy Cariou accumule les heures d’entrainements et les expériences sur tous les supports. Trop aisé également de réduire l’équipe la plus titrée du circuit (5 championnats) à une addition d’hommes d’expérience. Alinghi c’est bien plus qu’une simple somme et leurs succès sur les autres circuits (Extreme 40, GC32) attestent d’une soif de victoires inétanchable.

De l’aveu même de leurs principaux concurrents l’an passé, Tilt et Alignhi naviguaient ex æquo à un niveau « d’excellence » comme le concédait Xavier Revil, parachuté barreur de Spindrift en l’absence de Yann Guichard dans la seconde partie de la saison : « ces deux là étaient un cran au-dessus de nous cette année, tant au niveau technique qu’en vitesse pure ». A l’heure du bilan, Mobimo et son charismatique barreur, Christian Wahl, 4e du général l’an passé, préférait retenir leur belle troisième place acquise lors de ce Grand Prix final, la seule d’une saison « difficile ». « C’était très important pour l’équipe de performer, il y a eu pas mal de changements cette année et nous avions besoin de ce bon résultat », analysait-il en clôture du Grand Prix de la Société Nautique de Genève.

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CETTE SAISON ENCORE, ONZE DÉCISION 35 ONT PARTICIPÉ À L’UN DES CHAMPIONNATS DE MULTICOQUES LES PLUS RELEVÉ. © Loris von Siebenthal

La bonne recette de Tanguy Cariou

Les ainés d’Alinghi face aux jeunes de Tilt, quel duel ! Voir ces deux entités batailler pour le titre jusqu’à l’ultime manche du dernier Grand Prix révèle bien des enseignements aux concurrents. L’expérience et la polyvalence combinées à un savant mélange d’entrainements quantitatifs et qualitatifs composent les ingrédients d’une recette vers le succès. Une recette savamment concoctée par le seul quadragénaire du Décision 35 de Team Tilt, Tanguy Cariou, sorte de druide malicieux, de meneur d’homme doué d’un don certain pour la tactique. « On a terminé à la 6e place en 2014 mais en sachant exactement cibler nos forces et nos faiblesses. On a donc structuré et préparé la saison 2015 en fonction de ces dernières », observait le directeur sportif de l’équipe, Tanguy Cariou, littéralement aux anges après cette victoire finale.

Le poste de pilotage de l’imposant multicoque est lui occupé par le benjamin du circuit, Sébastien Schneiter qui voit dans ce championnat un parfait complément à sa préparation olympique en 49er qu’il dispute avec Lucien Cujean, lui aussi auréolé du titre final. « Ça a été compliqué jusqu’au bout, la tension était forte à bord, on a eu une seconde partie de saison moins bonne alors que nous n’avions rien changé de particulier. Heureusement, le vent soutenu nous a aidé car nous savions que nous marchions bien dans ces conditions, ça nous a peut-être ajouté de la confiance sur ce dernier Grand Prix », expliquait Sébastien, plus jeune barreur de l’histoire lauréat du championnat et du Bol d’Or.

Grand vaincu mais magnifique second, Alinghi admettait par la voix de son barreur emblématique, Ernesto Bertarelli, une défaite « justifiée malgré de très belles choses effectuées sur les eaux du Léman », ajoutant être « très confiant pour la prochaine saison ». Seuls deux points séparent le lauréat 2015 de son dauphin, une situation aux antipodes de l’an passé où Alinghi, déjà vainqueur avant l’ultime Grand Prix, n’avait pas souhaité régater de peur de biaiser la suite du classement général.

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LA BATAILLE FUT SERRÉE POUR LES PLACES D’HONNEUR DERRIÈRE LES DEUX TÉNORS INCONTESTÉS DE LA SAISON. @ Loris von Siebenthal

Les montagnes russes

Derrière les deux mastodontes, la lutte pour la troisième place fut disputée entre Veltigroup et Spindrift, séparés d’un seul petit point au terme de la saison. Veltigroup mené par Loïc Forestier affiche une belle régularité dans le top 5 des régates de la saison et s’est même offert le luxe d’accrocher une victoire de prestige, pleine d’opportunisme, sur Genève-Rolle-Genève. Après une revue d’effectif importante, Realteam, second l’an passé, s’est octroyé une belle victoire à Crans. Okalys, Mobimo et Zen Too ont enregistré des résultats assez hétérogènes et connaissent un effet « montagnes russes ». Ils ont la particularité de pouvoir décrocher des podiums mais aussi de se perdre dans les bas-fonds du classement. Des montagnes russes que n’ont pas connues Django Racing, bien habitué à jouer dans la troisième partie du tableau malgré des progrès notoires durant la seconde partie de saison. Les Décision 35 blanc d’Oryx et bleu d’Ylliam terminent eux à égalité de points. Le changement permanent d’équipiers et les avaries (chavirage d’Ylliam) combinés à un léger manque de pratique n’ont pas facilité la tâche des deux équipages malgré une belle fulgurance d’Oryx qui a terminé 5e du Bol d’Or Mirabaud.

Avec cette fin en apothéose et ces duels à tous les étages, le championnat des Décision 35 a encore de beaux jours devant lui malgré l’émergence des foilers. Tant que des équipes professionnelles comme Alinghi, Spindrift, Team Tilt, Realstone ou Mobimo continueront d’oeuvrer sur ce support, l’intérêt des équipes amateurs pour le Décision 35 ne faiblira pas et l’alchimie opérera encore quelques années. La saison 2016 pourrait être à cet égard l’une des plus relevée et disputée de l’histoire du circuit. Le futur scénario reste pour l’heure à écrire…