Débarquer sur d’immenses plages vierges, découvrir le foisonnement multicolore des fonds marins, explorer les rivières et les mangroves mystérieuses, pêcher la coryphène ou le tazar, aller à la rencontre des pêcheurs… Telle est la trame d’une croisière autour de Nosy-Be (prononcez Nossy Bé) et des îles qui l’entourent, autant de perles rares semées à quelques encablures de la Grande Terre. L’émerveillement est permanent, mais ne comptez pas trouver ici les attributs de la civilisation. Une fois Nosy-Be laissée dans votre sillage, vous ne verrez plus la moindre boutique, le moindre bistrot, la moindre route dans le paysage. Tout commence par l’arrivée à l’aéroport de Nosy-Be, où l’on débarque au terme d’un vol de nuit sur un tarmac déjà surchauffé alors qu’il n’est que 7 h 30 du matin. Température : 29°C ! Le ciel affiche ce bleu lumineux ponctué de petits cumulus brillants, typique des tropiques. Deux heures plus tard, direction Helville, la capitale locale, aussi vibrante qu’une grande capitale, avec son marché central, ses taxis multicolores – des Renault 4 hors d’âge qui étincellent comme des joyaux –, ses parfums d’épices et de vanille, ses porteuses à la silhouette altière, chapeautées de grands paniers de fruits, ses bazars qui font briller au soleil toute leur quincaillerie. Pas de doute, Nosy-Be, «l’île aux parfums», mérite bien plus qu’un simple passage vers l’embarcadère. N’hésitez pas à lui consacrer quelques jours, avant ou après votre croisière à la voile.

Une montagne ronde posée sur l’eau
Mais pour l’heure, c’est vers le port, où nous attend notre catamaran, que nous mettons le cap. Abrité dans un havre naturel, le port bourdonne d’activité aux heures de mouvement des ferries. Deux quais en pleine eau y reçoivent les caboteurs cabossés qui vont de la côte de Diego-Suarez à Tuléar, les ferries de la Grande Terre et les crevettiers des pêcheries de Nosy-Be. Les autres, tout une flottille de vieux boutres hauts en couleurs et de pirogues de tous formats viennent à l’échouage au fond du port, tandis que les quelques bateaux de plaisance restent à l’ancre. Nous posons nos sacs à bord avant de choisir notre cap. Nous nous décidons pour le sud, les vents semblant plus favorables. La journée étant déjà bien entamée, nous choisissons de faire route vers Nosy Komba qui semble toute proche au sud-est, avec son profil de montagne toute ronde posée sur l’eau, plus haute que Nosy-Be elle-même. Une douce brise nous pousse vers cette première escale, atteinte en moins de deux heures. Bientôt, l’ancre file dans l’eau transparente du lagon d’Ampagorina, près d’une grande plage frangée de cocotiers qui s’inclinent sur le sable. Devant les cases en falafy (les feuilles de ravinala séchées et nouées sur les charpentes en un chaume parfaitement étanche), de jolies nappes brodées, tendues entre des piquets obliques, festonnent tout le rivage. Une vitrine au grand air où s’expose cette spécialité de Nosy Komba, héritée d’une tradition importée au XVIIIe siècle par des religieuses françaises. Nosy Komba, c’est aussi le paradis des makis, ces sympathiques lémuriens à la queue en panache qui n’existent qu’à Madagascar.

L’île aux tortues
Après cette escale au goût d’Eden, nous mettons le cap au sud vers Nosy Iranja, l’île aux tortues. Surprise : on voit des voiles de tous côtés, mais aucune n’est de plaisance. Ces toiles là, mille fois rapiécées, gréent des pirogues, de pêche ou de transport, ou de lourds boutres hérités de la tradition indienne qui, avec le vent pour seule énergie, assurent des liaisons épisodiques vers les îles et les villages côtiers, dépourvus de tout accès routier. L’arrivée à Nosy Iranja est féérique. Est-ce une île ou deux ? En fait, il y en a deux, Iranja Be, la grande, et Iranja Kely, la petite, reliées par un immense banc de sable blanc qui serpente sur un lagon clair. À l’approche, l’eau passe par tous les bleus et les verts du monde, si transparente que le fond semble à portée de gaffe quand le sondeur annonce encore 15m ! Soudain, une grosse tortue sort la tête de l’eau, devant l’étrave, puis deux puis trois, qui nous jettent des regards curieux, pendant que d’autres fi lent sans hâte entre deux eaux. Iranja tient ses promesses ! Sur Iranja Be, il y a un hameau de pêcheurs, avec une école qui prépare les enfants au Certificat d’études. À l’autre extrémité du banc de sable, Iranja Kely dissimule sous ses ombrages un hôtel de luxe où séjournent quelques clients fortunés en mal de solitude. Après cette escale au paradis, on craint d’être blasé, mais il n’en est rien. Dès le jour suivant, la rivière de Baramahamay nous offre un décor tout différent, véritable repaire de pirates invisible du large, entre des collines où les grands ravinalas déploient leurs éventails vert pâle. Difficile d’imaginer un ancrage plus abrité que celui-là ! On y jette l’ancre face au village de Marohariva, où la petite école a toujours besoin de cahiers et de crayons. Nous sommes seuls à l’ancre, mais comme c’est un des meilleurs mouillages de la côte, presque tous les voiliers de plaisance du coin (une quinzaine, au plus) y font au moins une escale.