Bella ragazza Maddalena !

© Pierrick Garenne

Calé dans le nord-est de la pointe nord de la Sardaigne, l’archipel de la Maddalena est composé de sept îles principales surnommées les sept sœurs : la Maddalena, Caprera, Santo Stefano, Spargi, Razzoli, Budelli et Santa Maria. C’est sans compter sur une kyrielle de petites îles environnantes comme Corcelli, Monaci, Mortorio, Soffi, Nibani, Capuccini sans oublier la ribambelle d’îlots et de roches affleurantes habités par des colonies d’oiseaux et dont le dédale de pointes aiguisées n’est connu que des pêcheurs locaux. Et ce petit paradis n’est qu’à douze petits milles de la pointe sud de l’île de Beauté. Deux petites heures de navigation dans un flux généralement d’ouest ou d’est pour passer de la France à l’Italie, de la Corse à la Sardaigne, d’une culture à l’autre. Autant dire : rien. Oui, mais en guise de « péage », ne pas oublier de doubler les Bouches de Bonifacio. Tous les marins le savent : couper cette étroite langue de mer peut vite ressembler à une mauvaise partie de montagnes russes. Remontée des fonds, hauts-fonds des Lavezzi à fleur d’eau, effet Venturi garanti entre les falaises aiguisées de Bonifacio et les côtes sardes et voilà que vous quittez une mer confortable pour vous retrouver ballotté, tel un biscuit flottant dans une tasse trop remplie. Bien prendre la météo, tracer sa route, placer l’île de Spargi ou de Razzoli comme way-point est conseillé, même si toucher des yeux les falaises blanches de Bonifacio est, à priori, rassurant. On peut s’attendre à un éternuement d’Eole et 5 nœuds de vent en Sardaigne peuvent se transformer en un bon 35/40 nœuds d’ouest au milieu des Bouches, le tout accompagné d’une mer courte et cassante.

 

© Pierrick Garenne
Deux Italie en une…

Une fois la langue de mer coupée, bienvenue dans un autre univers. Les flancs de colline du maquis corse laissent place à des côtes escarpées, sèches, rugueuses et arides avec pour seuls amers des rochers de granit aux formes sauvages sculptées et polies par le vent. Oui, l’archipel de la Maddalena est une belle jeune fille aux formes tantôt discrètes et généreuses, secrètes avec ses calas tortueuses, coquines avec ses roches à fleur d’eau, clinquantes avec ses bras de mer abrités où se prélassent des yachts à plusieurs millions d’euros. On comprend mieux alors pourquoi les Carthaginois, les Romains, les Vandales, les Byzantins mais aussi les Pisans, les Génois, les Espagnols, les Autrichiens, les Piémontais, les Anglais et les Français ont été intéressés par cet archipel à la position diablement stratégique. Le jeune capitaine d’artillerie Bonaparte se cassera les dents en 1793 repoussé par la population locale tandis que l’Amiral Nelson et sa flotte s’arrêteront dans l’archipel et entretiendront de cordiaux rapports avec la population avant de mettre le cap sur Trafalgar. Convoité alors, l’archipel l’est toujours aujourd’hui. Mais si le drapeau italien flotte fièrement sur les façades où le linge a pris pour habitude de sécher, les combattants d’hier se sont plutôt transformés en touristes à sandales aujourd’hui. Car soyons francs, il y a Maddalena et Maddalena. Il y a l’Italienne tendance « fashion » et l’Italienne authentique, celle des touristes et celle des autres. Ne mentons pas, et l’on serait bien menteur que de dire que toutes les plages sont sauvages et perdues, vierges de tous pas et sourdes aux cris des enfants. Non, l’archipel profite de sa relative proximité avec la Costa Smeralda et nombre de bateaux viennent déverser leurs lots de touristes pour la journée. Pas de doute à avoir, le tourisme a pris le relais des carrières de granit, source de richesse d’hier, et les cartes postales ont remplacé les manches de pioche. Reste qu’il faut contourner certaines calas pour mieux en investir d’autres. Plonger son ancre dans une eau turquoise avec pour seuls voisins mouettes corses et marangones est encore possible. Il suffit de chercher.

© Pierrick Garenne
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Histoire au présent

Cala Corsara sur Spargi sera le hors-d’œuvre de l’approche de l’archipel. Histoires de pirates corses qui venaient se réfugier ici pour la profondeur du mouillage, roches en granit sculptées par le vent qui ceinturent une plage de sable blanc, petit môle de pierre : le décor est planté. On se prend à voir la forme d’une tête de sorcière sur la droite tandis qu’un bulldog apparaît sur la gauche, chacun allant de son inspiration de granit. Mauvais point : la beauté de l’endroit n’a pas échappé à quelques tours operators qui ont inclus dans leur visite de l’archipel cette cala couleur tropiques. Les cliquetis des appareils photos couvrent le bruit des drisses tandis que le haut-parleur du bord balance en italien l’histoire des fameux pirates devenus Sardes entre temps. Heureusement, en fin de journée, le «  tragique circus » s’arrête ; il ne reste plus que quelques bateaux au mouillage à quelques mètres d’aiguilles de roches, rouges de plaisir dans le soleil couchant.

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Le lendemain, cap sur Cala Francese sur Maddalena, l’île la plus grande et la plus peuplée de l’archipel. Facile de repérer l’entrée à la jumelle ; elle se confond malicieusement avec le paysage sec et aride de l’arrière-pays. Une crique sur bâbord, une autre sur tribord. Une chapelle veille sur la première, une ancienne carrière sur la deuxième. Flash-back rappelant que le granit a été l’une des principales richesses de l’île. Et à la différence de la Sardaigne qui produit toujours du granit gris, c’est le rose qui était recherché sur Maddalena. Plus ancien, plus résistant et donc plus rare, le granit de l’archipel a servi à la construction de la statue de la Liberté de New York, de base au monument commémoratif du Canal de Suez, sans parler de la Bourse de Milan, également de rose vêtue. Baisse de la demande et décret d’institution du parc de La Maddalena interdisant l’extraction du granit des roches de l’archipel ont ensuite frappé d’inactivité les carrières de l’île, à l’image de celle de cala Francese.

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Les 3 M…
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Les marins le savent : le ravitaillement est toujours question d’anticipation. Facile de se rappeler qu’il faut aller alors à Maddalena, sur l’île de Maddalena, dans l’archipel de Maddalena, pour tout trouver ! Alignement au 66° en laissant Secca di Mezzo Passo sur bâbord et Secca de Palau sur tribord. Attention à ne pas marquer de trop près la marque tribord car de nombreuses roches affleurent. Bien se méfier aussi des ferries qui rallient Palau en Sardaigne et qui déboulent à pleine vitesse. Une fois à l’approche de Cala Gavetta, penser à s’annoncer à la VHF et vient alors à votre rencontre un semi-rigide de la capitainerie. Coup de nez pour vous caler dans l’axe en marche arrière, pendille tendue pour vous faciliter l’amarrage cul à quai et escale gratuite pour la matinée le temps de faire le plein d’eau, d’énergie et de vivres. L’Italie vous accueille alors et la société sarde aux 3 M pour « Mamma, Madonna et Mangiare » prend alors tout son sens. Les klaxons deviennent moins agressifs, les voix des mammas résonnent d’une fenêtre à l’autre, les vespas pétaradent dans les ruelles, l’église Santa Maria Maddalena réunit les femmes en noir, les carabinieri déambulent le long du quai et les « gelaterias » (ndlr, glaciers), véritables institutions en Italie, commencent à attirer les gamins. Impossible alors de ne pas apprécier un « ristretto », LE café italien, sur la place du marché. Avant de prendre votre dose de caféine, penser à acheter de la « salsiccia », saucisson au goût marqué, du « pecorino sardo », fromage de brebis à pâte dure et du « pane carasau », ce pain sarde caractérisé par une pâte très fine et croustillante.

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Et si les yeux s’écarquillent sur les eaux turquoises, le voyage se transmettra aux papilles gustatives. Une fois Cala Gavetta dans le sillage, il faut mettre le cap vers Caprera qui est certainement l’une des plus belles îles de l’archipel. Reliée par un pont à Maddalena construit en 1891, l’île reste très préservée et peu de routes la sillonnent. Sa flore est particulièrement préservée avec des forêts de pins, de chênes-lièges et le maquis méditerranéen y est particulièrement présent avec ses bosquets de myrte. Côté navigation, il faut mettre le cap sur la côte est qui possède de superbes calas encore sauvages. Ne pas hésiter à débarquer à terre, chaussures au pied, et grimper sur les hauteurs pour mieux admirer les paysages sauvages et uniques de cette île marquée par l’histoire. Car Caprera, outre son école de voile reconnue, est célèbre pour avoir accueilli le « héros des deux mondes », Giuseppe Garibaldi. Véritable héros italien, il est la fierté des Sardes et des habitants de l’archipel. Giuseppe doit bien être le prénom le plus usité de Maddalena et il est possible de rapporter à la maison le père de l’unité italienne sur nombre de cartes postales. Il mourut à Caprera dont il possédait la quasi totalité et il est toujours possible de visiter la petite maison démontable en sapin qu’il avait alors à Nice, italienne d’alors, que l’on peut voir en face de sa résidence principale Casa Bianca.

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Fier comme un Sarde !

Giuseppe est pêcheur… Il vient d’amarrer son « Lorsa » à quelques encablures de nous, cala Coticcio. Quelques coups de rame avec l’annexe et nous allons échanger quelques mots. Il recoud son tramail tout en constatant le long chemin parcouru par son groupuscule d’îles. Comme beaucoup de Sardes, il a vu au fil des années l’évolution et la métamorphose de cette côte si belle et si fragile. Et aujourd’hui, il est heureux. Satisfait d’avoir suivi la mise en place du parc géo-marin, heureux de voir que girelles, sars, dorades, oursins et sérioles sont revenus, fier d’être Sarde et originaire de cet archipel au caractère bien trempé, il sait aussi que l’archipel réserve son authenticité à ceux qui le respectent. Une escapade riche à tous points de vue et seulement à quelques milles de notre civilisation. Forza Maddalena !

Quand y aller ?

Le vent souffle toute l’année. En saison, dans les Bouches de Bonifacio et le nord de la Sardaigne, le vent dominant est de secteur ouest/nord-ouest pouvant atteindre les 25/30 nœuds. Sur la côte est et autour de l’archipel de la Maddalena, on retrouve souvent un système de brise variant du sud-est au sud-ouest. Le Mistral lève une forte houle dans les Bouches de Bonifacio. Attention au Sirocco, vent du sud chaud et sec, qui peut occasionner de violentes rafales. Les incontournables Guide Imray Corse
Sardaigne sans oublier le Pilote Côtier Corse Sardaigne N.E proposent de nombreux plans de calas et de forts judicieux renseignements d’approches.

 

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Le bateau ?

Vous pouvez prendre le large depuis la Corse ou bien Moorings propose un point de départ idéal de Cannigione (nord Sardaigne). Cannigione est un port situé sur la côte ouest du Golfe di Arzachena, entre les caps d’Orso et de Ferro. En constant développement, Cannigione est facilement accessible depuis l’aéroport d’Olbia ou du port de Palau où accostent les ferries en provenance principalement de Gênes. De
Cannigione, possibilité d’envisager une croisière de sept jours sur l’archipel, la Costa Smeralda et les Iles Lavezzi. Côté bateaux, possibilité de choisir au départ de Cannigione un Moorings 4300 (Cata 4 cabines) à partir de 3815 € la semaine (soit 477 € par personne sur la base de 8 personnes) ou Moorings 51.5 (mono 5 cabines) à partir de 4970 € la semaine (soit 552 € par personne sur la base de 9 personnes).

Location de monocoques ou catamarans et organisation du voyage auprès de Fert Yachting : 022-7304781 (fert@yachting.ch)

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