Vous naviguez depuis un an en AC45 sur les America’s Cup World Series, comment avez-vous rejoint ce circuit ?

Alain Gautier m’avait contacté l’an passé pour faire partie de l’équipage d’Aleph, avec lequel j’ai couru sur trois événements des America’s Cup World Series en 2011. Lorsqu’ils ont annoncé qu’ils se retiraient de cette campagne, c’est alors Yann Guichard qui m’a proposé d’intégrer Energy Team, que j’ai rejoint début avril. Yann Guichard et Loïck Peyron barrent l’AC45 à tour de rôle en fonction de leurs programmes respectifs*, les trois équipiers à l’avant s’occupent des manœuvres, et mon rôle consiste à régler l’aile rigide, à dérouler le jeu en fournissant le maximum d’informations tactiques, notamment relatives au vent. Depuis un an, j’ai beaucoup progressé dans les réglages.

© Gilles Martin-Raget
On imagine aisément que votre expérience du Décision 35 vous est utile…

C’est clair, surtout dans des conditions peu ventées telles que celles qui ont prévalu à Venise. L’expérience des petits airs lémaniques, que partage d’ailleurs Loïck Peyron qui était alors à la barre, nous a beaucoup apporté et Energy Team a finalement battu toutes les autres équipes. L’inverse est aussi vrai car les AC45 sont des voiliers très techniques et leur réglage permet ensuite d’appliquer certains enseignements aux voiles traditionnelles. Parallèlement, les heures de navigation pèsent aussi dans la balance. Tous ces passages de bouées permettent d’acquérir des automatismes, beaucoup de schémas se répètent, on apprend aussi à mieux gérer les croisements, cela profite également beaucoup à la navigation en D35.

© Gilles Martin-Raget
Quelles ambitions nourrit votre équipage de D35 sur le Vulcain Trophy ?

Nous avons pris la première place à l’issue du deuxième Grand Prix et allons essayer de la conserver jusqu’à la fin de la saison. Je ferai partie de l’équipage RealStone tout le long du circuit, à l’exception du Grand Prix du Yacht Club de Genève fin août, pendant lequel je serai à San Francisco.

Pour revenir à l’America’s Cup, quelle est l’ambiance sur le circuit ?

Au fil des étapes, on peut parler d’une certaine alchimie qui se met en place entre les différentes équipes sur le village ; c’est devenu plus facile et plus sympa. Bien sûr, les petites équipes fonctionnent un peu comme en famille où tout le monde met la main à la pâte, alors que les grosses équipes obéissent à un régime plus professionnel. De notre côté nous nous entraînons un peu avec le Team Korea et China Team, dont les équipiers sont essentiellement néozélandais.

© Gilles Martin-Raget
N’est-ce pas à un sponsor suisse qu’Energy Team doit son ticket sur le circuit America’s Cup ?

Sans être au courant des détails du contrat entre Corum et Energy Team, je sais qu’effectivement nous devons notre maintien sur les America’s Cup World Series principalement à leur soutien.

Que vous inspirent les Jeux olympiques ?

Je suis très content pour les sélectionnés olympiques suisses, et notamment Nathalie Brugger et Romuald Hausser que je connais bien. Les JO sont très intéressants, et je n’exclus pas de m’y intéresser dans quatre ou huit ans, mais pour l’instant je préfère privilégier une autre voie pour acquérir de l’expérience.

Que pensez-vous du Pi28, ce foiler à voile épaisse ?

Je n’ai pas encore pu le voir naviguer malheureusement. Si le principe est intéressant, je trouve pourtant compliqué et risqué d’avoir équipé un bateau avec à la fois des hydrofoils inversés et un profil de voile épais sans avoir testé ces deux innovations séparément.

Pourrait-on envisager une évolution similaire sur une 2e génération de D35 ?

A mon avis, en terme de performance, il vaut mieux garder une voile normale, ou alors les équiper carrément d’une aile rigide, mais ce qui impliquerait alors une infrastructure qui deviendrait trop lourde à mettre en place. Ce sera aux propriétaires et à l’Association des Multicoques de Compétition d’en décider l’année prochaine.

*Yann Guichard barre le D35 Ladycat sur le Vulcain Trophy et Loïck Peyron l’Extreme 40 Zoulou