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Quels aspects de cette 34e America’s Cup vous ont jusqu’à présent apporté le plus de satisfaction ?

Russell Coutts : Nous avons créé un format de course qui est parvenu à retenir l’attention des grandes chaînes de télévision. C’est la première fois qu’il y a autant de retransmissions en direct des épreuves, et le public accroche au nouveau rythme des régates, plus courtes et plus variées. Par ailleurs, nous avons annoncé de nouveaux sponsors, ce qui n’était pas évident dans le climat d’incertitude économique qui règne aujourd’hui. L’America’s Cup est devenue plus spectaculaire.

James Spithill : A Venise, au printemps, nous avons lancé les Red Bull Youth America’s Cup qui, pour la première fois dans l’histoire de la Coupe, fournissent une passerelle d’accès aux jeunes pour se former à cette compétition. Jusqu’à présent, je ne savais pas quoi leur répondre quand ils me demandaient quelle voie suivre pour régater sur l’America’s Cup. Dorénavant, il y a les AC45 sur lesquels il est possible de s’entraîner et de se former. Dans les heures qui ont suivi l’annonce, j’ai reçu plus de 200 e-mails de jeunes qui souhaitaient s’inscrire ; pour moi, c’est capital de leur donner cette plateforme. Par ailleurs, nous avons la chance de pouvoir compter sur des sponsors fantastiques qui s’impliquent beaucoup et nous apportent un savoir-faire dans d’autres disciplines, ce qui nous renforce au bout du compte. Par exemple, Tag Heuer m’a fait découvrir le Grand Prix de Monaco, où j’ai pu discuter avec les techniciens et les pilotes. Je considère que la course en F1 comporte des similitudes avec l’America’s Cup car on y trouve une grosse dimension technologique, du design, des enjeux de construction, du marketing. Mais ce sont deux sports différents et j’aime apprendre d’autres disciplines.

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Quels aspects ont été les plus décevants ?

RC : Au printemps, Oracle avait une faiblesse à Venise ; nous n’avions pas deux équipes qui naviguaient à la hauteur du niveau requis, et il va falloir y remédier. Heureusement, nous disposons de nombreux talents, et d’un peu de temps. Par contre, ce serait dangereux d’estimer que nous en avons beaucoup.

JS : J’adore gagner, je suis un compétiteur né, et cela me rend fou quand je ne suis pas en tête. Or, à Venise, nous n’étions pas assez dans la course, c’est ce que je tiens à améliorer à tout prix. En même temps, c’est dans ces moments-là que l’esprit d’équipe ressort et que les champions révèlent leur vraie nature. Aussi loin que remontent mes souvenirs de compétition, les meilleurs que je garde se rapportent aux moments où je suis parvenu à revenir dans la course après un passage à vide.

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La décision de céder vos plans de design à Energy Team fut-elle difficile à prendre ?

RC : Pas vraiment. C’est bon pour l’America’s Cup de donner la chance aux frères Peyron d’y participer, nous souhaitons avoir des équipes fortes et les Français font partie des meilleurs du monde en multicoque. Mais nous n’irons pas plus loin, nous voulons les battre, c’est clair. Le design est une chose, mais n’oublions pas la construction du bateau, ni la façon de le manœuvrer. Et soyons honnêtes, si nous les observons régater contre les autres challengers sur le même bateau que le nôtre, cela peut sans doute nous apporter de précieux enseignements.

JS : Ce n’était pas facile mais j’ai beaucoup de respect pour les frères Peyron et les personnes avec lesquelles ils travaillent. En outre, nous sommes avant tout des sportifs, or un vrai sportif veut se mesurer contre les meilleurs. Les Français comptent dans leurs rangs les plus importants spécialistes du multi et je tiens à me battre contre eux s’ils remportent la Louis Vuitton Cup. Les résultats se décideront sur l’eau, la meilleure équipe s’imposera.

 

Que va vous apporter Grant Simmer qu’Oracle vient d’engager ?

RC : Grant Simmer va apporter à l’équipe ses compétences en matière d’organisation et de structure. Nous devons prendre des décisions importantes, notamment en terme de design, surtout pour le 2e bateau. Il peut nous aider à deux niveaux : il dispose du recul nécessaire pour analyser la situation de l’extérieur, puis il peut présenter les options qui permettent aux différentes sections de l’équipe d’avoir des informations détaillées pour prendre des décisions plus qualitatives.

JS : Grant a cumulé les succès : en tant que régatier avec les Australiens, en tant que directeur technique et directeur général avec Alinghi, c’est une des rares personnes qui maitrisent tous les domaines de la Coupe (marketing, technique, navigation) tout en restant humble et très à l’aise dans les relations humaines. C’est une magnifique occasion de renforcer notre équipe, il va nous aider à gagner.

 

D’après vous, dans quelle mesure Alinghi pourrait-il revenir à l’America’s Cup ?

RC : Sincèrement je ne sais pas.

JS : C’est difficile de s’exprimer à leur place, mais j’aimerais leur dire que s’ils aiment la compétition, alors cela leur plaira de régater avec nous. Ce que je sais d’Alinghi, c’est que leur équipe était fantastique, et que ce qu’ils ont accompli en remportant l’America’s Cup lors de leur premier challenge était unique et incroyable. C’est une équipe de champions et ce serait tellement beau de les voir revenir à la Coupe, surtout en multicoque avec lequel ils ont beaucoup d’affinités. J’ai beaucoup de respect pour eux et j’adorerais pouvoir régater avec eux.