© Yvan Zedda
En préambule, pouvez-vous nous décrire en quelques mots votre parcours et votre mission actuelle ?

Je navigue depuis mon enfance sur divers supports et j’ai une formation d’enseignant en éducation physique et sportive. À la fin de mes études, je me suis impliqué sur un projet en Melges 24 et j’ai planché sur la méthode de préparation. Suite à cette expérience plutôt concluante, j’ai monté avec un ami une structure qui s’occupait de logistique et d’entraînement pour les coureurs. Nous avons travaillé avec des figaristes, des ministes, et des skippers de Classe 40. En 2006, j’ai quitté cette structure pour ne garder que la partie sportive à mon compte. J’ai commencé à m’occuper de plus gros bateaux, notamment celui de Dee Caffari et Sam Davies pour le dernier Vendée Globe. J’ai ensuite fait la connaissance de Sébastien Josse qui m’a proposé de travailler avec lui, au moment où son projet MOD 70 s’est concrétisé. Nous avons débuté les entraînements sur le Gitana XI et ils se sont bien passés. Du coup, nous avons défini un volume de 50 journées de préparation pour 2012. Le premier volet se déroule ici à Agadir, dans des conditions de vents exceptionnelles.

Les coureurs au large ont longtemps fonctionné seuls pour ce qui concerne l’entraînement. Le recours à un coach marque, semble-t-il, une nouvelle dynamique dans la discipline. Est-ce que vous partagez ce point de vue ?

Oui clairement, cette dynamique de conseil et de regard extérieur est assez récente. Il y a toujours eu beaucoup d’autodidactes dans cette discipline. Mais aujourd’hui, l’augmentation du niveau sportif ainsi que les implications des partenaires placent la performance à un degré plus important qu’avant. L’entraînement devient donc essentiel. Les coureurs sont forcés d’accorder beaucoup plus d’importance à ce paramètre.

© Yvan Zedda
Au vu de cette évolution, vous devez rencontrer beaucoup de concurrence ?

Pas vraiment. Je pense que je suis le seul en France à faire une telle activité de manière privée. J’ai par contre une concurrence des structures et pôles étatiques, comme Port-La-Forêt par exemple. Mais leur configuration est particulière car ils sélectionnent leurs coureurs et se réservent sur quelques supports. Je fonctionne pour ma part sur de l’individuel, ou du petit groupe, et suis multi supports. Je peux travailler avec n’importe qui, quel que soit le niveau de départ, et je suis ouvert à n’importe quel bateau.

Ça signifie que la méthode est indépendante du support ?

Oui, clairement. J’ai préparé des rameurs qui font des traversées océaniques. Le rapport avec la course au large n’est donc pas évident, à part l’aspect marin qui reste le même.

Quel est donc le secret de cette méthode ?

Je ne sais pas s’il y a un secret (rire). Ce qui est important, c’est de dire les choses, ce qu‘on voit, ce qu’on observe et ce qu’on ressent. Il faut ensuite transmettre ce qu’on sait et je crois que je suis assez bon là-dessus. Après, au fil des ans, j’ai réussi à éduquer mon œil sur les réglages et j’ai une bonne capacité à regarder un bateau et à comprendre son comportement. Finalement, je propose des exercices spécifiques, en relation avec mes observations, et surtout différents de ce qui pouvait se faire jusque là. Ce ne sont donc pas des points forcément propres à la voile mais des exercices qui font travailler le skipper sur son bateau. La voile est un sport mécanique et on a eu trop tendance à s’attacher au fonctionnement de la machine, en oubliant la dualité skipper/bateau. Or au large, c’est primordial. Cet aspect est probablement ce qui fait le plus la différence dans mon approche.

© Yvan Zedda
Vous êtes très présent dans la classe Mini. Considérez-vous que le recours à un coach est aujourd’hui primordial pour se démarquer dans cette série ?

Quand j’ai proposé mon projet aux ministes en 2005, beaucoup m’ont dit qu’ils n’avaient pas besoin de moi et qu’ils pouvaient se débrouiller seuls. Je leur ai alors proposé de venir essayer gratuitement et ils ont finalement été convaincus. Nous avons alors élaboré un projet pour poursuivre de manière structurée avec un groupe. Cela dit, j’ai eu un peu de chance en tombant sur les bons coureurs, motivés, connaissant leurs supports, et qui avaient en plus un peu de moyens. Si on observe les résultats de la Transat 6,50 2011, les six ou sept premiers, que ce soit en proto ou en séries, sont passés chez moi. On ne peut bien sûr pas dire quelle est ma part de responsabilité dans ce résultat mais ça démontre que la démarche d’entraînement est essentielle pour réussir. Aujourd’hui, l’engagement idéal pour un coureur, c’est de consacrer 30 à 50 jours par an à cet aspect, en plus du programme de course.

Justine Mettraux, la jeune Suissesse qui prépare la Transat 6,50 en 2013, a fait appel à vos services. Que pouvez-vous nous dire sur son potentiel à ce stade ?

Je ne l’ai pas vue beaucoup mais le fait de démarrer l’entraînement tôt est incontestablement un plus. Nous savons déjà ce que nous allons pouvoir faire sur la durée. Ce que je peux affirmer après deux sorties, c’est qu’elle a une bonne base et un véritable vécu. Elle a fait beaucoup de Multi et elle va devoir s’adapter au Mini. Mais je suis confiant, elle se débrouille très bien au portant. Globalement, j’ai été agréablement surpris. Je pense qu’elle va vite apprendre.

Et que pouvez-vous dire de l’équipe du Groupe Edmond de Rothschild depuis que vous l’avez rejointe ?

La démarche de travailler avec un gros team, un multicoque et un équipage, est assez nouvelle pour moi. Mais, comme je l’ai mentionné, mes procédés restent applicables dans différents contextes, même si je dois m’adapter un peu. L’équipe est déjà bien organisée et très bien menée. Sébastien Josse utilise autant des méthodes anglo-saxonnes, qu’il a acquises sur la Volvo, qu’une approche plus latine. Il y a un côté très structuré et cartésien et un autre, un peu plus tous azimuts. Les deux manières ont des aspects positifs et je crois que l’alchimie est excellente. Je suis plutôt confiant pour l’avenir mais il faudra bien sûr attendre les premières confrontations pour en dire plus.