Pouvez-vous nous raconter comment vous avez rencontré Bernard Stamm et la manière dont votre collaboration s’est mise en place ? 

J’ai fait la connaissance de Bernard Stamm à Paris lors d’une réunion de l’IMOCA il y a environ deux ans, nous avons rapidement sympathisé. Avant le mois de juillet 2009, il n’était pas question de collaboration professionnelle, nous nous rencontrions simplement régulièrement lors des réunions IMOCA. L’été dernier, il m’a recontacté pour me proposer de m’occuper de son nouveau bateau. J’apprécie sa manière de naviguer. J’ai aimé sa façon d’attaquer la première partie du dernier Vendée Globe. J’ai donc tout de suite accepté sa proposition et nous avons commencé à travailler.

Comment fonctionne votre travail avec Bernard Stamm dans le cadre du développement de son bateau et en quoi diffère-t-il d’un projet de Volvo 70 ?

 Le processus est très différent. Pour concevoir un IMOCA, il faut complètement pivoter autour du skipper alors qu’en VOR, les critères de développement et de conception tournent uniquement autour de la performance. C’est à l’équipage de s’adapter au bateau pour l’exploiter. Dans un projet de solitaire, la performance est dictée par la capacité du skipper à faire évoluer sa machine. Il faut donc s’imprégner de sa manière de fonctionner pour finalement sortir un produit très personnalisé. C’est un processus à l’envers par rapport à d’autres démarches. En ce sens, l’expérience de Bernard est très enrichissante et nous avons bien réussi à nous conditionner pour l’écouter et progresser.

C’est pour cette raison que les bateaux d’une même génération peuvent paraître aussi différents ?

Oui, absolument. Chaque bateau est conçu pour un skipper, pour un système de navigation, pour un pilote automatique. Il ne sert à rien de concevoir un bateau basé sur des performances si elles ne correspondent pas à celui qui le mène.

Dans la mesure où vous avez peu d’expérience en IMOCA, quelles sont vos forces et faiblesses pour ce projet ?

Je pense que l’expérience de notre cabinet a démontré sa capacité à réaliser des bateaux performants à plusieurs occasions. Nous faisons preuve d’une grande ouverture d’esprit et l’IMOCA me semble être un terrain idéal pour pouvoir nous exprimer. Je dirais qu’une de nos forces est justement notre état d’esprit innovateur. La puissance de calcul dont nous disposons est également importante. Je ne sais pas comment sont équipés nos concurrents,  mais je suis très fier de ce que nous avons créé ici et je sais que c’est puissant. qui concerne les faiblesses, c’est difficile à dire ; il faudrait peut-être demander aux autres architectes.

Je peux reformuler ma question : considérez-vous que le fait de débuter dans cette classe constitue un handicap ?

Vu comme ça, on peut dire que oui, c’est effectivement une réalité. En comparaison, nous avons l’expérience de 5 générations de VOR. Nous pouvons donc explorer certaines solutions avec un confort que nous n’aurions pas s’il s’agissait de notre premier dessin. Ceci étant dit, beaucoup de travaux réalisés dans le cadre de la Volvo peuvent être extrapolés sur les IMOCA. Nous comblons ainsi une bonne partie de notre manque de pratique.

Que pensez-vous des dernières évolutions de l’IMOCA ?

Je trouve que l’évolution de la jauge ne satisfait pas aux critères annoncés au départ soit, en particulier, la limitation des coûts. Aujourd’hui, je ne peux que faire le constat que les nouvelles contraintes nous imposent plus de travail. De ce point de vue, l’évolution est ratée. Par ailleurs, l’esprit OPEN n’est plus réellement conservé puisqu’on ne fait qu’imposer de nouvelles restrictions. Je considère qu’il y a là encore un échec. Globalement, on aurait tout aussi bien travaillé si rien n’avait changé. De plus, et à part quelques exceptions, je ne vois pas comment la nouvelle jauge augmente la sécurité.

Au vu des nombreux problèmes de casse constatés lors du dernier Vendée Globe, soignez-vous particulièrement la sécurité ?

Nous avons observé de près les différentes casses de la dernière édition du Vendée et avons apporté des solutions. Cela dit, il n’est pas réaliste de vouloir faire un bateau incassable. L’essence même de la course réside dans la capacité à développer et à gérer le matériel. Vous pourriez rajouter cinq tonnes de solidité sur les bateaux, ils resteraient tout aussi vulnérables selon la manière dont ils sont utilisés. Il est utopique de croire que le Vendée Globe pourrait être terminé par l’ensemble des concurrents, ce n’est pas l’objectif. Il y aura toujours de la casse. Nous devons la gérer, pas l’éviter à tout prix. Je trouve qu’un ratio de 50% de bateaux à l’arrivée est finalement assez bon, vu la diffi culté du parcours.

Pour terminer, comment se passe votre collaboration avec le chantier Décision SA ?

Je suis très content et très excité par cette idée. Quand je travaillais chez Philippe Briand à La Rochelle en 1992, mon premier projet a été le Taillevent. C’est donc un privilège pour moi de pouvoir à nouveau collaborer avec Bertrand Cardis et de revenir à cette relation que nous avions créée il y a une quinzaine d’années. La qualité de ce qu’ils peuvent réaliser est extraordinaire, et les échanges que nous avons nous apprennent beaucoup. Je me réjouis donc de la suite.