Ernesto Bertarelli

© Lloyd Images
Que pensez-vous de la 2e place d’Alinghi pratiquement à égalité de points avec DeRham et Ladycat sur cette première partie de saison du Vulcain Trophy ?

Cette 2e place montre bien que nous sommes toujours dans la tête du peloton avec Alinghi ! L’écart minime qui nous sépare de Ladycat et de De Rham démontre à quel point la lutte est acharnée pour rester devant ! C’est très stimulant de devoir se battre pour chaque point, pour chaque mètre, sans jamais pouvoir se reposer sur ses acquis ! C’est tout l’intérêt de notre circuit. Le CER a fait un sans faute ce début de saison en remportant à la fois deux grands prix sur trois, la Genève-Rolle-Genève et le Bol d’Or Mirabaud. Chapeau bas ! Nous n’avons cependant pas dit notre dernier mot et comptons bien leur donner un maximum de fil à retorde dans la deuxième partie de saison ! Nous sommes les seuls à les avoir battus à l’occasion d’un Grand Prix et allons tout faire pour réitérer notre performance.

Quels aspects vous paraissent aujourd’hui les plus importants sur la plateforme des D35 ?

Ce qui fait la force des D35, c’est avant tout la proximité de performance entre les différentes unités de la flotte. Il s’agit d’une classe monotype où ce sont les équipages qui font la différence et c’est ce qui la rend aussi passionnante et intéressante. C’est aussi une classe de propriétaires qui s’affrontent sans merci sur le plan d’eau, mais qui organisent la classe en bonne intelligence une fois à terre.

© Roy Riley
Votre passion pour la voile s’exprime aussi sur le circuit Extreme Sailing Series où la concurrence est encore plus rude. Pensez-vous que votre classement puisse s’améliorer ?

Nous venons de participer à la 4e étape du circuit à Porto début juillet et nous terminons au pied du podium, à la 4e place. C’est un résultat prometteur et j’espère sincèrement que nous réussirons à améliorer encore notre classement à Cardiff*, mais la concurrence est extrêmement (et ce n’est pas un jeu de mots !) rude !!! Tous les barreurs et les équipages du circuit sont des professionnels et naviguer contre eux est, d’une certaine manière, un moyen de repousser mes limites. Quant à la manière d’améliorer notre classement, je pense qu’elle passe par l’apprentissage d’un nouveau type de navigation, beaucoup plus basé sur le placement par rapport aux adversaires que sur le réglage permanent du bateau.

En D35, il faut toujours essayer d’être réglé de manière optimale pour pouvoir dérouler son jeu le plus rapidement possible. En Extreme 40, il faut pouvoir faire bondir le bateau là où il y a un trou, une place à prendre. Ce n’est pas la même technique, mais je peux vous garantir que les émotions sont là et pour une première saison, je trouve que la courbe de progression est plutôt encourageante…

Les Extreme 40 présentent un circuit et des équipages très internationaux, notamment ouverts à des pays nouveaux venus sur la planète voile, est-ce que cela correspond à votre vision de la voile moderne ?

Lors de notre défense de la 32e America’s Cup à Valencia avec Alinghi, nous avions accueilli deux nouveaux continents, l’Asie et l’Afrique, et trois nouveaux pays, la Chine, l’Afrique du Sud et l’Allemagne, en tant que Challengers ! Bien sûr que l’ouverture à de nouveaux pays correspond à ma vision de la voile moderne ! Nous avions également prévu de courir la 33e America’s Cup à Ras Al-Khaimah, dans les Emirats arabes unis et l’on voit qu’aujourd’hui, le seul pays à avoir deux équipes sur le circuit des Extreme 40 est Oman, un autre Emirat, voisin de Ras Al-Khaimah. Avec Alinghi, nous comptions 23 nationalités différentes au sein de notre équipe, preuve en est que la voile n’est pas l’apanage de telle ou telle nation et que ce sport se doit d’évoluer vers de nouveaux territoires.

Pensez-vous que les Extreme 40 soient complémentaires ou concurrents des AC45, et les deux pourront-ils subsister à terme ?

Il faudrait commencer par poser la question dans le bon sens, les AC 45 existant depuis à peine une année et les Extreme 40 en étant à leur sixième saison ! Quant à savoir maintenant si les AC 45 viennent compléter ou concurrencer les Extreme 40, je pense qu’il est trop tôt pour se prononcer. Ce qui est certain c’est que pour le grand public et même pour les équipes, les avancées technologiques indéniables que représente l’utilisation d’un gréement rigide compensent difficilement les contraintes de coûts et de logistique qu’elle impose… Ce dont je suis certain, c’est que le rapport investissement/plaisir/visibilité en Extreme 40 est certainement le meilleur que notre sport ait à offrir à ce jour !

Où en sont vos projets de créer un nouveau grand circuit international ?

Nous avons envisagé plusieurs pistes, et je reçois encore des propositions intéressantes, mais je ne pense pas que les conditions économiques actuelles soient les meilleures pour lancer un nouveau grand circuit international de voile dans l’immédiat… Tout vient à point à qui sait attendre !

© Chris Schmid
La fondation Bertarelli contribue au financement de l’encadrement de la voile en Suisse, que pensez-vous des résultats suisses aux JO ?

En mars 2013, cela fera 10 ans qu’Alinghi a remporté l’America’s Cup, lors de sa première tentative et l’a ramenée pour la première fois en Europe… 10 ans c’est l’âge qu’avaient passablement de jeunes qui naviguaient à l’époque en Optimist et qui ont 20 ans aujourd’hui… On a parlé en Suisse d’une génération Alinghi et je pense que ce phénomène a réellement existé au niveau de la voile… C’est un grand honneur, mais aussi une responsabilité. C’est pourquoi nous avons financé, au travers de notre fondation de famille, une partie de la campagne olympique suisse de voile et le sport de la voile en général en soutenant Swiss Sailing. Les résultats suisses aux JO de Londres, ne sont pas à la hauteur des ambitions et des objectifs qui avaient été fixés et annoncés par la Fédération et nos athlètes, certes. Mais s’engage-t-on pour un exercice aussi fastidieux et long qu’une préparation olympique si c’est pour admettre, avant même que la compétition ne commence, n’avoir aucune chance de médaille ? Si l’on prend le tableau des médailles justement, on constate que les pays qui en ont remporté le plus, sont ceux où l’encadrement des sportifs au niveau national est une priorité. Un point sur lequel la Suisse a toujours eu de la peine à s’engager. Espérons que cela évolue de manière positive dans le futur…

Le programme de la 34e AC est dorénavant connu, comment le jugez-vous ?

La Coupe est un sujet sensible et je me garderai bien de porter un jugement sur le programme que l’actuel Defender a mis en place… Je m’interroge juste sur la corrélation entre une Louis Vuitton Cup de plus de 50 jours et la présence de trois, voire quatre Challengers, au mieux, pour la disputer… A l’époque où nous l’avions gagnée et défendue, quand il restait quatre Challengers sur le plan d’eau, nous étions déjà en demi finale…

Pensez-vous que les Youth America’s Cup représentent une évolution positive et une opportunité pour la Suisse ?

La promotion de la voile auprès des jeunes est très positive et je ne peux que m’en réjouir ! Quant à savoir si les Youth America’s Cup ne poursuivent que ce but, je me permets d’émettre quelques réserves… Qui plus est avec un plateau qui ne compte que quatre Challengers, dont seuls trois ont annoncé un bateau pour l’année prochaine, année de la Coupe. J’ai un peu l’impression que ces Youth America’s Cup sont là pour masquer le manque de Challengers… S’il y en avait eu huit ou dix de plus, si les conditions imposées par le Defender avaient été moins prohibitives, les jeunes qui sont sollicités pour naviguer dans ces régates d’exhibition auraient certainement eu une place au sein d’une vraie équipe sans avoir besoin de recourir à ces artifices…

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