Michel Hodara

Rappelez-nous votre vision de départ de la 32e America’s Cup ?
A Auckland, avec Alinghi, nous avions expérimenté un certain nombre d’innovations comme l’ouverture de la base au public avec l’ «Interactive Plaza ». Les valeurs sont restées les mêmes au moment de l’élaboration du concept de l’événement: Nous voulions rapprocher les spectateurs de la compétition, leur permettre de mieux appréhender l’ambiance particulière de l’America’s Cup.

Les choses se sont-elles déroulées selon vos espérances ?
Au terme des Louis Vuitton Acts 2006, j’ai eu une petite perte de confiance suite à des études plutôt mitigées sur les motivations des spectateurs. Mais le Match s’est finalement révélé conforme à notre vision. Valence a vibré. Nous avons vécu une compétition exceptionnelle, dans un lieu dédié, avec du monde, de la passion et des moyens pour réaliser nos ambitions. Nous sommes encore épuisés, mais vraiment heureux de la manière dont s’est déroulé l’événement !

En 2004-2005, vous avez été un des principaux artisans des Acts itinérants (Marseille, Malmö-Skåne, Trapani). Une gageure ?
Heureusement que nous n’avons pas trop réfléchi au moment de nous lancer dans ce projet (rire). Aujourd’hui encore, je me demande comment nous avons fait. Ce fut une année de folie, dans une véritable ambiance de course d’école. Les marins ont adoré. Les permanents d’ACM aussi. Aujourd’hui encore, quand on leur demande l’année de campagne qu’ils ont préféré, ils répondent tous «2005». .

Il y a eu aussi le manque de vent pendant six jours au début de la Louis Vuitton Cup. Un moment délicat à gérer ?
Le manque de vent du début, une situation exceptionnelle à Valence, a été un moment très dur pour ACM. Contrairement à tous nos prédécesseurs, le fait d’avoir choisi le lieu des régates nous fait porter la responsabilité de la météo aux yeux des challengers et des observateurs. A voir la neige tomber en mai, je crois plutôt à un dérèglement climatique.

Avec Michel Bonnefous, vous avez essuyé bon nombre de tempêtes. Comment gérez-vous la pression ?
C’est plus ou moins facile en fonction des situations. Nous avons souvent été attaqués par les blogs pour insiders qui pullulent dans le milieu de l’America’s Cup. C’est une communauté très virulente. Or, leurs allégations partent régulièrement de faits inexacts.

Mais «on ne peut pas satisfaire tout le monde et son père». Voilà ce que me disait Michel Etevenon, le créateur de la Route du Rhum, il y a 30 ans. Fort de cette maxime, nous avons canalisé notre énergie en direction du grand public et du monde extérieur à la communauté. Les spectateurs ont aimé et notre site web a dénombré jusqu’à 320 000 visiteurs par jour. C’est ça la preuve de succès !

Pensez-vous avoir réussi à rendre la Coupe populaire ?
Tout dépend de ce que l’on appelle «populaire». Je pense que nous avons réussi à partager la passion que nous avons pour ce sport. Même s’il est parfois difficile de saisir toutes les subtilités du Match Race, les gens se sont enflammés pour l’intensité des courses.

Avec le recul, que pensez-vous de Valence ?
La ville de Valence a la taille idéale. Elle dispose d’un potentiel économique suffisant tout en étant assez petite pour vivre à fond l’événement. La municipalité avait envie d’utiliser la Cup pour se transformer. Un nouveau quartier s’est créé et Valence s’est tournée vers la mer. Avec le Grand Prix de Formule 1, l’endroit va encore se transformer. Je souhaite simplement que l’agrandissement du port commercial ne ruine pas tous ces efforts.

Quel ont été vos rapports de travail sur place?
Difficiles au début, puisque nous avons commencé à travailler avec des gens pas très corrects qui ont finalement été écartés du projet. Ensuite, le changement de gouvernement espagnol, en mars 2004, nous a passablement ralentis. Il a fallu fin de l’été 2004 l’arrivée d’un nouveau directeur général du Consortium Valencia 2007, Fernando Huet, pour relancer la machine.

Et la culture de travail espagnole ?
Elle est paradoxale. Les politiciens suisses étaient stupéfaits des choses réalisées en si peu de temps. Les Espagnols sont capables de générer des projets incroyables. Mais le rapport au temps n’est pas le même que le nôtre. Il leur faut systématiquement attendre la dernière seconde avant de commencer à travailler. Ça nous a parfois posé des gros soucis d’agenda. Nous avons dû courir après le temps, toujours.

En passant de 25 à 230 millions d’euros, vous avez décuplé le budget de la manifestation. Peut-on dire que vous êtes entré dans la cour des grands ?
Ce qui est sûr, c’est que de nombreux responsables de Fédérations internationales et de grands événements ont visité Port America’s Cup. La cohérence de notre événement les a surpris et parfois impressionnés. C’était flatteur (rire), surtout quand ça venait de représentants d’événements que nous considérons nous-mêmes comme des modèles.

Six millions de spectateurs et quatre milliards de téléspectateurs. Cette manifestation peut-elle encore se développer ?
L’événement ne pourra indéfiniment se développer selon la courbe de progression que nous lui avons imprimée. Il va fatalement y avoir une correction à un moment donné. Mais nous avons forgé une identité à l’événement. Il a pris de la valeur et continuera à en prendre alors qu’auparavant toute l’énergie commerciale et marketing était centrée sur le Defender

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