Roger Staub

Lors de l’assemblée générale, Roger Staub a été élu nouveau président de Swiss Sailing. Agé de 47 ans, ce zurichois navigue depuis plus de 20 ans et dirige le programme national VIH/sida à l’office fédéral de la santé publique.
Dans le monde des associations suisses, vous êtes encore un inconnu. Avant l’élection, vous aviez d’ailleurs déclaré que c’était là votre principal handicap, tout en étant votre plus grand avantage. Pourquoi? En tant que personne venue de l’extérieur je m’attends à ce que ceux qui sont satisfaits de la situation actuelle craignent les changements. En même temps, un nouveau venu peut saisir l’opportunité d’approcher ceux qui sont favorables à ce que les choses évoluent. Quelqu’un du milieu n’aurait peut-être pas le courage d’apporter des changements, tandis qu’un outsider possède, du moins au début, une autre vision des choses lui permettant de remettre en question les schémas traditionnels. Je suis persuadé qu’un regard extérieur, s’interrogeant sur l’organisation et les objectifs de Swiss Sailing, ne peut que lui être bénéfique.

Qui est cet homme venu de l’extérieur ?
Je viens des montagnes de l’Oberland zurichois où il n’y a pas le moindre lac, puisque l’eau s’écoule de partout! C’est aussi la raison de ma passion relativement tardive pour la voile. Un collègue d’étude m’avait souvent parlé de ses aventures véliques sur mer. Ses récits me faisaient rêver et je ne voulais qu’une chose: être de la partie, bien qu’en tant que «montagnard », je ne savais pas très bien dans quoi je m’embarquais. En 1983, mon rêve devenait réalité: j’entreprenais ma première croisière dans les îlots rocheux de Suède. C’était magnifique: le vent, la technique, l’eau, le paysage, la vie à l’air frais – j’avais attrapé le virus de la voile. Naviguer est devenu mon loisir préféré, sur les mers ou sur le lac de Zurich. J’ai passé tous les permis pour devenir skipper II du CCS. Depuis 2000, je possède un vieux Dragon sur le lac de Zurich. C’est ce que j’ai acheté de mieux dans toute ma vie ! J’attache beaucoup d’émotions à ma barque… (sourire…) et en plus, c’est le plus beau bateau loin à la ronde !

Quelle importance attachez-vous à la voile ?
Pour moi, il n’y a pas meilleure relaxation que la voile. Pendant mes croisières de vacances, j’arrive si bien à décrocher qu’au bout de quinze jours, j’ai oublié le mot de passe de mon ordinateur de bureau. Naviguer, ça détend, même si ce n’est qu’un après-midi sur le lac de Zurich par petit temps. Quand je pratique la voile, je suis heureux. Je rêve d’une traversée de l’Atlantique et de passer ne serait-ce qu’une fois le cap Horn! Je ne suis pas un sportif de pointe, mais dans les régates, je suis assez ambitieux. Par égard à mon vieux dragon, je me fixe pourtant des limites, à l’image des autres régatiers sur des bateaux similaires. Et c’est bien ainsi.

A l’occasion de l’élection du président, vous avez déclaré que vous voulez «faire du bien» à la voile. Comment ?
Je suis un homme d’équipe. Je considère la présidence de la fédération de la voile comme une affaire d’équipe. Il n’est pas concevable que le président dirige seul son bateau et assume toutes les tâches. Il devrait s’organiser, comme il le fait à bord de son voilier: d’abord, on fixe la destination du voyage et une fois en route, quelqu’un doit prendre le commandement. Transposé sur la présidence, cela signifie: on devrait m’écouter quand j’ai quelque chose à dire pour que les décisions prises ensemble par les clubs, l’assemblée générale, le comité central, les délégués des fédérations régionales et les chefs de ressorts puissent aussi être mises en pratique. Le président n’a pas seulement le devoir de tenir le cap, il doit également s’assurer que les différentes équipes fonctionnent de manière optimale. J’utiliserai mon savoir-faire organisationnel pour créer des structures qui permettent de travailler efficacement. Notamment les bénévoles ne devraient pas perdre leur temps en participant à une multitude de réunions. Après tout, ils devraient tous avoir plus de temps pour naviguer ! Il est en effet important que les bénévoles voient l’utilité de leur engagement qui ne doit pas seulement être bénéfique à la voile, mais également à eux-mêmes. J’occupe donc deux fonctions: celle de skipper et celle de coach.

Les membres de la fédération qui se définissent plutôt comme navigateurs de plaisance et non comme régatiers d’élite ne voient pas vraiment l’utilité d’une affiliation à Swiss Sailing. Que leur répondez-vous ?
C’est une question qu’une majorité des sportifs et fédérations, où le sport de haut niveau et le sport amateur se côtoient, se pose. Pour ma part, je puise ma motivation dans la certitude qu’une partie de ma cotisation revient au sport d’élite. Je suis fier quand un suisse est sacré champion du monde. Avec mon affiliation à une organisation qui soutient le sport, je contribue à ma manière à ce succès. Toutefois, la question de l’utilité est certainement un sujet sur lequel Swiss Sailing devra se pencher davantage. J’aimerais que dans les quatre ans qui suivent, les membres soient mieux informés sur les activités de Swiss Sailing et le bénéfice qu’ils en tirent.

Compte tenu des trois régions linguistiques, comment comptez-vous promouvoir la cohésion du monde de la voile ?
Le monde de la voile est comparable à la Suisse: la patrie correspond à la commune, donc le club de voile. Au niveau suivant, on trouve le canton, donc le lac. En dernier, nous sommes suisses ou membres de Swiss Sailing. La cohésion prend naissance au sein de la patrie des navigateurs, donc au sein du club. Swiss Sailing a la mission de promouvoir la cohésion des différents clubs d’un même lac pour renforcer le sentiment d’appartenance. Les régions des lacs sont amenées à devenir des supports d’activités dont profitent tous les membres du club de manière visible.

La victoire historique d’Alinghi à la Coupe de l’America a suscité un énorme intérêt de la part du public. Comment Swiss Sailing pourrait- elle développer cet engouement, l’UBS Alinghi Swiss Tour mis à part ?
Vous l’avez dit, le Tour est l’élément le plus visible. Il s’appuie sur les infrastructures de Swiss Sailing et des clubs. A la fin du Tour, c’est à Valence que le vainqueur se verra remettre sa médaille par notre fédération. Le Tour est tout aussi attrayant pour les jeunes que pour les plus âgés. J’espère que le plus grand nombre possible de navigateurs participe à cette compétition, elle pourrait être le point de départ d’une grande carrière… Il y a suffisamment de places à disposition et l’intérêt des médias sera grand. Grâce à Alinghi, la voile continuera à susciter l’intérêt public. A part le Tour, nous n’avons pas prévu d’activités spéciales. Toutefois, nous devons essayer de collaborer avec les écoles de voile, Sailcom et les clubs déterminés à se développer pour permettre aux intéressés d’avoir accès à l’eau. Je suis persuadé qu’il y aurait assez de places d’amarrage si les bateaux qui ne sortent jamais disparaissaient.

Pour 2005, Swiss Sailing a inscrit un excédent de 125’000 francs au budget. Ce chiffre s’explique par les coupes dans le sport de haut niveau. Comment utiliser cet argent de manière judicieuse ?
Dans le sport de haut niveau, le besoin d’argent n’est pas linéaire. Il augmente par exemple pendant les années entre les JO et baisse au début des Jeux. Actuellement, nous sommes dans l’année après les Jeux, la prochaine olympiade aura lieu en 2008 à Pékin. L’excédent, je le considère comme réserve pour 2006/07 quand le besoin de moyens sera de nouveau plus conséquent. Cela dit, nous n’avons pas encore pris de décision et sommes en train de revoir le concept du sport de haut niveau. Disposer d’une réserve est aussi un avantage quand on est un employeur avec des engagements.

Qu’est-ce que vous comptez laisser ou, au contraire changer ?
Je pense notamment à Swiss Sailing Vision 2020. La vision n’est pas encore au point. Swiss Sailing doit d’abord se déterminer sur ses activités de base. Les statuts fixent une longue liste de tâches qui sont toutes légitimes, mais difficiles à communiquer. Nous devons justifier notre existence, comme le font les entreprises. Ce qui est sûr, c’est que nous oeuvrons pour le sport de haut niveau et amateur ainsi que pour la formation. Il est de notre devoir d’être utile à nos membres puisqu’ils nous financent.
La fédération donne un grand pouvoir au président. Il serait judicieux de mieux redistribuer ce pouvoir historique, aussi aux bénévoles. Ma proposition pour la vision 2020 est celle d’une direction démocratique. Nous devons examiner comment faire pour inclure les régions de manière optimale. J’exige toutefois que tous les délégués des fédérations régionales dans le comité central soient présents aux séances !

Quels sont les objectifs que vous aimeriez atteindre pendant les quatre prochaines années à la présidence de la fédération?
Je ne peux pas vous donner une liste d’objectifs puisque je n’ai pas accepté ce poste avec l’intention de tout changer. Je souhaite cependant arriver à ce que le nom Swiss Sailing, en plus d’être synonyme de performances, soit associé à une image concrète. Dans cet effort, je serai personnellement présent aux événements et régates. Les membres du comité central peuvent également contribuer à atteindre ce but. Quant aux bénévoles, ils doivent se sentir impliqués dans la prise de décisions et dans un développement sensé et utile.

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