Son fils est tout juste âgé de deux semaines lorsque le Norvégien Jan Linge décide de lui dessiner un petit quillard aux lignes étirées et de l’appeler « Yngling », qui signifie « jeune ou junior » en français. Avant d’intéresser le nourrisson, le nouveau bateau suscite l’enthousiasme des navigateurs nordiques. Rapidement, le petit frère du Soling trouve un grand écho, surtout dans les pays scandinaves. Très populaire en Suisse également, il compte encore aujourd’hui environ 300 unités se répartissant dans les trois grandes flottes locales, sur les lacs de Thoune, de Zurich et de Hallwil.

Une grande partie des navigateurs sur Yngling est issue d’un pays nordique. Ici au championnat du monde sur l‘Attersee. © Sport Consult

Sa réputation d’être bon enfant, le fait qu’il ne peut par couler et qu’il est doté d’un gréement classique lui valent d’être très apprécié par les écoles de voile ou comme bateau de club. Le Sailcom Race Group du lac de Zurich, notamment, possède six Yngling utilisés pendant toute la saison tous les mardis soirs pour l’entraînement, surtout par les femmes.

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Gregorini et Huber

Au niveau national, deux personnalités ont marqué l’histoire de la série: Rico Gregorini et Helene Huber. Le maître voilier Gregorini est depuis toujours la figure de proue de la série. En 1977, il gagne le premier titre de champion mis en jeu. Et il reste à ce jour le Suisse possédant le plus grand palmarès sur Yngling. Questionné sur les atouts de ce quillard de 6 mètres, il explique : « Ce n’est pas une série où le porte-monnaie fait la différence, tu peux aussi être parmi les meilleurs sans devoir investir chaque année pour mettre ton bateau à niveau. Je pense que cet avantage explique aussi la popularité de la série et la grande participation aux régates. En 2008, quand la série a perdu son statut olympique comme bateau féminin après deux JO, le marché européen grouillait d’offres avantageuses; on pouvait acquérir les Yngling pour une bouchée de pain, ce que certains Suisses ont fait. La Swiss Yngling Association a donc plutôt profité de la perte du statut olympique. »

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Agissant en coulisse, l’Argovienne Helene Huber a également participé à l’essor de la série. Elle préside l’association suisse des Yngling depuis maintenant 18 ans et a vécu des années mouvementées. A son entrée en fonction dans les années 90, les activités de la série étaient quasiment au point mort et elle ne répondait plus aux critères nécessaires à l’organisation d’un championnat suisse. Grâce à un travail sans relâche, Helene Huber réussit à insuffler une nouvelle vie à la série. C’est à elle qu’on doit le fait que la série des Yngling figure aujourd’hui parmi les quillards les plus actifs en Suisse, pouvant se targuer de cumuler une douzaine d’événements par année avec des flottes respectables.

Partie de poker au championnat suisse
Avec Thomas Beck, Matthias Fahrni et Daniel Gerber, un 2e équipage du lac de Thoune termine sur le podium. © Sport Consult
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Ce n’est certainement pas un hasard si le championnat suisse, à l’occasion des 40 ans de l’association suisse des Yngling, a été organisé et préparé de manière exemplaire par le club d’Helen Huber, le SC Hallwil. Malheureusement, le vent n’a pas vraiment joué le jeu pendant ce dernier week-end de septembre, ne permettant pas au président du comité de course, Mario Suter, de faire courir plus d’une manche, le vendredi, par un temps d’automne magnifique, mais dans des airs de demoiselle. Une deuxième tentative s’est soldée par une annulation. L’orage qui s’est abattu sur le lac dans la nuit de vendredi à samedi a cédé à une pluie persistante sans le moindre souffle de vent. Les conditions ne laissaient rien présager de bon. En 2011 déjà, le championnat n’avait pu être validé en raison du nombre insuffisant de manches courues. Raison de plus pour tenter le tout pour le tout. Le meeting des skippers, le dimanche matin, a donc été avancé pour bénéficier de meilleures conditions de vent. Une décision qui a porté ses fruits: une bonne bise a accueilli les navigateurs dont certains semblaient encore un peu lutter contre le sommeil. Le comité a vite fait de lancer les manches. Seuls quelques faux départs de masse dus à une certaine fougue ont dans un premier temps quelque peu ralenti le déroulement des régates. Une fois le drapeau noir hissé, quatre manches ont été expédiées de manière expresse. En début d’après-midi, le championnat a finalement pu être validé.

Le seul étranger déclaré vainqueur

L’Autrichien Klaus Diem et sa femme, Marie, étaient les seuls étrangers parmi la trentaine de bateaux à prendre le départ. Après leur succès dans la première manche courue vendredi par petit temps, ils avaient posé les jalons de leur victoire finale. Confirmant leur bonne forme, ils ont enchaîné avec deux autres victoires, dimanche, ne laissant pas l’ombre d’une chance à leurs concurrents. Après avoir remporté le titre de champion autrichien cet été, les Diem ont donc pu fêter un autre titre, celui bien mérité de champion suisse. « Sur le lac de Constance, il n’existe pour ainsi dire pas de possibilités de courir des régates. C’est donc un grand plaisir pour nous de pouvoir régater avec une si grande flotte. Le plan d’eau est intéressant, il faut être attentif pour ne pas laisser échapper les nombreuses bascules de vent. Cela dit, nous sommes des petits gabarits et donc avantagés dans le petit temps », a précisé Klaus Diem après leur victoire, confirmant par la même occasion les propos du nouveau vice-champion suisse, Rico Gregorini, qui constatait : « Nous avions 80 kilos de plus sur le bateau, cela se ressent. » Sur le bateau de Gregorini, ils étaient trois. Les championnats nationaux autorisant aussi des équipages à deux, les conditions régnant cette année ont clairement avantagé les Autrichiens.

Pas sûr cependant que la victoire se soit véritablement jouée sur le poids des équipages. L’année prochaine, les deux équipages s’affronteront lors du championnat du monde des Yngling qui aura lieu sur le lac d’Uri, en Suisse. Pour cet événement d’envergure, le couple Diem devra trouver un troisième équipier. Tout le monde se retrouvera donc à la même enseigne. Si le lac d’Uri fait honneur à sa réputation, ce troisième homme ne sera pas de trop !