Soirée d’arrivée, soirée de relâchement. Bières et Mojitos coulent à flot. Les invités apprécient, d’autant plus que c’est Foncia qui rince, en bon vainqueur. Après six semaines de régates intenses, les marins et le staff d’organisation de ce premier MOD 70 European Tour peuvent enfin se laisser aller. La course est derrière, et ce soir c’est la fête. Même s’il reste une régate de démo le lendemain, la tension descend et autorise quelques excès. Certains s’en souviendront d’ailleurs au moment du réveil, quelques trop courtes heures plus tard. Mais peu importe, l’essentiel du boulot est fait.

Vainqueur de la Transat Krys Ocean Race, Spindrift rate de peu le doublé, mais remporte le championnat 2012. © Lloyd Images
Suspense et densité

Quarante-cinq régates, réparties entre ralliements et inshore races, plus de 4000 milles parcourus, cinq villes étapes. La Mer du Nord, la Manche, la mer d’Irlande, l’Atlantique, Gibraltar, le Golfe du Lion et finalement le Golfe de Gênes avalés. Cette première édition du MOD 70 European Tour a comblé les concurrents. Le classement hyperserré, qui s’est joué sur la dernière course, a complètement validé le concept. Tout le monde termine dans un mouchoir de poche et Spindrift Racing ne rate la victoire que de deux petits points. Yann Guichard devait mettre un bateau entre lui et Foncia pour lui subtiliser le général. Desjoyeaux ne lui a pas fait cette politesse. Malgré sa victoire sur la dernière étape, Spindrift n’a pu que s’incliner derrière le Professeur qui a une nouvelle fois démontré que son surnom n’est pas usurpé. Quelques-uns l’ont d’ailleurs rebaptisé «Michel Hitchcock», tant le suspense qu’il a cultivé durant les dernières heures de course était insoutenable. Il reste à l’équipage de Yann Guichard le titre du championnat 2012 pour se consoler.

Malgré une préparation méticuleuse, Groupe Edmond de Rothschild n’a pas réussi à suivre le rythme soutenu imposé lors de ce tour d’Europe, et termine en 5e position. © Lloyd Images
Éloge du bateau

Après deux courses exhibitions et une ultime soirée de distribution des prix au Yacht Club Italiano, les équipages ont repris le cap de la Bretagne, où ils sont tous basés. « Avec une Transat et un tour d’Europe dans les jambes, tous les bateaux sont nickel », constate Marco Simeoni qui arbore un large sourire, malgré l’intensité d’un mois passé sur la route. « La construction est à la hauteur de ce qu’on attendait, il y a à peine quelques bricoles à faire sur certains voiliers. » Michel Desjoyeaux confirme cette vision : « Avant de casser quelque chose, on peut voir venir. On est dans du solide, du robuste. Le concept architectural est excellent. » Charles Caudrelier, équipier sur Foncia s’accorde également avec ces dires : « C’est quand même agréable de se consacrer uniquement à la navigation, sans devoir toujours penser à optimiser chaque détail ou à bricoler tous les soirs. La jauge est bien cadrée, les bateaux sont égaux. » Le seul qui a connu des problèmes est Race For Water, lors de la Krys Ocean Race, Transat entre New York et Brest. Mais aucun concept ne peut pour l’heure prévenir la rencontre inopinée avec un OFNI.

Notre Dame de la Garde veille sur les marins, même sur les voiliers de course. © Lloyd Images
Un tour sans sponsor

S’il a manqué quelque chose à ce premier European Tour, c’est peut-être un partenaire principal. Marco Simeoni a déclaré lors d’une interview au World Yacht Racing Forum, que s’il a pris ce rôle par défaut, ce n’était pas son objectif. L’événement s’est donc déroulé avec un budget limité, ou en tout cas pas celui qui était idéalement attendu. Tous les acteurs de l’organisation se sont néanmoins félicités d’avoir accompli leur mission avec les moyens à disposition. « Il y a bien sûr des choses qu’on peut améliorer, notamment du côté de la promotion et de la communication. Mais ils dépendent essentiellement du budget. On a fait le maximum avec ce qu’on avait, et on est fier du résultat », explique encore Simeoni. A propos des leçons à tirer de cette première expérience, le président des MOD n’en voit pas réellement : « Nous avons organisé ce tour avec des professionnels qui ont de l’expérience. On ne comptait pas apprendre au fur et à mesure de la course. Nous avons proposé un produit qui fonctionne, à la hauteur des attentes des écuries. »

Quatrième sur les deux épreuves, Sidney Gavignet doit encore progresser pour titiller les leaders du classement. © Lloyd Images
Vers des jours meilleurs
Desjoyeaux en vainqueur heureux. © Lloyd Images

La question d’un budget de fonctionnement devrait être bientôt réglée, et l’annonce d’un sponsor titre pour le prochain tour d’Europe, qui aura lieu en mai, doit tomber dans le courant du mois de décembre. Le parcours sera probablement dévoilé à la même occasion. Pour ce qui est du tour du monde, prévu à la base en deuxième partie d’année, l’avenir est moins radieux et le président des MOD déclare « qu’il va falloir s’adapter aux restrictions budgétaires de certains armateurs. » On sait en effet que Michel Desjoyeaux n’a pas encore trouvé de partenaire pour poursuivre, même s’il conserve son bateau. Spindrift fonctionne sur un budget privé et Race For Water recherche également des fonds. Oman, Groupe Edmond de Rothschild et Virbac-Paprec, qui va rejoindre la flotte après le Vendée Globe, devraient avoir leur budget de fonctionnement, mais aspirent probablement à limiter les coûts, en ces périodes difficiles. L’ancien bateau de Bilou attend toujours un preneur qui pourrait se manifester dans le courant de l’hiver.

Si le public a répondu présent pour les étapes nordiques, la foule n’était pas au rendez-vous pour la seconde partie du tour. © David Branigan

Cette première saison a permis d’observer que, si le projet des MOD 70 n’a pas pris l’envergure escomptée au départ, il reste complètement viable en l’état, avec sept bateaux construits et un programme européen en place. L’amélioration de la situation économique est une condition pour que la classe puisse trouver un rythme de croisière durable. Mais dans ce registre, tout le monde est logé à la même enseigne, condamné à faire le dos rond en attendant des jours meilleurs.