Ce premier week-end de régates en Décision 35 a réservé une palette complète de conditions aux participants du Grand Prix Corum. Coups de vent le vendredi, air de cinéma le samedi, et pétole le dimanche. Les régatiers n’ont pas été déçus de cette entrée en matière très lémanique. Les nouveaux venus ont vite compris que les places d’honneur ne seraient pas données. Alinghi, Okalys-Corum et Julius Baer, trio de tête final, n’ont pas manqué de rappeler au reste de la fl otte que l’expérience acquise en quatre saisons ne se rattrape pas en quelques entraînements.

Une régate d’ouverture de saison constitue toujours un événement important. C’est le moment où chaque équipage peut évaluer la qualité de sa préparation hivernale et observer celle de ses concurrents. Même si le classement compte pour le championnat, le premier grand prix ressemble un peu à un prologue ou à un round d’observation. Certains ont procédé à de nombreux changements au sein de l’équipe, alors que d’autres affi chent la même liste de match que l’année précédente. Les bizuts, particulièrement expérimentés cette année, sont par ailleurs très attendus et un peu redoutés. Entre l’équipage de multicoque océanique de Pascal Bidegorry, Stève Ravussin qu’on ne présente plus et le duo Ed Baird, Brad Butterworth, le plateau est assez impressionnant. Le barreur et le skipper vainqueur de la dernière America’s Cup naviguent en effet sur Alinghi SUI6, ancien Cadence, qui s’est libéré avant le début des régates. Jean-François Demolle ayant décidé de mettre un terme à sa participation au championnat. Le deuxième bateau du team Alinghi intègre le Challenge Julius Baer dans le but d’acquérir un maximum d’expérience en multicoque en vue du Deed of gift match qui se profi le en février 2010. Ce sont donc douze voiliers réellement homogènes qui se retrouvent pour la première fois sur une même ligne.

Le premier départ est donné vendredi 8 mai dans l’après-midi. La meute peut enfin s’exprimer après de long mois d’attente et l’entrée en matière est plutôt musclée. Après plusieurs heures à terre, les douze voiliers prennent leurs marques dans un vent tordu de 15 à 20 nœuds avec rafales. Stève Ravussin et sa légendaire audace se démarque d’entrée de jeu en passant la ligne en tête. Alinghi SUI1 revoit de son côté sa manœuvre de l’homme à la mer en récupérant un équipier tombé à l’eau, et Romandie.com expérimente le chavirage, heureusement sans dommage. Le ton est donné, l’énergie et la fougue de la première course peuvent enfi n se libérer. Chacun s’affranchit de ses complexes, le retour à la compétition est grisant même s’il est éreintant pour ces premiers bords ventés. Les manches à suivre du lendemain s’annoncent théoriquement plus sereines.

La deuxième journée a sans aucun doute été la plus belle, et même si le vent ne s’est levé que dans l’après-midi, trois magnifi ques régates ont pu être courues. La monotypie a encore une fois prouvé sa force et si les victoires sont monopolisées par Alinghi SUI1 et Okalys-Corum, les autres places du podium sont successivement prises par pratiquement tous les bateaux. Zebra 7, Smart Home, Banque Populaire et Romandie.com peinent toutefois à prendre le dessus et restent en deuxième moitié de classement.

Tout reste encore possible le troisième jour de régate et la victoire doit se jouer entre Ernesto Bertarelli et Nicolas Grange. Éole se montre capricieux comme il sait si bien le faire sur le Léman, mettant les nerfs de chacun à vif. Okalys-Corum claque la première manche de la journée, Alinghi SUI1 la seconde. Ce dernier remporte du coup le premier Trophée Corum. «Voilà trois ans que nous terminons premier et Alinghi second sur la première course de la saison» précise Nicolas Grange qui passe à quelques points de la victoire. Et d’ajouter avec un certain fatalisme: «Ça s’est chaque fois joué sur la dernière manche, il est donc normal que les choses s’inversent aujourd’hui et je suis content pour eux».

Ce premier grand prix aura par ailleurs été marqué par quelques passages de bouées assez tendus. Les nouvelles règles de course amenant différentes questions qui laissent encore de la place à quelques interprétations. Interrogé sur la question, Gérard Bosse, le président du Jury précise toutefois : «Les choses ne changent cependant pas fondamentalement». Et de conclure : «Il y a une nouvelle écriture qui doit être assimilée par tout le monde, mais le jeu reste globalement le même».
www.challengejuliusbaer.ch Voir le film sur www.skippers.tv