© Yvan Zedda

Juan Kouyoumdjian (Puma, Groupama 4, Telefonica), Bruce Farr (Abu Dhabi) et Marcelino Botin (Camper) ont ainsi pu explorer des voies différentes, voire divergentes, pour aborder les 40 000 milles de course où le vent moyen tourne autour de 15 nœuds… Formes de carène, gréements, plans de pont et appendices marquent les volontés des concepteurs et des teams de favoriser telle ou telle allure, telle ou telle force de vent. Avec un paramètre essentiel : le jeu de voile, puisque chaque team a le droit à dix-sept voiles pour tout le tour, dont seulement huit embarquées par étape…

Côté carène, la génération 2011 a encore gonflé avec une étrave très ronde et volumineuse sur Abu Dhabi et un plat sous le brion pour les trois plans Juan K : seul Camper présente une étrave fine (comme Sanya) avec une quille avancée sous le mât, ce qui induit une carène creuse à l’avant pour augmenter le volume. La carène néo-zélandaise est donc beaucoup plus « rockée » que celles de ses concurrents aux dessous très tendus jusqu’aux bouchains. Avec son gréement dans l’axe permettant de basculer le mât (une quête qui a fait l’objet de plusieurs réclamations de la part des autres teams), le plan Botin se démarque en sus avec ses dérives légèrement inclinées vers l’extérieur et plus reculées que sur les autres voiliers. Toutes ces caractéristiques laissent entendre que Camper est plutôt typé pour les petits airs avec moins de surface mouillée, pour le près avec ses dérives reculées et pour le portant dans la brise avec son mât qui bascule vers l’arrière pour cabrer le bateau.

© Paul Todd

A contrario, les trois plans Juan K semblent favoriser les performances dans la brise et au débridé, avec une carène très tendue, des dérives à rétreint angulées vers l’intérieur pour faire office de « foils ». A noter que les trois dessins ne sont pas tout à fait identiques, Groupama 4 ayant un voile de quille plus avancé et un bulbe reculé avec trois étapes de barres de flèche pour diminuer le fardage, et un piano central pour économiser un winch… Enfin, Abu Dhabi marque une véritable révolution au sein du cabinet Bruce Farr ! L’étrave très volumineuse est liée à la volonté d’augmenter encore la puissance au vent de travers sans entamer les performances au près où les Telefonica de 2008 avaient démontré leur potentiel. Mais le confort au près dans la mer est devenu inexistant, et la résistance discutable… A peine la première étape commencée, deux équipages retournaient au port : Abu Dhabi suite à un démâtage au cap de Gata et Sanya suite à un délaminage de la coque. Le voilier émirati reprenait la mer quelques jours plus tard grâce à son mât de rechange rapatrié à Alicante tandis que le bateau chinois était incertain pour cette première étape, mais faisait tout pour raller au plus tôt Cape Town…

© Amory Ross

 

Legends Regatta, des voiles de légende

Seize anciens voiliers participants avaient fait le déplacement à Alicante pour la régate des Legends et plusieurs centaines d’équipiers de ces voiliers mythiques depuis 1973 s’étaient rassemblés pour fêter le départ de la onzième édition de la course autour du monde en équipage ! A l’exception des éditions 1997-98 et 2005-06 de la Volvo Ocean Race, toutes les précédentes courses autour du monde étaient représentées avec en 1973-74, le voilier italien Tauranga et les deux britanniques Adventure et Great Britain II. En 1977-78 avec l’Anglais King’s Legend ; en 1981-82 avec le Norvégien Berge Viking et le Français Gauloises III ; en 1985-86 avec le vainqueur L’Esprit d’Equipe ; en 1989-90 avec quatre des quinze Maxi de l’époque Rothmans, Charles Jourdan, Steinlager 2 et Fisher & Paykel ; en 1993-94 avec le VOR60 Heineken, en 2001-02 avec Assa Abloy et Team Tyco, et la dernière édition avec les VOR70 représentés par Green Dragon et Telefonica Black

Franck Cammas, Skipper der Groupama 4 : „Die Segelboote der ersten Whitbread-Ausgaben schienen mir kleiner, als ich sie in Erinnerung hatte ! Eigentlich sind sie gar nicht so komfortabel und seetüchtig wie immer behauptet wird, man muss nur ihr Freibord anschauen. Sie waren nicht sehr gut geschützt, aber die Entwicklungsunterschied zu den VOR70 ist eindrücklich.“ © Ian Roman
Voiliers disparates

Images étonnantes que ces voiliers aussi disparates en termes de longueur et de plan de voilure qu’au niveau des formes de carène et des performances ! Et pour compenser ces différences d’âge, les équipages s’élançaient les uns après les autres pour deux manches, la première dans une très légère brise qui s’essoufflait en ne permettant pas de finir la régate, la seconde dans une belle brise de plus de vingt nœuds qui provoquait quelques avaries, certaines voiles (d’époque !) n’ayant pas résisté à l’effort.

© Paul Todd

A bord, en compagnie des nouveaux propriétaires de ces voiliers de légende, nombre d’anciens coureurs de la Whitbread embarquaient à l’image des « ambassadeurs » de ce rassemblement (Lady Pippa Blake, Pierre Fehlmann, Tracy Edwards, Alain Gabbay, Magnus Olsson, Skip Novak, Juan Vila) ainsi que des dizaines de marins tels le Mexicain Ramon Carlin, vainqueur de la première édition sur Sayula II, du Français Daniel Wlochovski navigateur sur le vainqueur de 1981-82 à bord de Flyer II, du néo-Zélandais Simon Gundry équipier de Peter Blake en 1981-82 (Ceramco NZ) et en 1985-86 (Lion New Zealand), ou de la Suédoise Christine Guillou skippeuse du voilier féminin EF Education
en 1997-98…

 

Plus de quatre cents équipiers venus du monde entier se sont ainsi retrouvés parfois sans s’être revus depuis vingt ans et plus ! Et lorsqu’il a fallu enchaîner virements et empannages, changements de voiles d’avant et prises de ris, les automatismes n’ont pas fait défaut… Et c’est à bord de L’Esprit d’Equipe 2 que Lionel Péan retrouvant cinq de ses équipiers de la victoire de 1985-86 (Stéphane Poughon, Daniel Hirsch, Eric Sandra, Serge Maurin, Frédéric Leclerc), s’imposait de 21 secondes devant le plus jeune des « anciens », le VOR70 Telefonica Black ! Charles Jourdan, remarquablement «   refité » par ses nouveaux propriétaires suédois, prenait la troisième place et s’avérait finalement le plus proche des prototypes qui s’élançaient le samedi suivant pour la première étape de la onzième course autour du monde en équipage…