La version 2012 de l’Hydroptère.ch en pleine action. Le foiler est désormais au cœur du projet suisse Hydros, destiné à mettre les technologies de l’hydro-aérien au service de l’environnement. © Jean-Guy Python

Après un sérieux lifting hivernal au chantier Décision SA à Ecublens, le catamaran-laboratoire à foils Hydroptère.ch a repris sa chasse aux records lémaniques. Après avoir engrangé en 2011 les records de l’heure (à 22,66 nœuds) et du km (à 29,18 nœuds), il s’agit de décrocher cette année le Ruban bleu (Genève-Bouveret-Genève), détenu depuis 2007 par le D35 Julius Baer en 4h53’19’’. Désormais tout à fait distinct de l’Hydroptère océanique d’Alain Thébault qui vogue sous les couleurs du groupe français DCNS, Hydroptère.ch intègre une nouvelle et ambitieuse structure, Hydros, dont la vocation, toujours en lien étroit avec l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), vise à mettre la recherche, la performance et les technologies associées au service de l’environnement.

Maquette du futur Class C helvétique. Avec le soutien d’Hydros, le catamaran devrait participer, en 2013, à la Petite Coupe de l’America. © DR

Cette nouvelle aventure lancée officiellement en mai dernier a été initiée par un fidèle de la saga hydroptère, Thierry Lombard, associé-gérant de Lombard Odier & Cie qui soutient, avec la banque, financièrement le projet. Peu sensible aux charmes « militaires et nucléaires » de DCNS qui se présente comme « le leader mondial du naval de défense », Thierry Lombard a, en revanche, une forte inclination pour la défense de l’environnement. « Avec Hydros, nous avons non seulement la volonté d’approfondir les connaissances déjà acquises avec l’Hydroptère.ch dans l’hydro-aérien, mais également d’exploiter et de diffuser ces données à large échelle, sachant que l’application de ces nouvelles technologies permettra de multiplier l’efficacité des énergies naturelles », explique Thierry Lombard.

Un défi suisse en Class C

Pour ce faire, Hydros comporte trois volets : le premier repose sur l’Hydroptère.ch. Bardé de capteurs, le catamaran est une source inépuisable de données, aussi bien sur les matériaux (déformation et résistance) que sur l’écoulement des fluides, tant en mode archimédien qu’en vol. Le deuxième concerne la participation d’un Class C helvétique (catamaran de 25 pieds) à la Petite Coupe de l’America qui aura lieu en septembre 2013 à Falmouth, en Grande-Bretagne. La concurrence y sera rude (17 nations annoncées), mais l’équipe d’Hydros s’y engage pour gagner. Enfin, le troisième volet vise à susciter, dans le monde entier, l’intérêt des scientifiques pour les technologies hydro-aériennes à travers le lancement d’un Défi des Grandes Ecoles. Sur la base d’informations mises à disposition par Hydros, le monde académique sera appelé à plancher sur les applications potentielles de ces technologies, notamment pour le transport maritime et les bateaux à moteur à foils.

Allongé à l’avant, coupé à l’arrière, safrans déportés... L’Hydroptère.ch 2012 vise un nouveau record lémanique : le ruban bleu. © Jean-Guy Python

Placé sous la direction de l’ingénieur français Jérémie Lagarrigue, un fin connaisseur des multicoques pour avoir remporté le titre de vice-champion du monde de Formule 18 avec Franck Cammas, le projet Hydros s’appuie essentiellement sur l’équipe de l’Hydroptère.ch. Cette dernière, menée par les ingénieurs-naviguant Daniel Schmaeh (skipper), Stéphane Dyen et Davy Moyon, a la double tâche de pousser le bateau dans ses derniers retranchements et de coordonner les travaux des chercheurs de l’EPFL. Concernant plus spécifiquement le défi en Class C, la société Hydroptère Suisse SA a fait appel, en tant que sous-traitant, à Simon Watin, responsable performance du bureau d’architecture navale VPLP, à Vannes. Son mandat : mener le Class C suisse à la victoire.

Lancement d’un Hydro Speed Tour

Pour Daniel Schmaeh, il s’agit de poursuivre le développement de l’Hydroptère.ch. C’est ainsi qu’au terme de la saison 2011, le bateau a subi d’importantes modifications : « Nous avons décidé de déplacer le centre de poussée des flotteurs, indique le skipper, afin d’accroître la vitesse du bateau en mode archimédien. Résultat : les étraves ont été allongées de 1,20 m. et l’arrière des flotteurs coupé d’autant afin de maintenir le bateau dans la catégorie des 35 pieds. » Les essais sont concluants : le bateau file désormais à 20 nœuds sans voler. A l’automne, Hydroptère.ch entamera un tour du monde (au programme l’Asie, l’Amérique du Sud et les Emirats), afin de créer et d’étalonner un certain nombre de spots de vitesse. Et Jérémie Lagarrigue de préciser : « Hydros souhaite promouvoir la haute technologie et le savoir-faire suisse dans le monde et lancer l’Hydro Speed Tour, un concours mondial de vitesse ouvert à tous et gratuit, destiné à tous les types de supports aquatiques, aériens et terrestres, dont l’Hydroptère.ch sera l’emblème. »

L’équipage de l’Hydroptère.ch : de gauche à droite, Davy Moyon, Daniel Schmaeh (skipper), Stéphane Dyen et Guillaume Coyon, auxquels il convient d’ajouter Gaël Ledoux. © Jean-Guy Python
Des composites dernier-cri

En ce qui concerne le défi suisse à la Petite Coupe de l’America, l’accent sera mis sur les matériaux et l’aile rigide. Aujourd’hui déjà, en raison de son poids ultraléger, un Class C est plus performant que l’Hydroptère.ch, avec 7-8 nœuds de vent. Mais peut-on aller encore plus vite ? Simon Watin en est convaincu. Le cabinet VPLP s’occupera de l’architecture générale du bateau et du développement des premières versions de l’aile en collaboration, d’une part, avec la société HDS de Brest qui travaillera sur les calculs structurels de l’ensemble et, d’autre part, avec l’équipe de l’Hydroptère.ch qui se concentrera sur les appendices. Une attention toute particulière sera accordée à l’optimisation de l’aile rigide et à la légèreté de l’ensemble. « Grâce à l’utilisation d’une nouvelle technologie carbone appelée TPT (Thin Ply Technology), mise au point en Suisse et développée notamment pour Solar Impulse, nous allons pouvoir réduire le poids de l’aile et de la plateforme de manière importante, souligne Simon Watin, très confiant dans le savoir-faire du chantier Décision. Il sera ainsi beaucoup plus aisé de soulager le poids du bateau sur l’eau. »

Hydros se profile donc comme un accélérateur de technologies et de talents. Avec des retombées espérées dans des domaines aussi prometteurs que les hydroliennes, les éoliennes ou les bateaux du futur.