© Yvan Zedda

L’organisation d’une équipe de la Volvo Ocean Race requiert une certaine rigueur. Soixante personnes (11 navigants, 2 Mediamen, le shore team, les communicants, le bureau d’études, l’administratif …) constituent ce petit monde qui se côtoie pendant près de trois ans, dont un dernier sprint final planétaire de neuf mois. Cette caravane va devoir se déplacer d’étape en étape sur les cinq continents avec des impératifs techniques importants. Construit selon des règles strictes, un camp de base assemblé à chaque étape est composé de plusieurs éléments indissociables : voilerie, atelier mécanique, chantier, cantine, vestiaire, salle de repos… qui tiennent dans quatre containers. Mais l’équation n’est pas aussi simple car le temps nécessaire pour démonter, envoyer les containers sur le lieu de la nouvelle étape et remonter le camp est plus long que le temps mis par le bateau en course. C’est donc un challenge supplémentaire que de disposer d’un second jeu complet de containers et de matériel qui sont montés toutes les deux étapes. Attention à ne pas perdre un morceau en route !

Sur l’eau, chaque mouvement du bateau est surveillé par un « mouchard ». Celui-ci envoie sa position en permanence à la direction de la Volvo Ocean Race qui peut ainsi contrôler le suivi des règles strictes du nombre de jours de navigation. Ce service vérifie aussi toutes les communications envoyées et émises depuis le bord afin d’être sûr qu’aucune indication de l’extérieur ne filtre. Les équipages doivent réaliser leur stratégie avec les seuls moyens du bord et ceux envoyés par la course. L’intimité des équipiers est réduite à sa plus stricte définition puisque même leurs messages personnels sont disséqués.

Onze à bord

Ils sont onze marins, dont trois de moins de 31 ans, à se partager les quelques mètres carrés qui leur sont dédiés : le skipper, Franck Cammas, est hors quart, tout comme le navigateur qui passe son temps à la table à carte pour tirer le meilleur parti des fichiers météo reçus. Quatre équipiers se relaient toutes les quatre heures en terrasse pendant que les quatre autres sont de repos à l’intérieur. Chaque quart est composé d’un chef de quart, d’un N°1, d’un piano et d’un régleur. En cas de manœuvre importante, tout le monde est appelé sur le pont. Point de repos pour les braves ! N’oublions pas le 11e « équipier », « le Mediaman ». Poste ingrat, car il n’a le droit de ne toucher à aucune ficelle du bateau. Il a pour obligation de bien se tenir… debout et de faire partager les émotions du bord, qu’elles soient visuelles (vidéo, photo et son) ou gustatives (c’est le préposé aux fourneaux et à l’entretien intérieur).

Au sein du team Groupama, la difficulté vient de la mixité de l’équipage. Entre des skippers francophones reconnus dans le monde de la course au large – en général des solitaires-, et des mercenaires étrangers avec une expérience validée dans la Volvo Ocean Race, il n’est pas si évident de faire monter la mayonnaise. Et le temps est compté avec 110 jours de navigation autorisés entre fin octobre 2010 et le 15 mars 2011, date depuis laquelle le bateau d’entraînement doit rester à quai. Pour optimiser ces journées, toute l’équipe de Groupama s’est installée à Lanzarote cet hiver pour bénéficier de conditions optimales : ventilateurs allumés en permanence, ambiance étape de la Volvo avec un camp monté de toutes pièces et la possibilité de rayonner à 360° pour lancer des manœuvres au large en deux temps et trois mouvements.

© Gilles Morelle
70 pieds de puissance absolue

21,33 mètres, 14-15 tonnes dont 7,4 tonnes de bulbe, un rapport poids /puissance hors-norme avec la quille basculante à 40°… Les VOR 70 sont de véritables machines de guerre. Pour preuve, les records sur 24 heures établis à chaque édition de la Volvo : 596,6 milles en 24 heures pour Ericsson 4, soit 24,86 nœuds de moyenne. Sur ces monocoques, des vitesses de pointe sont même enregistrées à plus de 40 nœuds. Les multicoques n’ont qu’à bien se tenir !

Mais attention au moteur. Seules dix-sept voiles sont autorisées tout le long de cette épreuve, dont sept voiles à bord par étape : une grand-voile, trois voiles de près, trois voiles de portant. La longévité du bateau et le casse-tête pour trouver le meilleur compromis dans des étapes qui comportent de la pétole (Pot au Noir) comme des vents forts (40e Rugissants) seront les nerfs de la guerre.

© Yvan Zedda
Douches rafraichissantes ou bain de soleil ?

À bord, il vaut mieux être régleur de grand-voile et naviguer en shirt et t-shirt plutôt qu’en top étanche sur la plage avant balayée en quasi-permanence par un geyser d’eau. Alors qu’à Lanzarote, en plein hiver, l’eau est à 20°C et l’air à 26°C, il faut s’imaginer en pleine Mer du sud avec des températures proches de 0°C tandis que les embruns sont de véritables piqûres qui fouettent le visage. Sur un Volvo 70, pas de protection. Le pont est flush-desk. Les équipiers partent réellement au combat, à l’assaut des éléments. Le Club Med n’est plus d’actualité, car la puissance du Volvo 70 requiert la totalité des équipiers sur le pont lors des manœuvres. Même le quart à la bannette doit y participer. Si les vitesses élevées « raccourcissent » les étapes, l’exigence physique est poussée à son paroxysme. Au point que, pour être à 100% en permanence, les postes à bord sont grossièrement distribués : si chacun à un rôle attitré, un N°1 pourra très bien barrer le bateau dans des conditions précises puisqu’il aura démontré une réelle aptitude à barrer à 132° du vent.

Le tout nouveau Groupama 70 va sortir très prochainement des chantiers, à une date tenue secrète. Il ne restera alors plus que six mois aux petits hommes verts du Team pour préparer, optimiser, fiabiliser leur tout nouveau support. Les semaines risquent d’être bien remplies puisque le calendrier prévoit une présence 7 J/7 jusqu’au départ. La victoire finale sera à ce prix là !