Loïck Peyron et Jean-Pierre Dick ont dominé les débats dès le début de la course. © DR

Quatorze voiliers au départ, probablement neuf à l’arrivée et une flotte qui s’étend sur plus de 5’000 milles… Tel est le tableau de la deuxième édition de la Barcelona World Race, à quelques jours du retour des premiers. La régate qui a quitté la capitale catalane le 31 décembre 2010 a été particulièrement éprouvante pour l’ensemble de ses concurrents. Personne n’a été épargné par la dureté de l’épreuve, sauf peut-être Virbac-Paprec 3, qui malgré deux arrêts au stand a mené la course de bout en bout avec une aisance presque indécente. Au moment du bouclage, le duo Dick/Peyron navigue en mode furtif (ndlr : invisible sur les cartes pendant 24h. Stratégie autorisée par l’organisation une fois pendant la course) et contourne l’anticyclone des Açores sans dévoiler son jeu à Mapfre qui le talonne à environ 250 milles. La victoire des Français semble à ce stade inéluctable, à moins d’une avarie ou d’une grosse erreur tactique, assez peu probable au vu de la manière dont les deux co-skippers ont dominé leur tour du monde depuis le départ. La Méditerranée réserve toutefois des surprises et tous les marins savent que rien n’est joué avant le franchissement de la ligne d’arrivée.

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Un tour du monde n’est jamais anodin

Les organisateurs de la régate, la Fundació Navegació Oceànica
Barcelona (FNOB), ont tout fait pour que leur événement devienne « LA » course quadriennale de l’IMOCA, en alternance avec le Vendée Globe. Les promoteurs ont pour ce faire vanté l’avantage d’un équipage double, qui favorise une exploitation optimale des bateaux, ainsi que la possibilité d’arrêts techniques sous certaines conditions. Le système a plus ou moins fait ses preuves mais les régatiers et les observateurs ont fait le constat qu’un tour du monde sans escales n’est jamais anodin. Le principe de l’arrêt au stand autorisé mais pas obligatoire, à mi-parcours et sur la route, s’est avéré fort intéressant, même si le système n’a probablement pas permis à plus de bateaux de boucler leur tour. Il a présenté un intérêt tactique passionnant, un peu comme la gestion des arrêts au stand en Formule 1. Chaque concurrent a en effet dû s’interroger sur l’opportunité de stopper 48h au passage du détroit de Cook pour assurer une traversée du Pacifique dans les meilleures conditions possibles. C’est ainsi que de manière assez surprenante Jean-Pierre Dick et Loïc Peyron ont décidé à la dernière minute de rejoindre Wellington pour régler un problème de chariots de lattes.

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Le sans-faute de Dick et Peyron

Virbac-Paprec 3, qui a pris la tête de la course le 2 janvier et s’est échangé le leadership avec Foncia pendant la descente de l’Atlantique avant l’abandon de ce dernier, réalise une course quasiment parfaite. Les deux compères ont fait un pit-stop de 15 heures à Recife au Brésil, et rapidement repris la tête, profitant d’un superbe couloir venté pour plonger vers le sud, le long de la côte sud-américaine. Quelques jours plus tard, le duo s’est même offert un record de vitesse avec 516 milles parcourus en 24h. Virbac-Paprec 3 franchit ensuite la mi-parcours, au sud-est de la Nouvelle-Zélande après 45 jours de mer, en affichant une vitesse moyenne de 13,97 nœuds. En comparaison, Dick, déjà vainqueur de la première édition avec Damien Foxall, avait terminé son tour du monde en 92 jours à moins de 12 nœuds de moyenne. Le plan VPLP-Verdier est certes mené de main de maître, mais le bateau a surtout une génération d’avance sur tous ses concurrents encore en course lors de la remontée de l’Atlantique. Sa domination démontre que la jauge IMOCA possède toujours un potentiel de progression important.

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Les déboires de Mirabaud
Un gréement de fortune a permis à Mirabaud de rejoindre Mar del Plata. © DR
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Les avaries de gréement ont, comme souvent en course au large, représenté la plus grande cause d’abandon. Mirabaud qui a brisé son espar au large de l’Argentine a été le troisième bateau à démâter depuis le départ. Jean Le Cam et Bruno Garcia avaient en effet dû abandonner le 10 janvier en Atlantique. Plus tard, en approche du cap Bonne-Espérance, Foncia, skippé par Michel Desjoyeaux et François Gabart, avait perdu sa tête de mât avant de rejoindre le port de Cape Town sous voilure réduite.

Le duo Wavre-Paret qui a rejoint, déçu mais heureusement sans encombres, Mar Del Plata, a vécu un tour du monde ponctué de péripéties peu habituelles. Entre le contrôle de douaniers marocains trop zélés peu après le départ, le passage d’un anticyclone capricieux à Ste-Hélène et les problèmes de santé de Michèle Paret dans le Pacifique, l’équipage du Mirabaud n’a pas été aidé par le sort. Dominique et Michèle s’en sont finalement bien sortis, en naviguant régulièrement en 5e position, à l’affût du podium avant leur abandon. Les raisons du démâtage ne sont pas encore connues, mais il est évident que le skipper va analyser minutieusement l’avarie pour fiabiliser au maximum le bateau d’ici la Transat Jacques Vabre et le Vendée Globe.

Cette Barcelona World Race a rappelé à chacun qu’un tour du monde en course représente toujours une aventure excessivement intense et difficile. Les machines sont très pointues et fragiles, malgré une jauge qui vise une amélioration constante de la sécurité. La casse guette sans cesse les concurrents et le grand sud n’épargne pas le matériel. Les 60 pieds IMOCA ont maintenant un peu plus d’un an pour profiter des expériences de l’épreuve et se préparer pour l’ultime défi, autour du monde, en solitaire, sans escales et sans assistance.