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Trente nœuds de vent réels, 34 nœuds sur l’eau à la sortie de l’abattée. Sébastien Josse est imperturbable, même s’il concède que « c’est un peu chaud ». Le bateau secoue dans tous les sens et la position debout est proscrite pour celui qui n’est pas solidement accroché à une colonne de moulin à café ou un winch. Le troisième ris est pris dans la grand-voile et l’ORC hissé pour poursuivre la session, en levant le pied pour éviter la casse.

 

Dernier à avoir touché son bateau, Josse, qui n’est pas un habitué du multicoque, a organisé sa préparation pour combler son retard en passant six semaines à Agadir en février. Le skipper niçois, breton d’adoption, s’est par ailleurs entouré d’une équipe très pointue pour s’aligner avec les autres. Son team s’appuie autant sur la compétence de figaristes, d’un barreur olympique, d’anciens de l’America’s Cup que de spécialistes du multi. Sa démarche fait suite à une première phase de préparation sur Gitana XI, avant l’arrivée du MOD 70 Gitana XV.

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Des journées qui comptent double

Pour Cyril Dardashti, Directeur Général du Gitana Team, le bien-fondé de cette approche n’a jamais fait l’ombre d’un doute : « Ici, les journées d’entraînements comptent double. » L’équipage est en effet consacré à 100 % à sa préparation, personne n’est perturbé par des questions familiales ou problèmes domestiques quotidiens. Une cuisinière s’occupe de tous les aspects pratiques, petit-déjeuner, lunch box et souper, et les marins logent en appartements juste au-dessus du bateau. La météo est bien plus favorable qu’en Bretagne à la même saison. Le thermique se lève tous les jours en début d’après-midi et souffle jusqu’à vingt nœuds, quand un courant synoptique ne vient pas renforcer ce dernier. Le beau temps permet encore de faire la préparation physique sur la plage tous les matins.

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L’opportunité de rejoindre le Maroc s’est présentée grâce aux contacts pris avec le team dirigeant de Moroco United, une équipe qui s’était profilée pour acquérir un MOD l’année dernière. Le projet, qui dépend du développement d’un large complexe immobilier, ne s’est toujours pas débloqué. Mais les rapprochements ont au moins servi à mettre en place ce camp, avec la ville d’Agadir qui tente par cette occasion de promouvoir sa nouvelle marina.

 

L’arrivée de Roland Jourdain et son équipe, après la première semaine, devait théoriquement permettre d’optimiser encore plus les séances mais le retrait inopiné de Veolia du sponsoring a contraint l’équipage de Bilou de regagner Concarneau après seulement cinq jours sur place.

 

Programme chargé pour les autres
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Josse n’est bien-sûr pas le seul skipper à s’être imposé un programme poussé. Michel Desjoyeaux et Yann Guichard ont également mis leurs ressources en commun à la fin de l’hiver pour parfaire leur préparation en baie de Quiberon. Foncia et Spindrift ont ainsi enchaîné sept journées de navigation intensives en février, avec parcours inshore et offshore au départ de La Trinité-sur-Mer. Les deux bateaux comptent par ailleurs participer aux régates régionales, tel que le Tour de Belle-Île fin avril, l’Armen Race en mai ou encore le Trophée SNSM en juin.

 

Sydney Gavignet, qui attend son bateau dans le courant du printemps, a pour sa part réalisé fin 2011 des stages de Team Building en Oman, visant à sélectionner une partie de son équipage. Le baptême de son MOD 70 n°6 est prévu au mois d’avril. L’équipage d’Oman Sails disposera alors de deux petits mois pour s’entraîner avant le convoyage vers les États-Unis.

 

Du côté des Suisses
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Stève Ravussin, qui a remis son Race For Water, le MOD 70 n°1, à l’eau début mars ne pense pas pour sa part à un programme aussi pointu. « Nous ne sommes pas dans la même logique que les autres concurrents par rapport à l’entraînement. Nous sommes une fondation et nos ressources sont limitées car elles ne sont pas exclusivement dédiées au projet sportif. Nous avons un petit budget. Nous allons bien sûr naviguer, d’ici début juin, mais pas de manière aussi intensive que d’autres équipes. Cela dit, ça reste un bateau et nous avons quand même des bases qui nous permettent d’aborder la saison assez sereinement. » Le skipper de Race For Water compte également sur la Transat aller, en convoyage, pour améliorer encore sa préparation. « Nous devrons préserver les montures et n’allons pas trop tirer sur la bête mais une traversée reste une bonne occasion pour s’entraîner. » L’équipage n’est pas encore connu et dépendra d’éventuels nouveaux partenaires. Stève compte toutefois embarquer son frère Yvan et Loïc Forestier, le numéro 1.

 

Économie morose

Au niveau de la classe, aucun nouveau propriétaire ne se profile au moment où nous bouclons le magazine. Franck David reste néanmoins confiant pour la suite : « Le retrait de Veolia a été soudain et il y a d’abord ce bateau qui doit trouver preneur. Roland Jourdain cherche un sponsor et il est bien sûr de notre intérêt que le voilier navigue à nouveau le plus vite possible. » Le CEO de MOD rappelle qu’il faut entre six mois et un an pour amener une nouvelle équipe sur le circuit. Il n’est donc pas particulièrement inquiet. « Chaque semaine a son lot de bonnes et moins bonnes nouvelles. Et quoi qu’il en soit, nous misons sur la qualité plutôt que sur le nombre. À cinq bateaux, la série est viable et présente déjà un intérêt sportif. »

 

La morosité de l’économie n’est pour l’heure pas trop prometteuse, que ce soit en MOD ou dans d’autres classes. Le fait qu’une place pour un Français se soit libérée constitue cependant une bonne nouvelle. Le vivier de skippers potentiels étant naturellement plus important dans l’hexagone. La fin du Vendée Globe en février 2013 sera peut-être l’occasion pour quelques partenaires de changer de support, en fonction de l’évolution de l’IMOCA. Pour l’heure, tout le monde attend avec impatience la première course au large en monotype, le 4 juillet prochain.