La bataille fait rage au pied de la Tour de Galata qui fut longtemps le plus haut édifice de la cité. © Lloyds Images

La troisième étape des Extreme Sailing Series s’est déroulée dans le port naturel de l’estuaire de la Corne d’Or, en plein centre du vieil Istanbul, entre le 27 et le 29 mai. Après Oman et Qingdao, la « Seconde Rome » est devenue le théâtre de ce circuit international convoité par les meilleurs régatiers du moment. A nouveau, il a fallu attendre la dernière régate du dernier jour (après 43 manches !) pour connaître le vainqueur de l’étape, un seul petit point séparant le premier, Artemis Racing, du second, Emirates Team New Zealand. Le plan d’eau turc, situé en plein cœur de la cité où niqab et talons de 12 cm se côtoient le plus naturellement du monde, s’est révélé parfaitement en phase avec les attentes des organisateurs. Paysage urbain insolite, vents tordus, et parcours confiné devant un parc théoriquement fréquenté par les Stambouliotes… Théoriquement, car s’il devait y avoir un bémol sur la réussite de l’ensemble, c’est probablement au niveau de la réponse du public qu’il pourrait être observé. Bien que présents, les spectateurs se sont en effet montrés plutôt discrets. Le temps maussade du week-end n’a, il faut le dire, pas forcément motivé les sorties familiales au bord de l’eau. « Sans chercher à m’affranchir, il faut regarder la situation dans le contexte actuel, explique Gilles Chiorri, directeur de l’événement. » Et d’ajouter : « Il y a des tensions dans le pays, nous sommes en période d’élections. Il y a eu un attentat la veille du début de la rencontre, ce qui nous a contraints à confiner le village de course avec des gardes à l’entrée et un détecteur de métaux. Il est évident que ça n’invite pas vraiment les badauds à s’arrêter et à venir regarder les régates. » Cela dit, les curieux se comptaient quand même par centaines. Le commentateur local qui secondait Sébastien Destremau au micro, a réussi à intéresser les spectateurs et a enseigné aux non-initiés le déroulement des parcours, pas toujours évident à comprendre.

Avec Sainte-Sophie en toile de fond, la troisième rencontre des Extreme Sailing Series ne pouvait être qu’une réussite. © Lloyds Images
Collision spectaculaire

Le moment le plus remarquable du week-end a certainement été la collision entre Alinghi et Team Extreme lors de la quatrième régate du troisième jour de course. Yann Guichard, barreur du catamaran suisse, s’est en effet retrouvé en mauvaise posture dans un croisement. Bâbord amure, l’ancien skipper de Gitana, pourtant habitué au bateau, n’a pas réussi à abattre suffisamment pour éviter le catamaran de Roland Gaebler. Le choc a été particulièrement violent, et des équipiers ont fini à l‘eau. La séquence de ce malheureux accident a été visionnée des dizaines de milliers de fois sur le web (disponible sur Skippers.tv en utilisant le moteur de recherche), et si l’incident est évidemment regrettable, il a au moins eu le mérite de contribuer à la médiatisation de la voile. Les deux voiliers ont été contraints à l’abandon pour la suite des régates du jour. Ils ont rejoint la zone technique pour être grutés au sec et réparés. Si Alinghi a pu reprendre le jeu, après une longue nuit de travaux sur son étrave, il n’en a pas été de même pour l’équipage lésé, qui s’est retrouvé avec un bateau inutilisable pour les deux derniers jours de régates. Et si les Allemands de Team Extreme ont bien obtenu réparation, Roland Gaebler, qui s’est exprimé peu après l’événement n’a pas caché son désarroi face à son reclassement qu’il considère comme insuffisant, compte tenu du dommage subi.

Les onze concurrents alignés au cordeau, prêts à en découdre pour une énième régate. Le rendez-vous turc a permis de disputer 43 manches. © Lloyds Images
Déception suisse

Si Alinghi a réalisé plusieurs très belles manches, et une excellente régate dans son ensemble, l’abordage avec son concurrent a été rédhibitoire pour le classement final. Le bateau suisse termine en effet 7e au général, avec un DNF et cinq DNS. L’épreuve est remportée par Artemis au terme de 43 courses, toutes aussi intenses les unes que les autres. Le voilier suédois est suivi d’Emirates Team New Zealand et de Groupe Edmond de Rothschild, mené depuis le début de la saison par Pierre Pennec. L’équipe suisse, coachée par Pierre-Yves Jorand, qui ne manque pas d’intervenir et débriefer ses hommes entre chaque manche quitte donc Istanbul en 7e position du classement du championnat.

Les équipages portent des casques, à la demande du comité de course, quand les conditions se montrent musclées. © Lloyds Images

La suite du programme des Extreme Sailing Series doit se dérouler dans le berceau nord américain de la voile, puisque la quatrième étape est prévue à Boston, pendant la Fête nationale. «Tous les indicateurs sont réunis pour faire un bel événement. Nous avons de nombreux partenaires locaux, le cadre sera différent, mais superbe, et le 4 juillet est toujours très bien fêté dans cette ville qui a accueilli les premiers colons », se réjouit Gilles Chiorri. Le responsable de l’organisation espère bien qu’un partenaire titre rejoindra le tour d’ici la fin de la saison, pour pouvoir poursuivre et améliorer ce circuit qui allie si bien voile et spectacle.