L’engouement du public pour le Trophée Jules Verne a été sans précédent l’hiver dernier. Et si aucun des prétendants n’a réussi à battre le record détenu par Loïck Peyron, la planète voile a vibré durant 47 jours grâce aux plates-formes web des équipes, mais également à quelques sites internet de passionnés, devenus incontournables. 

5 millions de vues sur le site internet dédié au record, 100 000 « engagements » sur les réseaux sociaux, 8 000 élèves mobilisés. Les statistiques affichées par l’équipe de communication de Spindrift II impressionnent. La toile a donc flambé durant 47 jours, et l’engouement du public pour le Trophée Jules Verne n’aura jamais été aussi important. Le fait que les deux bateaux soient partis en même temps a clairement boosté l’intérêt du public, un point que les responsables de communication, Thuy Tranthi-Rieder chez Spindrift II et Fabrice Thomazeau chez IDEC Sport, ne contredisent pas.

Pour que chacun puisse suivre les exploits des marins depuis son bureau, sa classe d’école, ou sa maison, les équipes ont mobilisé toutes leurs forces pour raconter les histoires de ces deux grands trimarans autour du globe. Chaque défi a tenté la carte de l’originalité et surtout joué de son propre style. D’un côté, une communication extrêmement soignée, mais parfois un peu convenue, de l’autre, une forme un peu plus spontanée et légère, en adéquation avec la petite équipe de Francis Joyon.

Les grands moyens 

Avec un équipage de quatorze personnes, Spindrift II a embarqué un média-man en la personne du brillant Yann Riou, qui a joué l’homme-orchestre en produisant textes, sons, photos et vidéos tout au long du tour. « Un rôle où il faut essayer d’être le moins mauvais possible dans chaque domaine », a confié l’intéressé dans une interview. « La préparation de cette campagne a fait l’objet d’un travail minutieux », a pour sa part expliqué Thuy Tranthi-Rieder. « Notre site internet était particulièrement riche, et ça a été un véritable défi de pouvoir fournir autant de contenu. Sept personnes ont assuré une veille permanente pour gérer et diffuser les flux d’informations. Et Dona Bertarelli s’est beaucoup investie pour cette communication. Le bilan final a représenté une véritable récompense pour le team. »

Faire parler les autres 

Sur IDEC Sport, avec un équipage de seulement six personnes, pas de média-man, mais une bande de marins très polyvalents. « C’est surtout Gwéno (Gahinet) et Boris (Herrmann) qui se sont chargés de ce dossier » explique notre compatriote Bernard Stamm, membre du team. Et de poursuivre : « Nous partions déjà dans l’inconnu avec notre configuration minimaliste. La « comm’ » n’était pas notre priorité. Nous devions donner la priorité au bateau, et éventuellement faire un peu de contenu média, s’il nous restait du temps. Mais je crois que ce que nous avons proposé a été apprécié. »

Fabrice Thomazeau, fondateur de l’agence Mer & Média, qui suit Francis Joyon depuis treize ans, s’est aussi réjoui de ce mode de fonctionnement, même s’il n’a pas facilité la tâche de son staff. « Tout ce qu’ils ont fait était de leur initiative, et nous n’avons jamais cherché à les influencer dans nos demandes. Je crois que c’est ce que les gens attendent dans ce genre de projets. »

Parallèlement aux différents points quotidiens, vacation audio et autres, IDEC Sport a produit une très belle web série de 25 épisodes. Celle-ci a donné la parole à des intervenants de provenances diverses comme Loïck Peyron, Paul Watson, Nicolas Hulot, ou des collaborateurs d’IDEC. « Nous avions une équipe de trois personnes dédiée à la production de la web série. Et nous étions encore quatre pour le reste, avec quelques intervenants externes pour le support technique. »

Les outsiders 

Au-delà des histoires contées par les équipes, quelques ingénieux passionnés ont offert des plates-formes qui ont apporté une belle valeur ajoutée aux contenus officiels. La cartographie unifiée mise en ligne par Volodia (volodiaja.net/ Tracking) est probablement celle qui a été la plus remarquée. La page a en effet totalisé 1,9 millions de vues durant le Trophée, ce qui constitue un score remarquable. L’auteur, jeune ingénieur passionné de voile, s’intéresse à la cartographie de suivi de régates depuis plusieurs années. « Techniquement, le défi n’est pas énorme, et les sources sont assez faciles à utiliser. Le problème c’est de corréler des choses différentes », nous explique l’intéressé, qui préfère garder son pseudo pour s’exprimer. « J’ai passé un dimanche après-midi à mettre en place la cartographie unifiée. Il y a eu ensuite un peu de travail d’affinage tout au long du Trophée. » Sans avoir été dépassé par la fréquentation de sa page, Volodia confie avoir dû adapter ses codes pour ne pas être saturé, avec 12 000 à 17 000 visites quotidiennes. Son appel a donation a également été bien suivi, et les contributions des internautes lui ont permis de financer les frais d’hébergement de son projet et réaliser une « opération blanche ».

Travail de bénédictin 

Le site de François Lombard, (fralo.info), retraité passionné, a encore représenté une source importante d’information, avec près de 10 000 vues certains jours. Véritable encyclopédie du Trophée Jules Verne, François Lombard explique qu’il a créé son site parce qu’il était « las de voir systématiquement disparaître les données au gré des changements de sponsors, et pour conserver les temps forts des tentatives et des records. » Il a passé trois à quatre heures par jour durant l’épreuve pour éplucher les données fournies par les équipes. « Il faut écouter les vacations, regarder les vidéos, la cartographie, et lire tous les communiqués pour faire ce travail. » L’homme, qui connaît parfaitement le règlement du Trophée, a fourni une analyse quotidienne très pointue, ainsi que des statistiques sur l’évolution des concurrents. « J’ai une formation scientifique, et je manie les chiffres avec rigueur et aisance », a-t-il encore expliqué. Ravi de la fréquentation inespérée de son site, il a parfois observé son serveur « sur les genoux ». Une récompense pour une démarche telle que la sienne.

Ce qui restera 

Grâce à ces nombreuses sources, toutes très qualitatives, le public a été tenu en haleine durant 47 jours et chacun a pu vivre, par procuration, les plus grands moments de cette aventure. Les participants du Yacht Racing Forum de Genève, ont ainsi profité d’une vacation avec Dona Bertarelli. Le passage du Cap Horn de Spindrift a pu être vécu en direct depuis le drone de Yann Riou. Sur un plan plus personnel, la mise en scène du perçage de l’oreille de Gwénolé Gahinet n’a pas manqué d’interpeller la communauté, qui n’est pas prête d’oublier ces deux tentatives.