Malgré un calendrier de courses de plus en plus fourni, les Régates Royales de Cannes-Trophée Panerai qui se sont déroulées du 24 au 29 septembre derniers ont confirmé leur caractère de rendez-vous incontournable des yachts classiques. Une centaine d’inscrits et une douzaine de candidatures refusées, faute de place dans le port, le Yacht Club de Cannes (YCC) n’en espérait pas tant dans une conjoncture difficile. Pas moins de 17 centenaires dont le très rare 15 m JI Mariska de Christian Niels, un plan William Fife de 1908, avaient répondu à l’appel. Le célèbre architecte écossais, représenté par une douzaine de coques sorties de ses crayons, aurait surement été fier de voir le véritable culte que vouent les grands amateurs de voiles classiques à ses longues coques effilées qui s’installent solidement, sous l’effet de la brise, sur leur franc bord et tracent leur route avec puissance, pour peu que le barreur soit un champion, comme le Suisse Philippe Durr.

© Jérôme Kelagopian

Cette année, les « bouffeurs d’écoute » ont été servis par la météo. Un temps à tendance bretonne plutôt que provençale dont le cotre Avel (un plan Camper & Nicholson de 1896) s’est arrangé victorieusement chez les « Epoque Aurique », volant la vedette au célébrissime Cinq Tonneaux  Bona Fide, médaille d’or des Jeux olympiques de Paris en 1900. Un peu déconcerté par la formule de calcul des ratings, Giuseppe Giordano,  propriétaire de cette coque de 13,60 m signée Charles Sibbick, décrivait avec fierté à l’issue des régates comment Bona Fide avait devancé Avel (22,85 m) de 25 minutes dans la 2e manche. Ce fut la journée la plus déroutante pour les concurrents qui durent composer avec un léger zéphyr d’est-sud-est, suivi de trombes d’eau à l’écossaise, vides de vent, pour finir dans une petite brise de secteur sud ensoleillée qui séchait voiles, cirés, ponts, chanvres et pièces de cuir gorgés d’eau.

Le légendaire Moonbeam IV s’est classé 3e de la catégorie Big Boat, derrière Thendara et Moonbeam of Fife III, mais devant Mariquita et Mariska. © Jérôme Kelagopian
Météo capricieuse

De la douce brise d’automne aux rafales balayant la baie avec vigueur, la météo  n’a donc pas toujours été l’alliée du YCC et le comité de course a eu la sagesse d’annuler la dernière régate pour épargner aux concurrents les rafales à 40 nœuds sillonnant le plan d’eau. Une mesure appréciée des propriétaires soucieux de leur patrimoine maritime dont Mariska qui s’est réservé pour les Voiles de Saint Tropez, dernière épreuve comptant pour le challenge des quatre 15mJI qui naviguent aujourd’hui (voir page 64). Déjà, en milieu de semaine, des rafales à 20-25 nœuds, avaient fait souffrir les acajous et autres ponts en teck, mis à rude épreuve les mâts en pin et les pièces de chêne de quilles centenaires, sans parler du ragage provoqué par la houle du large qui use sans respect cordages et gréements.

Le ketch bermudien restauré par Panerai, Eilean, toujours fidèle au rendez-vous cannois. © Guido Cantini

Chez les Big Boats, Thendara, le ketch aurique de 39,14m de 1937 a eu raison de la pression des marins professionnels des Moonbeam III et IV. Le sloop norvégien de 1925, Leonore (ex-Cottom Blossom de Denis Conner) s’est imposé, comme en 2011, dans la catégorie « Marconi de + de 15 m », manifestement très à l’aise entre les îles de Lérins, Théoule, Mandelieu, la pointe de l’Esquillon et le vieux port. Chez les « Marconi – de 15m », le plan de l’américain Potter, Cholita (1937) de Marilinda Nettis, a bataillé ferme pour s’imposer devant Dainty, qui avec ses 8,07 m était la plus petite unité au départ des Royales.

L’heure n’était pas à la figuration pour les vingt engagés de la catégorie « Spirit of Tradition ». L’original Catleya, un Dragon repensé en gréement aurique par l’architecte Jacques Fauroux, a fini par s’imposer devant son sistership Highlander. Certains s’étonneront cependant que ces deux Dilongs dotés d’un mât carbone puissent s’aligner aux côtés du 6mJI Nada, plan Fife de 1927. Enfin, chez les « Classique », le plan d’Olin Stephens, Arcadia de 1968, s’impose magistralement sous la férule de la grande régatière Marie-Claude Fauroux, épaulée par le Suisse Didier Chauvet, spécialiste des gréements.

© Robinson Taylor
Du mordant dans les régates

Tous les équipages en lice se félicitaient d’avoir pu enchaîner quatre belles manches. « C’est vraiment un rendez-vous superbe que je ne voudrais pas manquer », commentait Christian Niels l’homme d’affaires suisse qui a si bien restauré Mariska.

De petits airs à vent frais, de soleil estival à vilains grains gris acier, de mer plate à clapot court et de longue houle à mer hachurée, ils ont eu droit à la palette météo complète. Elle exigeait une bonne connaissance du plan d’eau et des tacticiens pointus pour s’imposer. « Cette année, les équipages ont retrouvé tout leur mordant de régatiers et les bateaux tout leur lustre par rapport à l’an dernier où on avait vu des bateaux moins bien entretenus », commentait avec satisfaction, à l’issue de la semaine, Jean-Claude Montesinos, le président du club organisateur. Sur les pontons, l’humeur positive faisait l’unanimité, propriétaires et équipages étant toujours heureux de « se tirer la bourre » au large de la Croisette. « Les régates, c’est ce qui fait vivre ces bateaux. Ils ne sont généralement pas confortables pour la croisière et exigent des équipiers très compétents », commentait un habitué de ces réunions.

« L’arrivée de Panerai sur le circuit a vraiment structuré l’ensemble de ces régates et donné aux clubs les moyens d’offrir aux participants des évènements à la hauteur de leurs attentes », constate de son côté Yann Jovannon, président du Yacht Club d’Antibes, qui ouvre en juin les régates européennes du circuit parrainé par l’horloger italien tandis que Cannes les clôture. Il est rejoint par son homologue du YCC pour reconnaître que le circuit a donné une dimension supplémentaire à ces régates presque centenaires.