Le Lacustre Con Brio de erich Buck devant Revanche de Guy Wuilleret et Cerf Volant de Günter Reisacher © Yves Ryncki

Quelle est la recette du succès et de l’élégance ? – Prenez tout d’abord, par ordre de départ en régates, une escouade de puissants 8mJI classiques, flanquée d’un moderne aux couleurs australiennes ; – ajoutez-y, ensuite, une flotte de fringants 6mJI auxquels viendront bientôt s’ajouter d’espiègles 5,5 m et quelques dignes lacustres ; – laissez naviguer à petit feu, avant de napper le tout de quelques auriques plus que centenaires ; – là-dessus, lâchez une pointe de Dragon classique, un zeste de 6.50 aurique et une touche de 30 m suédois ; – laissez mijoter sous le regard attentif de canots à moteur classiques chargés de spectateurs ; – servez le tout, doré par le soleil et la brise. Le plat est prêt ; depuis deux ans maintenant – huit ans pour les seuls voiliers – il est minutieusement préparé par Yann Petremand du Cercle de la Voile de la Société Nautique de Genève (SNG), associé à la section Hélice de la SNG et à l’Association Patrimoine du Léman (APL). La manifestation bénéficie du soutien sans faille de la Banque Edmond de Rothschild et d’un nouveau venu, la Maison Bucherer.

Près de 40 voiliers sur l’eau

Yann Petremand dresse un bilan « ultra-positif » de l’événement : « 39 voiliers ont participé cette année à la Classique Edmond de Rothschild, soit neuf de plus que l’an dernier, se félicite-t-il. Le nombre de bateaux à moteur est, quant à lui, demeuré stable avec neuf unités, mais je compte bien dynamiser ce secteur l’an prochain avec le concours actif d’un passionné, Marc-Daniel Wachtl. Je tiens également à saluer la présence, lors de la parade, de la barque à rames du sauvetage de La Belotte. Pour les années à venir, mon objectif reste le même : rassembler à Genève des bateaux classiques et de tradition, qu’ils soient à voiles, à moteur ou à rames car ils offrent, année après année, un spectacle à couper le souffle. »

Le 8M Tradition Taifun de Serge Patry dans la rade de Genève. © Yves Ryncki

Durant les quatre jours de la Classique (du 26 au 29 juin), neuf régates ont pu être lancées grâce à un Eole bienveillant. Après un jour et demi de « séchard » évanescent, ce fut au tour du vent d’ouest de se lever. Très variable en force et en direction, il a permis à tous les équipages de tester leurs capacités à lire le plan d’eau dans des bascules de 30°, voire davantage, et aux poseurs de parcours d’attraper des cheveux blancs.

Les bateaux de jauge à la fête

Sur chaque bateau, la même question : comment trouver le bon compromis entre la préservation de son voilier de patrimoine – ces vieilles dames sont fragiles – et la performance car, ne l’oublions pas, tous ces classiques ont été dessinés et construits pour la compétition.

Le 8M JI Catina de fred Meyer © Yves Ryncki

Chez les 8mJI classiques, la victoire est revenue au genevois Catina, propriété de Fred Meyer. A noter, la présence d’un nouveau venu, le magnifique Jacques-Edouard du Nyonnais Laurent Schenk. Seul de son espèce, le 8mJI australien moderne Juanita, à Graeme Wood, a toutefois dominé les débats, démontrant, qu’au sein d’une même jauge, l’évolution des carènes, des gréements et des voiles est synonyme de performance.

Les Bateaux à moteur au repos © Yves Ryncki

Les navigateurs locaux ont également bien tiré leur épingle du jeu avec les victoires en 6mJI de Philippe Durr sur Astrée, et en 5,5m de Bernard Haissly sur Caracole. En revanche, les Alémaniques, nombreux cette année à avoir fait le voyage, l’ont emporté en Lacustre avec le Con Brio d’Erich Buck.

Des auriques plus que centenaires

Dans la catégorie Tradition, neuf bateaux étaient de la partie. A eux tous, ils devaient bien cumuler plus de 700 ans d’existence  ! Et si l’esprit de la régate était bien présent au sein de cette flotte très hétéroclite – des auriques et houaris de tailles diverses, souvent plus que centenaires, côtoyant des marconis d’après-guerre –, il a parfois cédé devant le charme et la grâce des gréements d’autrefois. A ce jeu-là, pas de vainqueur, mais des émotions esthétiques fortes que seuls les auriques, comme le 8mJI Taifun (1911) de Serge Patry, champion olympique 1912, le 7mJI Endrick (1912) de Benoît de Gorski, les 3 tonneaux Calypso (1911) de Frédéric Charbon et Phoebus (1903) de l’APL, skippé par Daniel Leutwyler, ou encore le 6m50 Ondée (1920) d’Eric Mégevand, savent distiller. Le plus agile d’entre eux – le 2 tonneaux Calliope (1909) de Jean-Philippe Mayerat – a, lui aussi, conquis les cœurs et fait coup double en remportant le classement des Traditions.

croisement multiple entre les yachts classiques : de G. à D. : Endrick, le 6M Korrigan, Phoebus II et Caliope © Yves Ryncki

L’an prochain, la fête des voiliers, canots à moteur et à rames classiques et de tradition sera encore plus belle. En effet, le championnat du monde des 8mJI aura lieu à Genève dans la foulée de la Classique Edmond de Rothschild : « en plus de ceux du lac, plus de 30 8mJI seront donc présents au large de la Nautique, s’enthousiasme Yann Petremand. Il y aura du monde sur l’eau et le rendez-vous de la parade s’annonce somptueux. »

De Gauche à droite les 6M JI: Vega, Duclop, Temptation © Yves Ryncki