© Frédéric Augendre

Quarante-deux monotypes de course-croisière de 40 pieds flambant neufs, tous décorés de la même livrée, et alignés au cordeau dans une marina, il faut reconnaître que cela ne manque pas d’allure. Le géant de la location Sunsail inaugurait en grande pompe, ce printemps, la nouvelle flotte de sa base « Sunsail Racing » située à Port Solent, près de Portsmouth, dans le sud de l’Angleterre. Avec ses quarante-deux First 40 de chez Bénéteau, qui remplacent le Sun Fast 37 un peu vieillissant, le loueur monte en gamme.

Si tout plaisancier peut évidemment réserver un de ces voiliers pour la croisière comme pour la régate, les entreprises représentent le cœur de cible. Séances d’incentive au cours de congrès ou de séminaires, opérations de team-building, régates corporate pour une société souhaitant mettre salariés et/ou clients sur l’eau pour un week-end, rendez-vous sportifs confrontant plusieurs entreprises d’un même secteur professionnel… Le loueur a configuré son offre et son catalogue de façon à couvrir tous les besoins.

© Frédéric Augendre

Il propose même d’embarquer, à titre individuel ou en groupe, pour les épreuves phares du Solent : le Tour de l’île de Wight ou la Cowes Week… où les voiliers Sunsail Racing courent dans leur propre classe. Il a organisé son championnat annuel, sur huit week-ends, avec finale en novembre. Dans un registre moins régatier, la base de Port Solent organise aussi un rallye de Pâques, sur quatre jours, jusqu’à Poole ; ou encore des week-ends prolongés, « à travers le Channel », avec une escale sur la côte française.

 

© Frédéric Augendre
Un endroit idéal

Pour cette inauguration, Sunsail et Garmin (qui équipe les 42 bateaux en électronique) avaient invité beaucoup de monde : des journalistes, des loueurs ou des agents commerciaux d’un peu partout en Europe du nord. Les tensions économiques en Angleterre, et le renchérissement des produits proposés au catalogue – inévitable avec des bateaux plus grands et plus prestigieux – conduit Sunsail Racing à vouloir élargir son marché. C’est désormais aux Suisses, aux Belges, aux Français, aux Luxembourgeois, aux Allemands que le loueur propose de venir souder l’esprit d’entreprise autour de trois bouées, mais aussi de quelques tournées de bière.

Car plus que le prestige du Solent, et de Cowes, cette Mecque de la voile située presque en face à une dizaine de milles de la base, ce sont les qualités du plan d’eau, le contexte, l’ambiance locale et la logistique qui sont mis en avant. Emmanuel Allot, dirigeant de Sunsail France, a remarqué dans ses premières discussions avec ses clients que « le Solent ne représente pour eux rien de très particulier ». Mais lorsqu’il leur explique que l’endroit est idéal pour le type d’opérations qu’ils souhaitent monter, avec des eaux abritées, des yacht-clubs et des marinas à l’anglaise, leur attention s’éveille. Et il souligne aussi probablement l’accessibilité de Port Solent, situé au fond d’un bras de mer, près de Portsmouth. Une petite heure de moteur avant de sortir des chenaux pour hisser les voiles en eaux libres, mais un coup de ferry depuis la côte normande, ou de minibus depuis les aéroports londoniens. Et suffisamment d’infrastructures alentour pour tenir des séminaires ou loger les troupes.

© DR

Les bateaux ? Selon Eric Ingouf, de Bénéteau, une telle flotte monotype n’a « pas d’équivalent en France ». A titre de comparaison, il cite deux flotilles en Croatie, « quinze First 45 chez Ultra, et une dizaine de First 35 dans une autre base ». Les First 40 de Sunsail sont des voiliers de course-croisière assagis, avec gréement standard, lest court et génois sur enrouleur. Décevants, peut-être, pour les vrais mangeurs d’écoute, mais probablement plus adaptés au programme que d’authentiques machines de course.

 

© DR
© DR
Pour les néophytes

La question serait plutôt, à l’inverse, de savoir si ces plans Farr de 40 pieds ne sont pas trop exigeants pour des équipages plus ou moins néophytes. Trop grands, trop lourds, trop complexes par certains aspects, notamment ce grand spi symétrique contrôlé par deux bras et deux écoutes. En France, par exemple, les flotilles « corporate » sont plus volontiers composées de Grand Surprise, petits déplacements légers « pardonnant » plus facilement les erreurs de manœuvres.

Mais les Anglais semblent parfaitement rodés à ce type d’exercice. Deux professionnels, un skipper et un équipier, sont fournis avec le bateau (à moins que les locataires ne présentent un CV nautique justifiant d’une réelle expérience). Le plus débrouillé des invités se voit confier la barre, l’équipier pro gère la plage avant, et le skipper dirige la manœuvre au cœur du cockpit. Tout est très centralisé et hiérarchisé, quel que soit le niveau de l’équipage, (« il ne peut y avoir qu’une seule personne à décider à bord »), et l’on arrive comme cela à gérer un empannage avec des gens qui n’avaient jamais manipulé un tangon. Reste à s’assurer qu’il y aura suffisamment de monde, parmi les clients, à baragouiner l’anglais.

Ces diables britanniques ont décidément un vrai sens de l’organisation, et ne laissent pas grand chose au hasard. Sunsail dispose sur place d’un yacht-club, où peuvent se tenir breakfast, dîners, cocktails, réunions de toutes sortes. Au catalogue, sont proposés des forfaits à la journée, au week-end, à la mini-semaine, avec si nécessaire organisation des régates depuis la mise à disposition du comité de course jusqu’à la remise des prix. En options, des flammes ou des cagnards aux couleurs des entreprises, voire des spis personnalisés.

 

Une image plus sportive

Si l’offre est cohérente, le challenge est désormais de faire traverser le Channel aux clients continentaux. Pour le Français Emmanuel Allot, il est important de « montrer que la voile, ce n’est pas que le catamaran au soleil ». « Aller naviguer en Angleterre, dit-il, n’est pas évident ; au premier abord cela apparaît comme quelque chose réservé aux fondus de voile. La demande de notre clientèle s’exprime le plus souvent ainsi : un monocoque ou un multicoque, tant de cabines et tant de cabinets de toilettes. Nous voulons être en mesure de leur proposer autre chose, et à travers notre flotte et notre programme de Port Solent, nous offrons aussi une image plus sportive de Sunsail. » Et comme le loueur ne souhaite pas laisser à quai ceux qui seraient définitivement rebutés par le climat anglais (ou l’image qu’on s’en fait), un accord a été passé avec les responsables du tourisme aux Canaries, au terme duquel la moitié de la flotte sera basée en hiver sur l’île de Lanzarote.