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Les voiles de la victoireThe sails of victory

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Sur une monotypie telle que la flotte des D35, ce sont les équipages qui font la différence car tous les voiliers sont par définition identiques. Maintes fois entendue, cette affirmation mérite une précision d’envergure : la jauge fixe un cadre pour les voiles mais autorise de nombreuses adaptations. C’est même le seul élément de performance qui ne soit pas rigoureusement identique. Le jeu de voiles (grand-voile, solent, drifter, storm jib, gennaker) peut non seulement afficher des finesses, des coupes et des formes différentes, mais les équipages ont également la possibilité d’en changer tous les ans selon un système de boutons certifiés : deux voiles neuves sont autorisées les années paires, trois les années impaires. Un bouton tamponné et cousu dessus est systématiquement vérifié par le jaugeur. Pour Pierre-Yves Jorand, c’est ici que la stratégie commence : « Avec cinq voiles neuves à répartir en deux ans, il faut bien choisir les opportunités et doser la prise de risque. C’est notamment dans le petit temps qu’on peut chercher à gagner un peu de poids dans les voiles. Par exemple, cette année avec le déplacement en Méditerranée, de nombreux équipages ont gardé un ou deux boutons sous la main pour optimiser le dessin des voiles. »

 

Optimisation permanente
© Loris von Siebenthal

Depuis le lancement du circuit en 2004, l’observation suivante est communément acceptée : la technique de navigation et le maniement du bateau sont prépondérants à partir de 15 nœuds de vent, alors qu’en dessous ce sont les voiles qui peuvent faire la différence. « C’est dans le petit temps, en ligne droite, que les qualités intrinsèques des voiles donneront un avantage déterminant, et que dessinateurs et équipiers trouveront le plus grand potentiel à exploiter », ajoute le spécialiste. Ainsi, deux mondes séparent les voiles de l’actuel Vulcain Trophy de celles de la configuration 2004. Pas uniquement parce que les D35 eux-mêmes ont connu des mues successives pour parvenir à un ensemble plus rigide qu’à l’origine : les mâts sont plus raides, on trouve des fibres en PBO dans le gréement, la plateforme compte dorénavant six équipiers et offre plus de couple de redressement. L’adaptation des voiles a logiquement suivi : leur densité a augmenté, le carbone a été introduit, la structure est devenue plus chargée. « Nos designers Patrick Mazuay et Arnaud Psarofaghis ont été amenés à créer des structures spéciales pour les voiles de D35 », précise Pierre-Yves Jorand. Parallèlement, certains principes fondamentaux concernant les formes de voile développés dans l’America’s Cup ont été appliqués, tels que la distribution des pinces et des volumes. « L’idée consiste à proposer à l’ensemble des équipes le meilleur dessin possible, libre à elles ensuite d’adapter en finesse et géométrie en fonction de leurs stratégies, par exemple dans une optique de longévité et de polyvalence avec l’ajout de fibres aramides au lieu de voiles 100% carbone », poursuit-il. « En 2010, North équipait neuf des douze D35, pas seulement pour la performance de nos voiles mais également pour le service, c’est du 24h24 ! Il est arrivé à des équipes de casser une voile lors d’une régate mais de s’aligner au départ dès le lendemain car nous avions travaillé toute la nuit dessus. » Peut-on encore améliorer les voiles ? « Nous commençons à appliquer aux D35 des technologies développées pour d’autres séries de compétitions professionnelles, telles que le 3Di des RC44 ou TP52. Par ailleurs, nous travaillons aussi sur des manières de mouler les voiles en utilisant moins d’adhésif pour gagner du poids, nous nous penchons aussi beaucoup sur les lattes et les connections lattes/voiles par exemple, là je peux m’imaginer de belles marges de progression. »

 

Métamorphose annoncée

Interrogé sur les Extreme 40, l’autre circuit de multicoques sur lequel court Alinghi cette année à travers le monde, Pierre-Yves Jorand explique que le rôle de la voilerie est d’une toute autre nature. « North Sails a été mandaté pour réaliser des voiles strictement identiques pour toute la flotte, le défi a été de les mouler toutes en même temps chez 3DL, de les terminer au même moment et de les livrer à bord en même temps. Leur résistance est primordiale de par la nature du circuit, qui compte neuf événements de 35 régates, soit une saison avec 300 régates, 600 déroulés aux marques au vent et autant sous le vent, 1000 empannages, etc… »

L’avenir des D35 ? « Cela fait sept ans que nous naviguons sur cette magnifique série, qui a attiré les plus grands spécialistes du multicoque du monde et qui s’exporte maintenant en Méditerranée. La qualité de leur construction ne peut cependant pas exclure qu’ils finissent par accuser le coup des années et que d’ici deux ans ils laissent la place à une nouvelle version.» Pierre-Yves Jorand ne peut s’empêcher de tirer un parallèle entre les D35 et les M2, l’autre série de catamarans lacustres d’une taille légèrement inférieure (28 pieds), qui a eu ses heures de gloire et qui connaît les premiers signes d’essoufflement. « Pourquoi ne pas imaginer que les représentants des trois associations de multicoques et les propriétaires s’assoient autour d’une table et parviennent à concevoir une formule qui puisse assouvir les attentes de tous et prendre la suite en 2013 ? Il pourrait s’agir d’une plateforme commune mais avec deux types de gréements par exemple ». Le Vulcain Trophy a encore de beaux jours devant lui.

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On a one-design such as the fleet of D35s, it’s the crews which make the difference because all the sailboats are, by definition, identical. Of course on many an occasion, this assertion requires a far-reaching precision: the class measurement sets a context for the sails but permits numerous adaptations. Indeed it’s the sole performance element which isn’t strictly identical. The set of sails (mainsail, solent, drifter, storm jib) may not just exhibit different refinements, cuts and shapes, but the crews also have the opportunity to change them each year according to a system of official buttons: two brand new sails are permitted on even-numbered years, three on odd-numbered years. A stamped button is sewn onto the sail and systematically checked by the measurer. For Pierre-Yves Jorand, this is where the strategy begins: “With five new sails spread out over two years, you really have to select the opportunities and gauge the right amount of risk-taking to incorporate. It’s in the light airs in particular that you can seek to save a bit of weight in the sails. For example, with this year’s move to the Mediterranean, numerous crews have kept one or two buttons to hand to optimise the design of the sails.”
 

Ongoing optimisation
© Loris von Siebenthal

Since the launch of the circuit in 2004, the following observation is something which is commonly accepted: sailing technique and boat handling are preponderant in conditions upward of 15 knots of wind, whilst below that it’s the sails which can make the difference. “It’s in the light airs, in a straight line, that the intrinsic qualities of the sails will give the racer a decisive edge, and designers and crews will find the greatest potential to be exploited”, adds the specialist. As such the sails for the current Vulcain Trophy and those from the 2004 configuration are worlds apart. This is not only a matter of the D35s themselves having undergone successive evolutions to achieve a more rigid ensemble than the original version: the masts are stiffer, PBO fibres are incorporated in the rig, the platform now includes six crew and provides a greater righting moment. The adaptation of the sails has logically followed suit: their density has increased, carbon has been introduced and the structure has become more intricate. “Our designers Patrick Masuet and Arnaud Psarofaghis have been driven to create special structures for the D35 sails”, explains Pierre-Yves Jorand. At the same time, certain basic principles relating to the sail forms developed in the America’s Cup have been applied, such as the arrangement of the darts and the volume. “The idea behind it is to offer all the teams the best possible design, so then they’re free to adapt the refinement and geometry in accordance with their strategies. These strategies may aim for longevity and versatility through the addition of aramid fibres instead of 100% carbon sails for example. In 2010, North kitted out nine of the twelve D35s and this wasn’t just about the performance of our sails. It was also about the service we provide, which is 24/7! Some of the teams ended up blowing out a sail during a race but managed to take the starting line the following day as we worked on it through the night.”
Can we further improve on the sails? “On the D35s we’re beginning to apply the technologies developed for other professional competition series, such as the 3Di element from the RC44s and TP52s. Indeed we’re also working on ways of moulding the sails which use less adhesive so as to save weight. Similarly we’re looking in depth at the battens and the batten/sail connections for example, where I envisage there will be some sizeable margins for progress.”

 

A forecast metamorphosis

Questioned about the Extreme 40s, another multihull circuit where Alinghi is racing across the world this year, Pierre-Yves Jorand explains that the role of the sail loft is quite different. “North Sails was commissioned to make some strictly identical sails for the whole fleet and the biggest challenge was to mould them all at the same time at 3DL, to finish them off together and to synchronise their delivery aboard the boats. Their ability to last is essential because of the nature of the circuit, which comprises 9 events made up of 35 races, which equates to one season with 300 races, 600 roundings of the windward marks and as many leeward marks, 1,000 gybes etc…”
And what of the future of the D35s? “We’ve been sailing in this fabulous series for seven years and it’s attracted the greatest multihull specialists in the world and is now being exported to the Mediterranean. The quality of their construction however cannot rule out the fact that they’ll end up being worn out and be replaced by a new version in two years’ time.” Pierre-Yves Jorand can’t help but draw a parallel between the D35s and M2s, another series of slightly smaller lake catamarans (27 feet), which has already enjoyed its hour of glory and is now experiencing the first signs of running out of steam. “Isn’t it possible to imagine the representatives from the three multihull associations and the owners sitting together around a table where they manage to come up with a formula which can satisfy everyone’s expectations and take over in 2013? It may be a matter of a common platform but with two types of rigs for example.” Clearly the Vulcain Trophy still has some fine days ahead of it.

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