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« Cette victoire, c’est une belle récompense après tout le travail effectué en si peu de temps depuis le rachat du maxi. C’est aussi une belle réussite que d’avoir su contenir les attaques de Banque Populaire VII. Nous savions qu’il serait un client sérieux, avec ses 6 tonnes de moins et le peu de vent annoncé. » Dona Bertarelli savoure sa victoire. Avec son compagnon et co-skipper Yann Guichard, elle vient de remporter la mythique course du Fastnet. Une course à couteaux tirés au contact du maxi trimaran Banque Populaire VII s’est déroulée sur tout le parcours, et ce, jusqu’à l’arrivée, après 608 milles nautiques (1126 km), le phare du Fastnet au sud-ouest de l’Irlande à virer et retour à Plymouth.

Dimanche 11 août dans un vent d’une dizaine de nœuds de sud-ouest, les maxi multicoques ont franchi les premiers la ligne de départ sur le coup de midi en face de l’esplanade du Royal Yacht Squadron de Cowes, au milieu de 350 concurrents. Spindrift 2, le géant de Dona Bertarelli, a d’emblée pris les commandes, suivi de près par le MOD 70 Oman Air de Sidney Gavignet. Dix minutes plus tard, les monocoques de 60 pieds passaient à leur tour la ligne, emmenés par François Gabart sur Macif et le Vaudois Bernard Stamm sur Cheminées Poujoulat, direction les rochers des Needles et la porte de sortie d’un Solent rendu piégeux par un fort courant contraire et un vent virant progressivement au nord-ouest.

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Après un véritable marquage « à la culotte » du côté des grands multicoques, c’est le lundi en début d’après-midi que Spindrift 2 a viré le phare du Fastnet, en tête et dans des petits airs. Le trimaran géant a dû batailler ferme avec Banque Populaire VII. On a même pu assister à de véritables scènes de match-races endiablées autour du fameux rock. Dona Bertarelli revient sur quelques frayeurs tactiques : « A Land’s End à la tombée de la nuit, nous avions 10 milles d’avance, nos concurrents ont viré à terre et nous sommes restés au large. Nous avons certainement viré 10 minutes trop tard, car ensuite nous avions un DST à respecter et nous sommes donc passés sous le vent des Scilly, avec moins de vent. Nous avons également fait le choix de naviguer sous-toilés pendant la nuit, parce que ça tapait fort dans chaque vague et le bateau souffrait. Au petit matin, nous étions 10 milles derrière Oman Air et Banque Pop’. Là, nous avons remis de la toile et sommes revenus sur nos concurrents, passant le Fastnet en tête trois minutes avant Banque Pop’. Jamais auparavant, ces deux bateaux ne s’étaient affrontés sur une course. Le vrai danger a ensuite été à trois milles de l’arrivée. Plus un souffle de vent, une mer d’huile dans une nuit noire sans lune. On reculait dans le courant et on voyait nos neuf milles d’avance fondre. On a mis plus d’une heure pour couper la ligne d’arrivée ».

Bernard Stamm a attaqué jusqu’au bout

Quatrième des 60 pieds IMOCA, le Vaudois Bernard Stamm en compagnie de Philippe Legros a attaqué jusqu’au bout. Le grand monocoque jaune et noir a franchi la ligne d’arrivée à Plymouth à seulement 11 minutes des vainqueurs, François Gabart et Michel Desjoyeaux sur Macif, et à moins de 4 minutes d’Alex Thomson sur Hugo Boss (3ème), leur compagnon de route durant ces 2 jours. L’équipage de Cheminées Poujoulat a coupé la ligne à Plymouth après 2 jours 19 heures et 33 minutes d’une véritable bataille navale.

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Pour les monocoques, tout s’est joué dans la montée vers les îles Scilly. Macif a choisi de contourner l’archipel par le nord, une option radicalement payante. Et comme l’explique Philippe Legros, coskipper des Cheminées Poujoulat sur ce passage clé de la course : « La route prise par Beyou sur Maître Coq aux îles Scilly lui a permis de nous devancer. Pour contourner ces îles, on doit respecter trois DST (dispositif de séparation du trafic) qui réduisent le nombre d’options tactiques. Au final, il y avait une petite possibilité par le sud et une par le nord. Maître Coq a prolongé vers l’ouest avant de recroiser devant nous et de contrôler par le nord. Ça a été notre mauvais choix de la course ». Une option déterminante que confirme Bernard Stamm dans son analyse: « Avant les Scilly, on aurait dû garder la direction ouest, comme Jérémy Beyou ».

Une course physiquement éprouvante

« Physiquement, ça a été très dur, car on avait beaucoup de toile dehors. La gestion de la nutrition et du sommeil a été difficile, mais nous avons réussi à dormir un peu avant le phare du Fastnet, puis davantage après, au reaching. Nous étions bien lucides pour l’arrivée », a expliqué Bernard Stamm sitôt arrivé à Plymouth. « On a attaqué jusqu’au bout pour doubler Hugo Boss mais tous les bateaux campaient sur leurs positions pour garder leurs places. »

Dona Bertarelli (ici en photo avec Eddie Warden Owen, le CEO du RORC, et Yann Guichard en arrière-plan) commente son baptême de la course en mer : « Au départ et à l’arrivée, Yann et moi, nous nous sommes relayés à la barre, ensuite je n’ai pas barré plus de 45mn par 6 heures, comme tous les barreurs à bord. Avec la montée au près vers le Fastnet, la mer était hachée et courte. ça tapait beaucoup. Le bateau est très agréable à barrer, on peut vite se sentir en confiance, car on ne sent pas la vitesse. Cependant, il faut garder toute sa vigilance : ça reste du multicoque. Au-dessus de 38 nœuds, on oublie son poids et cela devient un catamaran de sport ». © DR

Malgré cela, le skipper vaudois a aussi relevé les bons points de cette régate. « C’était une course très positive, mais compliquée en météo. On se sort de mauvaises situations à plusieurs reprises, donc c’est très bien pour la suite de notre collaboration et la prochaine Transat Jacques Vabre. Notre monocoque a une très bonne vitesse par rapport aux autres, on a fait de belles manœuvres, et en fait, ce fut un excellent entraînement ».

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Quelques autres bateaux suisses ont participé à la 45e édition de cette course en mer celtique ; parmi eux notamment Outrageous, le Swan 47 de Mark Stevenson de Menzingen qui a fini à la 218e place et Nuva, un Boreal 47 de Paolo Wullschleger de Lugano ainsi que Caro du Lucernois Maximilian Klink.