Peter Evans

Il faut du répondant pour donner la réplique, en entraînement, à Brad Butterworth, le tacticien et skipper attitré d’Alinghi. Afin de maintenir la compétitivité et la vigilance au plus haut niveau, il était devenu nécessaire à Alinghi d’engager un tacticien d’élite pour naviguer face à Brad Butterworth sur le deuxième bateau et donner les moyens à chaque équipage de se battre à armes égales.

Peter Evans n’est pas tombé de la dernière pluie néo-zélandaise. Il connaît l’America’s Cup comme sa poche puisqu’il l’a remportée deux fois avec Team New Zealand avant de la laisser filer chez Alinghi en 2003, après avoir également navigué avec Nippon Challenge. Chez Alinghi depuis le printemps, c’est donc sa cinquième expérience de la Coupe. Il en a accumulé bien d’autres, notamment aux Jeux Olympiques de 1984 et 1988 en 470, et surtout en devenant champion du monde de match racing en 1992 et en ILC40 en 1997. Peter et Brad se côtoient depuis qu’ils se sont rencontrés «aux Europe Dinghy Worlds de Copenhague» alors qu’ils étaient adolescents, et les choses sérieuses ont vraiment commencé pour eux il y a 25 ans à San Diego à bord de Team New Zealand. Aucun souci d’intégration à l’horizon donc, les deux hommes s’estiment et apprécient de travailler ensemble, l’esprit d’équipe, ça se cultive !

Non content de naviguer au large de Valence, Peter Evans se plonge complètement dans les régates européennes puisqu’il participe également à l’UBS Alinghi Swiss Tour. Il a ainsi été «émerveillé par le paysage à Lugano», ce qui ne l’a pas empêché de s’imposer avec son équipage face aux Tessinois de l’étape. Sur le lac de Zurich la semaine d’après, ils ont du se contenter de la 2e place face au Team Walser, qui a su mieux appréhender les conditions météo très difficiles et instables au large du Zürcher Yacht Club. Peter trouve le concept «excellent et les bateaux amusants», il estime «positif de pouvoir naviguer si près des quais et assurer un spectacle de qualité» pour le public venu en masse. Même si les régates lacustres existent aussi en Nouvelle-Zélande il n’y a pas de circuit similaire à l’UBS Alinghi Swiss Tour qui permette de former au match racing de bons navigateurs. Les vents en Europe connaissent moins de conditions extrêmes qu’en Nouvelle-Zélande mais les nombreuses bascules rendent la navigation intéressante. «Le climat chaud et sec du sud de l’Europe» réjouit tout particulièrement l’épouse de Peter, qu’il a rencontrée à San Diego et qui parle en outre parfaitement espagnol.

De retour sur la 32e America’s Cup, ses premières impressions sur les nouveaux bateaux des trois grosses écuries sont mitigées. «Les nouveaux Class America américains, italiens et néo-zélandais ne semblent pas beaucoup plus rapides que les anciens, mais il est difficile de bien juger» dans les petits airs sévissant en début de saison. Le rôle d’Evans consiste non seulement à observer l’adversaire, mais aussi à analyser tout ce qui peut améliorer les performances de SUI91. Il prend des notes sur l’eau, lors des tests et en entraînement, pour informer les designers et influencer l’évolution du bateau suivant (construit l’hiver prochain au chantier suisse Décision), afin de le rendre encore plus performant. En phase de test comme en compétition, ce sont les capacités d’analyse et de synthèse qui sont exacerbées et font la différence pour prendre les bonnes décisions. Peter doit emmagasiner une foule de paramètres visuels et auditifs et les canaliser «afin que le barreur aille au bon endroit au bon moment».

L’osmose entre le barreur et le tacticien doit se travailler, la confiance doit régner entre eux. Peter ne connaît encore bien aucun des trois barreurs, Ed Baird, Peter Holmberg et Jochen Schuemann; l’une de ses premières préoccupation est donc de passer du temps avec eux pour combler cette lacune. En revanche, les autres Néo-Zélandais sont bien sûr des amis de longue date. De toute façon tous tirent à la même corde, c’est ce qui fait la force d’Alinghi. Un long sillage reste à tracer d’ici les matches de l’America’s Cup l’été prochain, et les mois d’hiver ne seront pas de trop pour peaufiner la tactique. Au programme s’affichent successivement des régates sur d’autres circuits afin d’aguerrir ses sens, des entraînements sur les deux bateaux d’Alinghi, beaucoup de tests sur les Class America, puis bon nombre d’entraînements purement sportifs entre les deux, sans oublier l’analyse sur écran des régates passées afin de perfectionner les petits détails qui permettront de faire la différence le jour J. A suivre dans le prochain Skippers…

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