S’il a fallu, en 2013, 12h30 au vainqueur pour venir à bout de l’aller-retour vers le Bouveret, l’édition 2014 a été, en comparaison, un véritable sprint. La régate a en effet été avalée en seulement 5h38’ par le Ladycat, qui gagne au scratch. La bise annoncée la veille par Pierre Eckert a été à la hauteur des attentes des coureurs, qui ont tous vécu une journée exceptionnelle. Bien que largement ventée, l’épreuve a quand même sollicité le sens tactique des équipages, puisque les premières places se sont jouées sur la capacité à appréhender la transition de la bise dans le grand lac.
La revanche de Dona
Dona Bertarelli, qui s’impose pour la deuxième fois de sa carrière sur cette course, a savouré sa victoire, qu’elle voit comme une petite revanche sur son succès de 2010. « Les médias ont dit à l’époque que nous avions gagnés dans des airs de demoiselle. Cette fois-ci, je suis assez fière de prouver que nous sommes aussi là quand ça souffle. » La configuration de l’équipage n’était certes pas la même que quatre ans plus tôt, mais l’exploit reste de taille, d’autant plus que la première place s’est jouée jusqu’aux derniers mètres. Veltigroup, qui a mené une bonne partie du retour vers Genève a au final cédé aux assauts du catamaran noir et or peu avant Genève. Ce dénouement était probablement plus souhaitable pour l’équipage de Loïc Forestier, puisque ce dernier a appris après le passage de la ligne qu’il était frappé d’une pénalité de 60 minutes pour départ prématuré. Du coup, c’est Realteam et Alinghi qui montent sur le podium au côté de Ladycat.
TeamWork, le M2 qui est arrivé premier à la SNG a également fait les frais d’une pénalité. Mais elle ne lui a été signalée que le lendemain de la course. Accueilli en vainqueur à la Nautique, Nicolas Denervaud et ses hommes ont appris dimanche qu’ils se retrouvaient sixième, au profit de Genolier qui réalise un Bol exemplaire. Le bateau de Michel Vaucher a en effet disputé la régate dans des conditions particulièrement difficiles. Le barreur et un équipier se sont blessés assez significativement à la hauteur de Nyon, quand une échelle s’est brisée. Malgré une côte cassée pour le barreur, et une arcade sourcilière bien abîmée pour Thierry Froidevaux, l’équipage trempé n’a pas hésité à poursuivre vers le Bouveret en serrant les dents. Sa ténacité a été plus que payante et Genolier enregistre même le record de l’épreuve en M2, en gagnant 3’29’’ sur le précédent temps de référence établi en 1994.
Avaries en nombres
Zenith Fresh…!, le vainqueur 2013 était bien sûr dans la ligne de mire. Après avoir réussi l’an passé l’exercice dans le petit temps. Nombreux étaient ceux qui voulaient en savoir plus sur les possibilités de ce Ventilo dans la brise. Une avarie de grand-voile à la hauteur de Versoix a très vite mis fin aux espoirs de l’équipe menée par Christophe Péclard. Le barreur a néanmoins relevé l’excellent potentiel du bateau dans les airs soutenus : « Nous allions vraiment vite et avions même un petit plus sur les D35 au moment où nous avons déchiré la têtière de GV. »
La bise a laissé présager que les bateaux volants pouvaient encore s’imposer au retour, mais ceux-ci n’ont pas pu tirer leur épingle du jeu. Hydros.ch, le foiler de Jeremie Lagarigue, détenteur du record du parcours hors course, faisait pourtant partie des favoris. Le bateau qui termine 9e n’a pas réussi à gérer la transition de la Bise, et pris trop de retard à l’aller pour espérer le compenser au retour. Les deux GC 32 engagés pouvaient également prétendre faire mieux que les D35 dans ces airs soutenus. Mais un démâtage et un foils explosés ont eu raison de leur potentiel, et les deux catamarans n’ont pas terminé la course.
Quatre-vingts pour cent de monocoques
Raffica, le Libera hongrois qui a remporté les deux précédentes éditions comptaient pour sa part réaliser un triplé, et s’approprier définitivement le Bol de Vermeil. La rupture d’un panneau de pont, et un chavirage suivi d’un démâtage sur le retour, a mis fin à tous ces espoirs. Il reste deux éditions à Raffica pour transformer le challenge en victoire, et les Hongrois ont déjà dit qu’ils seraient là l’an prochain. Quoi qu’il en soit, le Syz & Co n’aurait laissé aucune chance à ce concurrent, et Jean Psarofaghis gagne son troisième Bol d’Or sur son indémodable Psaros 40. « On n’avait pas beaucoup de chance de l’emporter sur le papier », a confié le vieux briscard du lac. « C’est notamment grâce à notre bateau, qui est solide et éprouvé, que nous avons pu faire la différence. » Le Syz & Co réalise encore l’exploit de faire tomber de 36 minutes le record du Bol d’Or en monocoque établi en 1994. Stravaganza, également réputé pour aller très vite dans le vent frais n’a pas terminé la régate pour des raisons techniques. Du coup, Taillevent, qui est fiabilisé et dont l’équipage maîtrise le lac depuis longtemps finit deuxième, avec une dizaine de minutes d’écart sur le gagnant.
Rentré pour minuit
Ce que les petits bateaux ont peut-être le plus aimés lors de ce Bol d’Or, c’est d’être de retour à la SNG avant minuit. Car si personne ne risquait de voir sa monture se transformer en citrouille, le fait de pouvoir encore profiter de la soirée après la régate a été très apprécié. Nonante pour cent de la flotte des Surprise a en effet regagné la SNG avant les douze coups symboliques. La moitié des TCF 4 a fait de même.
On notera d’ailleurs la très belle victoire de Cyrus Golchan sur Mirabaud 1 en Surprise, même s’il passe à côté du record de la classe de quelques minutes. L’équipage, composé notamment de Patrick Girod, réalise quand même un doublé, puisqu’il remporte le Bol d’Or Mirabaud 2014 en temps compensé, le troisième classement le plus convoité après celui des multicoques et monocoques. Abonné aux podiums du Bol depuis plusieurs années, Cyrus Golchan relève que cette victoire est notamment due à un excellent départ : « Une fois qu’on a pris la tête, on est difficilement rattrapable. »
Quatre cent dix bateaux ont franchi la ligne d’arrivée de cette course mémorable, ce qui représente un excellent taux de voiliers classés. La surveillance mise en place pour l’occasion a été largement sollicitée. Frédéric Porchet, responsable de la sécurité a relevé pas moins de cinquante interventions dans le petit lac, quatre évacuations sanitaires, ainsi que plusieurs démâtages et chavirages. Le prix à payer pour une édition aussi remarquable reste toutefois raisonnable, et aucun blessé grave n’a été à déplorer.
Le Bol d’Or n’avait pas vu le vainqueur revenir à la SNG en moins de six heures depuis 1994. Espérons qu’il ne faudra pas attendre à nouveau vingt ans pour retrouver d’aussi belles conditions. Quoi de mieux qu’un bon Bol de bise !