Le nouveau plan Inouï de Philippe Briand et sa coque vert fluo a fait forte impression chez les modernes. © Guilain Grenier

Soleil, vent, houle, petits airs et pluies diluviennes, la semaine des Voiles de Saint-Tropez qui clôture la saison du yachting classique en Méditerranée a offert des conditions météo très variées aux 330 voiliers inscrits. Les 20 classes réparties entre Modernes, Epoques dont une trentaine de centenaires et Classiques (ceux des années 60) ont joué un spectacle digne des grandes heures du yachting. Dès le lundi, des conditions musclées ont mis les 4 000 équipiers dans le bain, à commencer par les équipages des 15mJI. Ces 4 plans Fife qui disputaient la 3e manche de leur Annual Trophy sont des coursiers difficiles à contrôler dans la brise. Tuiga en a fait les frais : sa vergue de grand-voile a éperonné la tête de mât sur 20 cm, mettant hors course l’équipage monégasque. Bien que The Lady Ann se soit montré le plus performant dans le golfe avec 3 victoires contre 2 à Mariska, ce dernier, barré par Pierre Antoine Morvan, l’emporte.

La classe des 12mJI – celle de l’America’s cup de 1958 à 1987- a trouvé son nouveau maître avec Wings. Barré par l’architecte Guy Ribadeau-Dumas, auteur de sa rénovation, ce plan de 1937 a gagné 2 des 3 manches courues par ces 8 géants.

Des Suisses en moderne et en classique

Chez les 13 Epoque Aurique A, le nouveau venu et bien élégant P Class Olympian a fait forte impression toute la semaine en s’adjugeant facilement la victoire devant Chinook, un plan Herreshoff de 1916. Fidèle à ce rendez-vous depuis sept ans, le Suisse Phoebus de 1903, toujours aux avant-postes à l’arrivée grâce à d’excellents départs, s’adjuge la 7e place. « La jauge SIM nous pénalise et le bateau est très sensible au clapot généré par la multitude de canots à moteur », commente Daniel Leutwyler, patron de cette belle équipe de l’Association Patrimoine du Léman. « Mais ici comme aux Régates Royales de Cannes, la qualité, l’animation et l’ambiance sont remarquables. Nous reviendrons. »

Jeu de voiles croisées entre Chinook, plan Herreshoff et le plan Fife Moonbeam IV qui fête ses cent ans cette année. © Gilles Martin-Raget

Les 10 Epoque Aurique B sélectionnés cette année pour le Trophée Rolex comptent les 3 plus vieux bateaux. Et c’est l’aîné d’entre eux, Partridge, un cotre de 1885 de John Beavor Webb qui l’emporte devant le plan Fife de 1897 Jap et Lulu signé la même année par Rabot-Caillebotte. Chez les Epoques Marconi Oiseau de Feu repris par Cyril Peryat depuis cet été termine 9e dans la bonne humeur.

Bénéficiant de leur propre plan d’eau, les équipages pro des 12 Wally et des majestueux J Class de 40 m surtoilés sont allés rivaliser au large de Pampelonne où Ranger a claqué toutes les manches tandis que le vainqueur Magic Carpet 3 laissait échapper le grand chelem au sein de la classe née du talent de l’Italien Lucas Bassani.

Hispania à la poursuite de The Lady Ann, les 15 m JI disputaient la 3e manche de leur Annual Trophy, remporté par Mariska. © Gilles Martin-Raget

Chez les Modernes, en IRC A, Inoui, un nouveau one-off de 33,44 m dû à Philippe Briand pour le Suisse Marco Vögele se hisse à la 7e place au sein de cette classe de 27 bateaux gagnée par Robertissima tandis que le CNB 82 Simeron de son compatriote Antoine Bourgeois termine 20e. En IRC B sur les 30 inscrits, Music d’Alba Batzill monte sur la 3e marche du podium tandis que le Bordeaux 60 Kismet se classe 20e.

Jour des défis, le jeudi des Voiles renoue avec l’origine de ce rendez-vous de fin d’été en invitant propriétaires et skippeurs à se lancer un défi entre trois bouées pour le simple plaisir de la gagne ou d’un bon repas. Pas moins de 20 défis ont été lancés cette année dont celui, très symbolique entre les 12 mJI Ikra et Sovereign. Ce dernier avait en effet été sélectionné 50 ans plus tôt au détriment d’Ikra, alors baptisé Kurrewa V pour tenter de ravir, au nom de sa majesté Elisabeth II, la Coupe de l’America à l’Américain Constellation. A Saint-Tropez, le 2 octobre, Ikra, barré par Sébastien Destremau, a battu sur le fil son rival après une série de virements de bord d’anthologie. De plus, ce 12 mJI devenu français en 1967, était l’un des deux bateaux (l’autre étant le Swan 44 Pride), du défi fondateur de la Nioulargue. Cette régate, mise en sommeil en 1995 à la suite d’un accident s’est métamorphosée, il y a 15 ans, en Voiles de Saint-Tropez.

4e Trophée des Centenaires

Cette journée atypique a été choisie par le Yacht Club de Gstaad pour organiser la 4e édition de sa course poursuite du Trophée des Centenaires. Chaque participant prend tour à tour le départ selon son rating. Et là encore, le bizut Olympian décroche la coupe réalisée en 1911 par l’argentier britannique Wakely & Wheeler. Ce plan de l’Américain William Gardner et barré par Bruno Troublé, devance le 8 mJI Silhouette, un plan Fife à Daniel Heine, membre du GYC. A signaler la très belle 4e place du 3 tons Phoebus. Ce petit centenaire lacustre a su tirer parti de la légère brise de 8 à 10 nœuds qui porta les 13 inscrits au départ du parcours côtier de 7 milles entre le Portalet, la Rabiou et la Sèche à l’Huile.

Les 12 Wally ont montré toutes les facettes de leur puissance et de leur élégance au large de Pampelonne, et la victoire est revenue à Magic Carpet 3 au terme des 9 manches parcourues. © Gilles Martin-Raget

Quant au mardi très venté, il a certes mouillé copieusement équipages et spectateurs à terre, mais comme seuls les modernes concourraient et tous étaient regroupés au pied du Portalet, le ballet des 200 bateaux au ras de la jetée a offert une séquence voile inoubliable.

Quand la flotte d’une centaine de voiles auriques prend possession du golfe, le charme de la magie tropézienne est irrésistible. © Gilles Martin-Raget