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There was one second !

«Votre majesté. Il y a eu une seconde… d’écart». Voilà comment l’enseigne de la reine Victoria aurait pu modifier sa célèbre réplique «There is no second» au terme du duel ahurissant qui opposa Alinghi à Emirates Team New Zealand. Pour cela, il aurait fallu que le yacht royal et ses illustres occupants du 22 août 1851 soient au large de Valencia, le 3 juillet dernier à 16h24. La reine, comme tous ceux qui ont suivi les régates, aurait certainement vibré d’une véritable émotion sportive. Pour qualifier ce 5 à 2, l’adjectif «historique» n’est pas galvaudé.

Servis sur un plateau, après une finale Louis Vuitton de la plus haute platitude, les rebondissements de l’America’s Cup ont touché le public en plein coeur. La faute à la vitesse d’Alinghi, largement survendue par les sourires énigmatiques et satisfaits du meilleur design team du monde. Alinghi était plus rapide, certes, mais pas autant qu’attendu. «D’une certaine manière, notre supériorité lors de l’Act 13 nous a un peu trompés», reconnaîtra plus tard Ernesto Bertarelli. La proximité en vitesse des Class America a probablement été le principal facteur de l’intérêt sportif de cette 32e rencontre.

Un autre élément de suspense revient à la qualité de l’équipe néo-zélandaise. L’excellence tactique et stratégique du duo Barker- Hutchinson n’aura subi que quelques revers. Malheureusement pour eux, ils furent souvent décisifs dans les victoires de manches.

Quant à la qualité des équipages, Alinghi a fait la démonstration de sa puissance et de sa cohésion. On s’attendait, après six semaines de Louis Vuitton Cup, à une supériorité néozélandaise. Il n’en fut rien. Royal dans les duels de virement, Alinghi a maîtrisé toutes ses manoeuvres pendant que le numéro un kiwi frôlait le bain forcé dans la troisième manche et que le spi se déchirait dans la cinquième.

A la barre, le très régulier Ed Baird a fait son job très correctement. Source d’inquiétude avant l’heure, le choix du barreur américain fut le bon. Des phases de départ à la hauteur de l’adversaire, une bonne vitesse et sa régularité lors des virements ont fait d’Ed Baird un vainqueur méritant.

Etonnamment, c’est dans son pire revers, qu’Alinghi a fait la preuve de son esprit d’équipe après la défaite de la troisième manche (2 à 1 pour ETNZ). Pour le piano vaudois Yves Detrey, la deuxième victoire d’ETNZ a été déterminante dans la motivation du team. Malmenée par des conditions de vent hasardeuses, l’équipe n’a même pas «débriefé» la régate une fois de retour à la base. «A quoi bon! Cette défaite n’était qu’une question de hasard». Le lendemain, en revanche, elle a repris la mer gonflée à bloc par cette injustice. Un bon départ, doublé d’un contrôle parfait ont remis les pendules à l’heure. Le soir, la réclamation des Néo-Zélandais n’aura pas non plus raison de ce moral d’acier. «Nous n’étions pas inquiets. Nous savions que ça ne tenait pas debout», se souvient Yves Detrey.

2 à 2, la Winning Team reprend du service. Elle ne quitte plus cette dynamique jusqu’à l’apogée de la septième manche. Il y a des moments où l’émotion sportive dépasse la raison. Le tangon casse et le vent cale alors que l’arrivée est en vue. Les Kiwis reviennent. Au centre de presse, 200 journalistes hurlent, debout sur les tables. Sublime, haletante, la dernière course est à l’image de la compétition. Dans tout le Port America’s Cup, les supporters suisses et leurs «cousins» espagnols exultent. Chez les 3000 supporters kiwis et les Anglosaxons venus défendre «leur» Cup, c’est la consternation.

«La victoire en 2003 était un conte de fées: tout s’était bien passé pour nous. C’était presque un rêve qui devenait réalité. En 2007, nous avons dû nous battre pour décrocher la victoire», analyse Ernesto Bertarelli. Effecti?vement, en plus de la seconde d’écart, la rencontre a profité de la présence d’un vrai second. Transformée en plage hawaïenne, la base Alinghi a dansé toute la nuit.

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