Malgré le mauvais temps et des conditions de vent difficiles, Flavio et Anouk Marazzi sont restés maîtres de leurs nerfs. Ils ont remporté le championnat suisse grâce à une victoire dans la dernière manche. © Juerg Kaufmann
© Juerg Kaufmann

Pour le premier Championnat suisse des Star en 1947, 22 bateaux s’étaient alignés sur le lac de Zurich. Cette année sur le lac de Thoune, ils étaient 82. Un chiffre incroyable si l’on considère que le premier Star a été présenté aux Etats-Unis il y a 100 ans ! Au niveau international, ce quillard qui a permis le développement des petites monotypies dans son sillage, réussit toujours à rassembler les plus grandes flottes de régate. Un succès exceptionnel qui souligne le caractère particulier du bateau et de ses pratiquants.

Les navigateurs sur Star insistent volontiers sur l’esprit de la série, la bonne ambiance, l’atmosphère agréable et son internationalité. En organisant le championnat suisse 2011, le Thunersee Yachtclub a prouvé de manière impressionnante que ces qualificatifs ne sont pas seulement de belles paroles. Il a en effet mis les petits plats dans les grands pour garantir cette ambiance unique. La promotion de cet événement regroupant le championnat suisse et la fête d’anniversaire a ainsi débuté très tôt. L’objectif était de rassembler une flotte record et de créer par la même occasion un événement dont tout le monde pourrait profiter. Objectif atteint ! 164 navigateurs de sept nations ont répondu présent fin juillet à Thoune, dont l’espoir olympique bernois Flavio Marazzi, avec sa femme Anouk, deux champions du monde, plusieurs champions d’Europe et quelques représentants ambitieux de l’élite vélique des pays voisins. Tous ont profité d’une manifestation rondement menée, de la cérémonie d’ouverture au château de Thoune jusqu’à la remise des prix qui a clôturé l’événement. Au niveau sportif, les organisateurs ont mis un point d’honneur à ne pas se focaliser uniquement sur les prétendants au titre, mais à valoriser également le reste des participants. C’est dans cet état d’esprit qu’un prix spécial a été décerné chaque jour, notamment au plus vieux participant qui, malgré l’interdiction de son médecin, a décidé de participer à ce championnat suisse très spécial.

 

Les Marazzi aux nerfs d’acier

Enchanté par l’écho positif que la manifestation a suscité, Daniel Christen du comité d’organisation ne cache pas sa satisfaction. « Notre but était de mettre en place un événement sportif avec une participation maximale pour permettre de fêter le centenaire du Star dans un cadre digne de ce nom. C’est réussi ! Chose particulièrement réjouissante, bon nombre d’anciens navigateurs de Star ont fait le déplacement, certains sont même venus de l’étranger. Le vent et la météo auraient toutefois pu se montrer un peu plus cléments. »

Naviguer sur Star au plus haut niveau demande beaucoup de force, de condition physique et un poids non négligeable. © Juerg Kaufmann

En effet, dans un vent le plus souvent léger, irrégulier et tournant, les navigateurs ont été mis à rude épreuve. Pour ne rien arranger, de fréquentes averses se sont abattues sur les équipages pendant les longues attentes sur l’eau. Malgré les aléas de la météo, deux manches ont été validées jeudi, une par vent fort le vendredi et une autre in extremis le samedi en fin de journée.

Il en aurait fallu plus pour impressionner les favoris. Comme on pouvait s’y attendre, ils ont trusté les premières places du classement. En tête, les Romands Jean-Pascal Chatagny et Patrick Ducommun du lac de Neuchâtel affichaient une avance confortable, alors que le couple Marazzi, sous les couleurs du club organisateur, pointait au quatrième rang intermédiaire, à un cheveu du podium. Peu avant le dernier départ possible à 16 heures, alors que le coup de canon venait de retentir, une puissante bascule de vent a sonné le glas des rêves de victoire de Chatagny/Ducommun. Le duo a enregistré son résultat à biffer alors que les Marazzi ont sorti les griffes pour réaliser une remontée spectaculaire et remporter la manche. Avec cette victoire, ils se sont assuré le titre de justesse. Les Romands ont réalisé une belle 2e place, à égalité de points avec les Berlinois Winkler/Thielmann à la 3e place.

Une image inhabituelle : des Star au portant, sans spi, mais avec des mâts penchés en avant. © Juerg Kaufmann
Une fête d’anniversaire réussie

Organisée dans le cadre du championnat suisse, la fête d’anniversaire s’est déroulée vendredi soir avec un dîner festif. Roger Staub, président de Swiss Sailing, a rendu un vibrant hommage à l’événement en le désignant de « jubilée de l’année », tout en relevant l’incroyable vivacité de la série, un engagement sans limite et la capacité à émettre des critiques constructives. Il a également abordé la future perte du statut olympique en rappelant que la série va au devant de temps difficiles : « Il dépendra de vous de permettre au Star de survivre les dix prochaines années et de faire en sorte que dans dix fois dix ans, il y ait une autre fête de ce genre », a-t-il conclu.

Dans son discours, Dr Peter U. Wyss, champion d’Europe sur Star en 1975 et membre du Zürcher YC, a justement fait preuve de cet esprit critique relevé par Roger Staub quelques instants auparavant. Evoquant les raisons du succès du Star pendant les 100 dernières années, il a constaté : « Le Star a été conçu pour contrer la diversité confuse de bateaux. Mais il n’est fait ni pour les débutants, ni pour les frimeurs. Il a du caractère, il est carré et unique. Aujourd’hui, on lance un nouveau type de bateau tous les quelques mois. Sur ces embarcations, la navigation est simple, mais seuls les connaisseurs arrivent à les distinguer les uns des autres. On est revenu à la situation d’il y a 100 ans. Chaque club ou chaque lac a sa propre série. Mon club, le ZYC, a même trois séries de régates, c’est totalement absurde ! Je ne comprends pas pourquoi Swiss Sailing s’évertue encore à soutenir financièrement une de ces séries, et en plus massivement ! », s’est-il insurgé. Après avoir lancé ce pic en direction de l’association et de son club, Peter. U. Wyss a conclu son discours en évoquant l’éviction du Star du programme olympique avec une certaine combativité teinté d’optimisme : « De toute évidence, la télé veut montrer uniquement des jeunes athlètes télégéniques. Dans ce contexte, il n’y a plus de place pour les navigateurs sur Laser ou Finn un peu plus âgés qui optent pour le Star pour pouvoir naviguer au plus haut niveau olympique. Mais le Star va survivre puisqu’il existera toujours des gens carrés pour lesquels il n’y a qu’un bateau possible, à savoir celui-ci, et qui ne cadrent pas forcément avec les Jeux olympiques modernes ! »

Reste à espérer que Wyss voit juste. Ce qui est sûr, c’est que des manifestations comme le Championnat suisse organisé à l’occasion du centenaire du Star ne peuvent faire que du bien à la voile suisse.

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