© Brice Lechevalier
Il semble que la Suisse soit finalement présente dans la 34e America’s Cup ?

En effet, mais à travers la Youth America’s Cup ! Des jeunes de 19 à 23 ans vont tenter de se qualifier en AC45 pour représenter la Suisse et la Société Nautique de Genève.

Comment en êtes-vous arrivé à concevoir ce projet, puis à le lancer ?

Lorsque James Spithill a annoncé la création de la « Youth America’s Cup » au printemps dernier, Lucien Cujean et Arnaud Psarofaghis sont venus m’en parler. Ensemble, nous avons évoqué la culture du multicoque dans laquelle nous baignons en Suisse romande, et nous nous sommes dits que cela serait dommage de ne pas essayer de constituer un équipage suisse. Nous avons vérifié que nous disposions d’un réservoir de jeunes talents correspondant aux critères de sélection, et je lui ai donné mon accord pour m’occuper du projet, notamment de tous les aspects liés au marketing et au financement. Les premiers rendez-vous avec les partenaires potentiels n’ont pas été faciles et nous avons perdu des mois précieux. Tout s’est précipité en octobre lorsque le cinq étoiles « Jiva Hill Park Hotel » est devenu notre sponsor principal, entraînant dans son sillage TAG Heuer et Team Tilt. Même si le budget n’est pas entièrement bouclé, le projet est lancé. Nous avons racheté le D35 Foncia pour s’entraîner en Suisse et conçu un programme intensif.

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Qui sera à bord et quel sera l’encadrement, qu’il s’agisse du D35 et de l’AC45 ?

La structure que nous avons mise en place prévoit un directeur technique et performance fort, en la personne de Laurent Voiron (4e aux JO d’Athènes et Vice-champion du Monde et d’Europe Tornado). Arnaud Psarofaghis sera leur coach. Il navigue depuis le début sur les AC45 et sera naviguant aussi sur le D35. Lucien Cujean sera le skipper, et nous aurons aussi un préparateur physique. Nous allons recruter sept membres d’équipage (dont un de réserve) pour naviguer sur l’AC45 et le D35. Ils devront accomplir des progrès spectaculaires et rapides. Outre les fonctions précédemment évoquées je m’occupe également des relations avec Swiss Sailing puisque nous représentons la Suisse. Leur responsable de la jeunesse, Martin Vogler, s’est d’ailleurs montré enthousiaste.

Quelles seront les grandes étapes en 2013 ?

Depuis novembre, nous naviguons en Class A et en D35 afin de nous entraîner tout l’hiver. L’échéance est très courte avant la première sélection sur les AC45 qui aura lieu fin février !  L’équipe s’envolera donc pour San Francisco mi-février et essayera de décrocher un ticket pour l’un des quatre AC45 que l’organisation met à disposition des meilleurs parmi les seize équipes retenues à ce jour. La barre est très haute car l’échéance est imminente. Sinon, il nous faudra trouver une solution avec l’un des challengers qui disposent déjà d’un AC45, ou dans le pire des cas nous focaliser uniquement sur le Vulcain Trophy. Nous effectuerons de toutes façons le championnat des D35 en reprenant les entraînements dès le mois de mars, car ces multicoques constituent une très bonne plateforme pour progresser jusqu’à fin juin avant les navigations sur les AC45. Nous devrions aussi prendre part à un Act des Extreme Sailing Series. Mi-juillet, l’équipe rejoindra San Francisco pour s’entraîner un mois sur un AC45 jusqu’au début de la compétition le 22 août. Ces jeunes reviendront transformés par cette extraordinaire expérience.

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Parallèlement, vous venez de reprendre la présidence de Swiss Sailing Team, comment en êtes-vous arrivé là ?

C’est une suite logique, à la fois pour moi qui suis rentré au conseil d’administration il y a un an et demi et qui ai toujours souhaité aider les jeunes, et pour SST dont le président John Gut avait depuis un certain temps exprimé le désir de se retirer après les JO de Weymouth. J’ai donc accepté de reprendre le flambeau, aux côtés de Vincent Hagin, Francis Stockbuerger et Beryl Pieper.

Quels sont vos objectifs à court et moyen termes ?

A court terme, nous allons nous concentrer sur les jeunes. Nous avons maintenant une équipe junior très forte, qui se place sur certaines classes déjà dans le top 5 européen et le top 10 mondial et qu’il faut essayer de guider efficacement. Nous avons d’ores et déjà augmenté la quantité et la qualité des entraînements, en les envoyant dans des endroits tels que Lanzarote, Cesme ou Split, des lieux idéaux pour bien progresser durant l’hiver. Auparavant, SST fournissait aux jeunes environ vingt jours d’entraînement en hiver, nous avons doublé cette durée. Sur place, nous leur faisons rencontrer d’autres équipes nationales afin d’exacerber leurs performances. Parallèlement, nous développons la coopération avec les clubs de voile suisses pour coordonner au mieux les entraînements des nos futurs champions. Nous allons aussi bien sûr travailler avec l’élite (Cadre National et B) qui représentera, je l’espère, notre pays aux prochains Jeux de Rio. Les dossiers pour définir les membres du cadre National et cadre B sont en cours d’évaluation. Mais il ne faut pas se voiler la face, la réalité financière est un obstacle très sérieux.

De quels appuis bénéficierez-vous ?

C’est assez simple : Swiss Olympic fournit la partie la plus importante du budget actuel, Swiss Sailing y contribue par l’intermédiaire de ses membres, la Fondation Bertarelli nous soutient également, ainsi que des mécènes. Le gros challenge auquel nous sommes confrontés réside dans la recherche de sponsors.

Voyez-vous des synergies entre les deux projets ?

Le point commun pourrait être le multicoque, que la Fédération suisse de voile va bientôt promouvoir dans les clubs dans la mesure où le Nacra17 a été sélectionné pour les prochains JO. Le fait que la Suisse s’aligne en multicoque à la Youth America’s Cup va certainement concourir à le populariser davantage. Au-delà de l’émulation résultant de ces deux approches, nous aurons des jeunes avec une expérience du D35, de l’Extreme 40 et de l’AC45, acquise en une année, ce qui est inédit en Suisse. S’ils continuent dans cette voie, ils seront bien placés dans la course aux JO de 2020.

Votre fils Sébastien vient d’être nommé Junior de l’année aux SUI Sailing Awards après avoir été finaliste aux meilleurs espoirs sportifs suisses, vers quel horizon pointe-t-il son étrave ?

Tout d’abord je tiens à le féliciter ! Pour 2013, il s’est fixé un objectif  clair en finissant sa saison aux championnats d’Europe et du monde en Laser radial avec un podium. Ensuite, il aspire à une carrière olympique sur un autre support encore à définir, mais le multicoque lui plait beaucoup et nous le verrons sans doute passer du M2 au D35.