« Travailler pour la commission de jauge est un plaisir. Chacun apporte son expérience et c’est un travail constructif. Le côté moins drôle est le fait que les jaugeurs, lors des contrôles de championnat, sont considérés par certains navigateurs comme des flics empêcheurs de tricher en rond alors que nous sommes là pour s’assurer que le jeu n’est pas pipé. »  © Dominique Krähenbühl

Qu’ils naviguent en Optimist ou en RC44, les régatiers confiant leur voilier à Jean-Pierre Marmier au moment de la jauge ne se doutent certainement pas que cet ingénieur civil a passé les vingt dernières années de sa vie professionnelle à maintenir des monuments historiques tels que la cathédrale de Lausanne. Avant de devenir un inconditionnel des séries olympiques, le jeune Marmier a effectué ses premières joutes dès 14 ans en 6m JI, puis en 6m50. Le Vaurien a été sa première acquisition, puis le 470 au moment où ce dernier est devenu série olympique, et finalement le Soling : « Pour moi, c’est dans les séries olympiques que l’on peut vérifier ce que l’on vaut réellement en tant que barreur ou équipier. »

Quel parcours depuis ce 1er septembre 1961 où le président de la Commission de Jauge le nomme jaugeur officiel USY ! Il doit ses débuts sur la scène internationale à son rôle de représentant suisse des Soling dans les années 1970. Il parcourt le monde pour suivre les cours de jauge de Tony Watts, Chief Measurer de l’IYRU (l’actuelle ISAF). C’est tout naturellement qu’il se retrouve intégré aux Jaugeurs Internationaux lors de la création de cette fonction en 1980, puis au « Measurement Committee » de l’IYRU. Cinq ans plus tard, il accepte la proposition de Tony Watts de l’accompagner enseigner les fondamentaux de la jauge aux Coréens, organisateur des JO de Séoul en 1988. Dans le sillage de cette expédition extrême-orientale, Jean-Pierre Marmier enchaîne cinq aventures olympiques. Dans un premier temps en tant que jaugeur de la classe de Soling, puis en tant que Chief Measurer de la Fédération Internationale, après la disparition de Tony Watts. C’est encore Jean-Pierre Marmier que choisit un certain Russell Coutts pour établir les règles de la jauge du RC44. « Un vrai bonheur ! », s’enflamme l’entreprenant membre du Cercle de la Voile Vevey – La Tour (CVVT), qui estime cependant que cette classe ne se maintiendra que si l’America’s Cup utilise à nouveau des lestés, « sans cela elle sera remplacée par des mini multicoques avec des ailes rigides ».

Un avis tranché

Toujours actif, le médaillé d’or ISAF 2004 s’amuse à comparer le travail de jauge sur un Opti (35 points en 20 minutes), et sur un RC44 ou un Soling dont le jeu de voiles complet prend autant de temps en s’y mettant à deux. Interrogé sur les forces et les faiblesses de Swiss Sailing, Jean-Pierre Marmier attribue les premières aux « bénévoles qui travaillent pour que des régates puissent se dérouler normalement », et les secondes au « manque de communication entre responsables des divers dicastères ». En tant que membre fondateur et premier président du Swiss Sailing Pool, il espère que Vincent Hagin* pourra « rétablir la cohésion et la communication entre les différents responsables au niveau fédéral ». Son souhait consisterait aussi à voir les politiques suisses consacrer plus de moyens aux meilleurs éléments de la voile suisse : « Au niveau individuel, nous avons des équipages de premier plan. Comparé à d’autres nations, le soutien à ces talents est quasi nul. » La 34e America’s Cup ? Elle s’avère« digne d’intérêt tant qu’elle se courre sur des lestés où la tactique peut jouer un rôle. À partir du moment où ce n’est plus que la vitesse intrinsèque du bateau qui est déterminante, il reste la prouesse technique mais aucun intérêt pour la régate. »

Jean-Pierre Marmier en compagnie de Tony Watts et Bob Kim, venu enseigner les bases de la jauge en Corée en 1985. © DR

*vice-président et candidat à la présidence de Swiss Sailing