L’America’s Cup est désormais en Europe!

On va alors pouvoir la suivre en bateau… Même si le choix de Valence tient encore l’America’s Cup à distance des rives du lac Léman, elle est revenue à portée d’étrave de nos voiliers basés – ou loués – en Méditerranée. Sur la route maritime qui mène aux côtes espagnoles, on a le choix entre de très jolis champs de croisière, de belles traversées, de vraies parties de navigations hauturières et des séances passionnantes de rase cailloux pouvant durer des semaines entières. Oui, cette America’s Cup qui semblait si lointaine de nos préoccupations de plaisanciers, tant par son éloignement physique que par les sphères techniques et financières dans les-quelles elle évolue, est soudainement devenue notre voisine en même temps qu’une destination croisière évidente d’ici à la finale qui sera disputée fin juin début juillet 2007.

America’s Cup Management, l’entité organisatrice dirigée par Michel Bonnefous, a même choisi de multiplier les rencontres préliminaires afin de faire profiter au grand public du spectacle des Class America en régate. L’ACM maximise également les possibilités d’assister à de véritables épreuves de la fameuse «Cup» à bord de son propre bateau en famille ou accompagnés de ses amis. Nous sommes donc allés voir sans délai à quoi ressemble cette ville dont le plan d’eau s’annonce baigné de vents réguliers et qui bénéficie d’un dynamisme économique important soutenu par une expansion à deux chiffres.

Nombreux itinéraires jusqu’à Valence

Un premier regard sur une carte du bassin ouest de la Méditerranée permet de prendre la mesure des distances à parcourir. Elles ne sont pas négligeables. Disons pour faciliter les choses – et rendre grâce aux deux villes qui se sont disputées le droit d’héberger les joutes nautiques de la 32e America’s Cup – que la ville de départ la plus évidente serait Marseille, même si en réalité, nous avons récupéré notre Sun Odyssey 49 à Port Saint Louis du Rhône au port Napoléon, dans la marina impeccable quoi-qu’un peu éloignée de tous Yachts Services. Dès lors, deux possibilités. La première, filer en ligne droite vers Valence via une traversée du golfe du Lion, suivie d’une partie de cabotage le long de la Costa Brava après Barcelone. La deuxième, piquer plein sud vers Minorque et les Baléares et commencer par une visite détaillée de l’archipel des Baléares, solution que nous avons adoptée. Une troisième solution est également envisageable, plus longue mais plus sûre pour ceux qui n’ont aucune envie de tenter une traversée du golfe du Lion: suivre la côte française en faisant étape dans certains ports du Languedoc comme Sète, Port Vendres ou Collioures qui ont le charme d’escales très typiques, ou d’autres comme Port Camargue, La Grande-Motte, Cap d’Adge ou Gruissan qui offrent toute l’efficacité des marinas modernes.

Une traversée du golfe du Lion ne s’improvise pas

Le mistral et la tramontane sont des vents brutaux qui ne connaissent pas la demi-mesure, se lèvent sans vraiment crier gare et forment au large de très sérieuses tempêtes capables de mettre à mal les plus gros yachts, car la mer qu’ils lèvent est courte, abrupte et casse bateaux. Il faut donc partir avec une excellente météo et ne pas lambiner en route, laquelle est constituée de 200 milles sans abri jusqu’à Minorque, soit une traversée de 24 à 36 heures selon la taille du yacht. Notre «Tempo 49» file bon train, à 8 nœuds sur une mer plate, grâce à sa solide motorisation Yanmar prolongée par une hélice tripale repliable. En Méditerranée au cœur de l’été, une telle association n’est pas seulement appréciable mais vitale car la suite des événements prouvera que, hormis l’étape Ibiza -Valence et une traversée retour du golfe du Lion effectuée au petit travers dans un inespéré vent de sud-sud-est, la grande majorité de notre périple qui s’est déroulé au mois d’août 2004 sera effectuée au moteur, voilure désespérément ferlée, faute de vent…

Pour le moment, nous croisons la route d’un couple d’énormes baleines qui lambinent mollement en direction de l’ouest au rythme de leur souffle puissant, à 10 milles à peine au large de Marseille. Belle entrée en matière maritime. Cette première traversée, la plus longue du périple, se passe sans encombre, à l’exception de plusieurs bancs de dauphins et quelques cargos et ferries trafiquant sur la route commerciale Barcelone – sud Sardaigne qui nous obligent à slalomer de nuit. Ce que nos camarades britanniques appellent un morceau de chance. Relisez les parties méditerranéennes de Navigation par gros temps d’Adlard Coles, et vous comprendrez vite que ceux qui n’en ont pas eu dans ces parages ont été marqués à vie…

Fornells et ses falaises à couper le souffle

Atterrir à Fornells est une belle et bonne chose. C’est le nom d’une vaste rade naturelle protégée de tous les vents grâce à ses falaises immenses situées sur la côte nord de l’île de Minorque, en plein centre de l’île. Beaucoup de bateaux sont mouillés dans les différentes baies annexes et surtout devant le petit village blanc encore endormi. Si votre avitaillement et votre rythme le permettent, il y a de quoi passer ici du temps à l’abri de tout, histoire de prendre contact avec la civilisation espagnole… enfin, celle de «Menorca»! Si vous êtes déjà un connaisseur des rythmes de vie de Madrid ou Barcelone, le temps qui s’écoule ici est encore plus lascif. Finalement, que demander de plus en croisière? Bien dormir la nuit, paresser durant la journée, naviguer un peu pour rejoindre le mouillage suivant, manger sans heures fixes, se baigner pour se rafraîchir, multiplier les siestes, les parlottes, le temps de lecture… La vie à bord de notre Sun Odyssey 49 s’organise surtout dans le grand cockpit protégé aux heures les plus chaudes par un appréciable taud de soleil repliable. Un tel programme est facile à tenir dans les eaux de Minorque, il permet de choisir son camp selon le vent dominant, depuis la grandeur maritime du site chargé d’histoire de Mahon, jusqu’aux restaurants bondés des quais de Ciudadela qu’il fait bon quitter pour grimper dans ceux, plus calmes de la haute ville. La spécialité locale qui vaut plus qu’un détour: la soupe de langoustes! D’un point de vue pratique, la particularité notable, un peu effrayante parfois, est l’entrée ou la sortie de l’inévitable ferry qui va s’amarrer au fond de la calanque, aux pieds de la ville. La lame de fond qu’il crée bouscule sérieusement les plaisanciers pourtant prévenus mais amarrés à couple sur trois rangs et saucissonnés dans un enchevêtrement de défenses, d’amarres, de gardes montantes et descendantes. Impressionnant!

Idyllique Formentera

La suite de la route vous emmène vers l’accueillante côte nord-est de Majorque, qui précède, cap au sud, une ribambelle de petits mouillages qui sont souvent bondés les weekends à la belle saison au point qu’il est tout simplement impossible de s’y faire une place après 13h, lorsque débarquent les bateaux à moteur et autres motoryachts en promenade pour la journée. A noter qu’il ne semble pas exister de limitation de vitesse pour les motoryachts en Espagne au point que passer à fond à côté d’une embarcation plus petite semble être un sport national. Plus accueillants sont les environs de la Punta Salinas, extrémité sud de Majorque, juste en face des îles Cabrera qui sont protégées du surcroît de fréquentation. Avant de les aborder, il faut en effet aller retirer une autorisation de visite pour 24 H dans un bureau situé à Palma. Ibiza n’est plus distante que de 70 milles, soit moins d’une journée de navigation. La plus célèbre des îles Baléares qui jouit d’une réputation de night clubs à ciel ouvert, présente côté mer un visage beaucoup plus attrayant. A un détail près: il faut savoir oublier les ports qui sont rares, bondés, chers et bruyants. Adopter la technique du «touch and go» est préférable, c’est-à-dire opter pour un service minimum eau-fuel-courses en milieu de journée lorsque les chanceux ayant trouvé une place la veille sont partis, et ceux qui ont réservé, parfois depuis plusieurs jours pour le soir, ne sont pas encore arrivés. Les gestionnaires des ports locaux sont très bien organisés et vous font payer une taxe demi-journée qui est au prix d’une journée entière! Hormis cela, les pourtours de l’île sont superbes, verdoyants, pleins d’anfractuosités, avec un relief plutôt élevé au nord et des falaises grandioses au sud-est du côté des îlots Vedra. Et même s’il y a beaucoup de bateaux, les possibilités sont telles qu’il y a toujours matière à s’isoler. Mais le joyau de cette croisière est situé à quelques milles au sud-est, dans les pourtours de Formentera. Ici, c’est beaucoup plus plat, sec, pas encore abîmé, et on y perçoit mieux qu’ailleurs l’insularité, l’éloignement, le dépaysement. Il y a des plages de sable blanc magiques, sur des longueurs infinies, et même s’il y a énormément de bateaux mouillés de part et d’autre de l’isthme, leur taille fait que la densité reste acceptable. Incontournable, au point qu’il faut absolument réserver du temps pour passer plusieurs jours à flâner là-bas. Puis ce sera la dernière étape d’une journée vers Valence…

Valence, vue de la mer, ce sont d’abord des grues, celles du port de commerce. La ville, dont aucun profil n’émerge de loin, est installée plus à l’intérieur, avec en fond, lorsque la visibilité est bonne, des collines de taille moyenne. La côte est basse et dénuée de mouillage, et hormis la marina du Real Club Nautica, il n’y a pas beaucoup de ports de plaisance aux alentours immédiats. Il faudra, si vous envisagez un séjour là-bas, traiter avec précaution le problème de la place de port et sans doute réserver à l’avance. Ceci dit, la vieille ville distante de 3,5 km est superbe, pleine de vie, et la cité a su tirer parti de son malheur nommé Turia, un fleuve tempétueux dont le cours a été détourné et qui se jette désormais au sud de la ville. Son ancien lit a été aménagé en une succession de jardins sinuant au cœur de la cité, avec, en clou du spectacle la flambante neuve cité des arts et des sciences à l’architecture contemporaine ambitieuse et réussie. En réalité, Valence n’est que depuis peu une ville maritime car elle a bâti au fil des âges son développement sur l’agriculture perpétrée sur la vaste plaine alluviale du Turia. Mais d’ici deux ans, elle aura largement rattrapé son retard…

America’s Cup: quand y aller?

Dès cette année, les candidats les plus assidus naviguent déjà depuis le mois de mars en prévision des Louis Vuitton Acts 4 et 5 à Valence (Match race du 16 au 22 juin et Régate en flotte du 24 au 26 juin prochain). Ensuite, il n’y aura plus personne sur place jusqu’à l’automne, l’America’s Cup circus mettant le cap vers la Suède, puis la Sicile. 2006 sera une année très intense avec l’arrivée des nouveaux bateaux car les concurrents auront à cœur de naviguer sur place aux dates où se dérouleront les épreuves un an plus tard, soit d’avril à juin. En 2007 auront lieu les régates proprement dites, mais ce sera alors sans doute plus compliqué de rester sur place en raison du nombre d’anneaux visiteurs limités à Valence même et dans les rares ports environnants. Notre conseil: allez-y en mai et juin 2005 et 2006.