Une régate entre les marins de l’America’s Cup et les coureurs au large est un événement rare. Voilà ce que le Grand Prix Beau-Rivage Palace nous a offert du 15 au 17 septembre dernier. Pour sa huitième édition, la manifestation lausannoise n’a pas failli à la tradition. Divisé en deux parties, l’événement abritait la très sérieuse avant-dernière étape du Challenge Julius Baer ainsi que les régates amicales des stars invitées. Cette dernière manifestation, très médiatique, a été rebaptisée Trophée Marco Landolt. On a voulu ainsi rendre hommage au banquier navigateur, propriétaire de l’hôtel éponyme. Le père des Happycalopse est décédé le 1er octobre 2005. «On préférait l’idée d’un Trophée à celle d’un mémorial. C’est moins figé et ça correspond mieux à l’image de Marco», explique Philippe Cardis, le co-inventeur du Grand Prix avec Marc-Edouard Landolt.
Pour nourrir cette dynamique, l’organisateur a invité une jolie brochette de stars. L’idée de départ était de faire venir des membres des cellules arrières de l’America’s Cup. Certains ont honoré l’invitation avec plaisir: l’Américain Ed Baird (Alinghi), le double médaillé olympique anglais Ben Ainslie (Emirates Team New Zealand), le Danois Jes Gram-Hansen (Mascalzone Latino-Capitalia Team) et le Sud-Africain Ian Ainslie (Team Shosholoza) ont répondu présents. Christian «Blumi» Scherrer, le plus suisse des équipiers de +39 Challenge, accompagnait son skipper anglais Andrew Simpson. La plupart de ces bêtes de match racing régatait pour la première fois en multicoque. «What this!», se demandaient Ed Baird et Ben Ainslie à la vue de la poignée de l’hydraulique de grand-voile, placée à côté du barreur.
Restaient quelques trous, qu’il a bien fallu combler par des coureurs au large. Et là, l’organisateur ne s’est pas moqué du public, venu en nombre et en famille sur le quai d’Ouchy. Les Français Franck Cammas, Pascal Bidégorry et Karine Fauconnier ont accompagné notre Stève Ravussin national dans sa tâche de représentation des skippers de 60 pieds ORMA. Loïck Peyron et Alain Gautier, équipiers permanents du Challenge Julius Baer, se sont mis au service des invités.
Huit manches ont été courues dans des airs de demoiselle. L’occasion pour Emirates Team New Zealand de naviguer sur Alinghi et pour Karine Fauconnier de commander Alain Gautier, son ancien concurrent, en rigolant. Le comité de course du Cercle de la voile de Vidy, présidé par William Moody, a multiplié les petits parcours d’un tour plutôt que de faire durer de longues bananes. Du coup, la qualité des départs a été déterminante, ainsi que le bon choix du côté du plan d’eau. «C’était bord cadre à gauche. Les autres ne l’ont pas vu tout de suite. J’en ai profité!» rigole Pascal Bidégorry. Le barreur basque du trimaran Banque Populaire a gagné trois manches. Idem pour Franck Cammas. Malgré sa rapidité d’adaptation, le récent vainqueur de la Multicup 60 rate de peu la victoire. La surprise vient de Ben Ainslie qui s’offre la dernière marche du podium, juste devant Stève Ravussin. Mais le local de l’étape ne lui en veut pas puisqu’il a navigué «sur le meilleur lac, les meilleurs bateaux et devant le meilleur public du monde».
Le vendredi soir, une soirée de gala regroupait 500 personnes sous les plafonds somptueux du Beau-Rivage Palace. Une vente aux enchères a été effectuée au profit de «Smiling Children», une association qui aide à la scolarisation de jeunes défavorisés au Maroc.

Un dimanche «difficile pour les nerfs»

Le dimanche, c’est sous des trombes d’eau que les équipages habituels ont pu régater. «Petite pluie abat grand vent», maugréait le série master Bertrand Favre en début de journée. Un petit coup de vent d’ouest a sauvé la première manche, remportée par Cadence (Demole). Lors de la deuxième, en fin d’après-midi, c’est Foncia qui s’impose dans des airs orageux entre 11 et 13 nœuds. Alain Gautier remporte ainsi sa première victoire de Grand Prix depuis son entrée dans le circuit. «On est ravis! C’est le fruit d’une progression régulière dans beaucoup de domaines», jubilait le skipper français. «C’était difficile pour les nerfs et pour les tacticiens, raconte Pierre-Yves Jorand, mais Foncia est un beau vainqueur».
La dernière manche est pourtant restée en travers de la gorge du skipper d’Alinghi. Disqualifié, avec Julius Baer, pour «départ prématuré», le bateau noir et rouge a peut-être joué sa saison sur cette pénalité. Du coup, une première demande de réparation a été rejetée. Puis une procédure de recours, dirigée par Chris Rast, a été déposée chez Swiss Sailing. En l’absence «de fait nouveau», la commission de recours de Swiss Sailing a débouté Alinghi, qui s’est retrouvé sur la ligne de départ de l’Open Cadillac de Versoix avec 5 points de retard sur Okalys.