Ronald Pieper

Vice-président de Swiss Sailing, organisateur du St-Moritz Match Race et de l’UBS Alinghi Swiss Tour, le Zougois Ronald Pieper est un acteur incontournable de la voile helvétique. Discret et efficace, il est moteur de nombreux projets destinés aux jeunes marins du pays. Ce navigateur brillant, triple champion du monde de 5,5 Mètre JI, partage avec nous son regard sur le présent et le futur de la voile Suisse.

Tous vos bateaux s’appellent Artémis. Quelle est l’histoire de ce nom ?
En 1927, mon grand-père naviguait au Club de Voile de Kilchberg, au bord du lac de Zurich. Il a appelé son premier voilier Artémis, en hommage à la Déesse de la Grèce Antique. Mon père fit construire son premier 5.5m, le Z24 Artémis II, au chantier naval Portier à Meilen. Aujourd’hui, mon 5.5m, nouvellement construit par Wilke au Lac de Thun, est nommé Artémis XIV (SUI220).

Vous avez été trois fois champion du monde de 5,5 Mètre JI, dont deux fois avec Jochen Schuemann.
A quand une quatrième fois ?

Je pratique ce sport pour le plaisir. Mais j’essaie toujours d’être parmi les meilleurs. Je suis très content à chaque fois qu’un Artémis franchit la ligne d’arrivée en tête. J’espère qu’Artémis XIV sera tout aussi rapide.

Trois ans après la victoire de SUI64. Pensez-vous qu’il y a eu un «effet Alinghi» en Suisse ?
Avant, environ 150 000 Suisses s’intéressaient à la voile. Après la victoire d’Alinghi ce chiffre est monté à 500 000. Une énorme vague de sympathie s’est déclenchée. Elle augmente régulièrement. La communication autour du sport s’est professionnalisée. Les directs TV de l’America’s Cup seront plus agréables qu’en Nouvelle-Zélande. Les sponsors attirent leur clientèle vers cet évènement unique. A Valence, Alinghi a créé et organisé un environnement professionnel. Que cela plaise ou non, tout cela profite au sport.

Cet «effet Alinghi» a-t-il eu des retombées directes sur la Fédération suisse de voile ?
Nous comptons environ 20 000 membres Swiss Sailing, issus de 160 clubs. C’est un chiffre en augmentation. C’est une donnée d’autant plus parlante qu’une affiliation directe à Swiss Sailing n’est pas possible. Les membres doivent obligatoirement passer par un Club avant de s’inscrire chez nous.

Roger Staub, président de la fédération, a déclaré l’année dernière à Skippers
(voir Interview : Roger Staub) vouloir que «le nom de Swiss Sailing, en plus d’être synonyme de performances, soit associé à une image concrète». Quelle doit être selon vous, cette image ?

Notre nouvelle direction centrale, élue en avril, s’est penchée en mai sur les questions de stratégie. Je pense personnellement qu’un membre de Swiss Sailing doit profiter encore plus de nos sponsors actuels et futurs. J’imagine aussi un rapprochement entre les diverses associations de sports nautiques. Nous pourrions décharger l’Etat de certaines responsabilités, comme les examens des permis de navigation. Il y a beaucoup de spécialistes compétents dans nos rangs. Ils ont des connaissances à apporter.

En avril dernier, Swiss Sailing a créé une société anonyme à but non lucratif pour aider les athlètes olympiques. A quoi sert le Swiss Sailing Team AG ?
En décembre dernier, le Swiss Sailing Team AG a reçu un mandat de l’assemblée générale. Il doit tout mettre en oeuvre pour que l’équipe nationale remporte une médaille au Jeux Olympiques de 2012 à Cowes en Angleterre. Il reste beaucoup à faire. Mais je suis convaincu par cette nouvelle structure. Elle donne plus d’avantages et de chances qu’un comité régional. L’intérêt des sponsors est plus élevé et les opérations se conduisent plus directement.

Vous êtes l’organisateur de l’UBS Alinghi Swiss Tour. Comment voyez-vous le développement de cette manifestation ?
Le contrat de l’UBS Alinghi Swiss Tour porte jusqu’en 2007. Cette année, l’équipage d’Alinghi ne peut participer qu’à trois courses sur les six organisées. Le but de l’équipe est de gagner l’America’s Cup, pas le championnat suisse de Match Race.

En 2005, rien n’a été simple. Alinghi et l’UBS s’étaient décidés tardivement, en décembre 2004. Les cinq clubs engagés, Alinghi, l’UBS et l’administration ont fourni un gros effort. Etienne Huter, de Match Race AG, s’est totalement engagé. Heureusement, l’immense intérêt des 150 inscrits nous a récompensés.

La forme du Swiss Tour 2007 sera décidée à la fin de l’année. Les choses peuvent toujours changer. Mais les fruits du travail effectué jusqu’à aujourd’hui nous ont remplis de joie.

Vous êtes aussi le père du Saint-Moritz Match Race. Comment se développe ce Grade 1 ?
C’est avec Jochen Schuemann et Russell Coutts que nous avons évoqué pour la première fois le Saint-Moritz Match Race. L’année dernière nous sommes entrés dans le giron du Swedish Match Tour, l’actuel «World Match Racing Tour». L’année prochaine, le gagnant du Tour recevra le titre de Champion du monde de match racing de l’ISAF.

L’an passé, l’événement a été retransmis dans le monde entier. Le petit lac de Saint-Moritz est aujourd’hui au top mondial. C’est très important pour les navigateurs suisses et pour l’ensemble du tourisme en Engadine.

Vous avez également organisé les championnats du monde d’Optimist à Silvaplana en 2005, avec grand succès. Comment s’est passée cette organisation ?
En 1974, mon père organisa les championnats du monde d’Optimist sur le lac de Silvaplana. 22 nations et 120 bateaux répondirent présents. Il m’avait alors avoué vouloir renouveler cela «pour le développement de la voile junior et de l’Engadine».

Notre première candidature de 2001 aux championnats du monde a essuyé un refus. Notre deuxième présentation fut très professionnelle. Nous avons emporté 90% des voix.

Je n’ai pas tout de suite saisi l’ampleur de la tâche: 52 nations, 240 bateaux, 200 entraîneurs et jusqu’à 500 accompagnateurs ont été hébergés. Pendant plus de 10 jours, nous avons assumé toutes les arrivées et les départs aux aéroports de Milan et de Zurich. L’hébergement, la logistique, les régates, les programmes des soirées et l’accueil du jury ont demandé l’investissement de 80 personnes. Ce fut un énorme défi, relevé grâce à l’aide de l’Association Suisse d’Optimist, du Comité des Cures vacancières de l’Oberengadine et de beaucoup d’amis de la voile.

Quels sont vos futurs projets de voile?
L’année dernière, ma famille et mon Artémis ont souffert de la pression continuelle que demandent ces tâches d’organisation. Je dois gérer les choses différemment, pour pouvoir mettre en oeuvre avec succès toutes les idées actuelles et celles à venir.

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