Les Glénans, cette école de voile culte qui fête ses 70 ans cette année est une institution bien connue des Suisses qui veulent s’initier à la navigation dans le grand bain.

Si sur le plan technique, les marins d’eau douce que nous sommes n’ont rien à envier aux gens de la mer, les connaissances maritimes nous font parfois défaut. Alors, quand il s’agit de se faufiler dans des plans d’eau difficiles à l’image de ce que l’on trouve sur la côte bretonne, une bonne formation est recommandée. Et comme il faut bien commencer quelque part, les Glénans offrent justement des enseignements de qualité à un coût abordable. En plus de ça, la décontraction et la camaraderie vont souvent de pair avec des stages qui ont tendance à se transformer en aventure inoubliable. Cela valait bien le coup de leur payer une petite visite, et pas n’importe où ni n’importe quand ! C’est de Vannes (Bretagne Sud), en plein coeur de l’hiver (mi-février) que nous avons embarqué.

Navigation non-stop

IMG_7058Contrairement aux idées reçues, la Bretagne en hiver peut offrir d’excellentes conditions pour naviguer. Le climat océanique est bien plus doux que le froid perçant de nos régions alpines ! L’autre avantage d’effectuer un stage à cette époque est d’optimiser ses chances de tomber sur un équipage motivé ! Car soyons réalistes, il n’y a plus que les téméraires sur l’eau en février, les croisiéristes attendront fin mars pour pointer le bout du nez.

Notre périple durera une semaine, il aura pour objectif de familiariser l’équipage à la navigation par quart en autonomie, tout en composant avec l’environnement : marées, courants, rochers, dangers isolés, etc. Après une rapide analyse météo, l’objectif est donné : navigation jusqu’à La Rochelle (un peu plus de 30 heures de route au programme) et retour en Bretagne Sud pour deux journées de navigation côtière.

Zigzag dans la petite mer

Une fois passée l’écluse du port de Vannes, c’est un paysage d’innombrables îles (une grosse trentaine en réalité), posées comme autant de confettis qui défile. Notre moniteur, Valentin, en profite pour nous enseigner le proverbe des gens d’ici : « Dans le golfe, le Bon Dieu a créé autant d’îles que de jours dans l’année », reprend-il. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si son nom – mor bihan en breton – signifie « petite mer ». Dans ce dédale, les nombreuses passes ne sont pas à prendre à la légère et il est impératif de tenir compte du courant et des marées, sous peine de retrouver les deux quilles de notre RM1050 plantées sur un banc de sable ou un rocher. En effet, certains des courants, comme celui situé entre l’île de la Jument et l’île de Berder peuvent par forte marée atteindre 9 noeuds ! Un minimum de préparation est donc indispensable pour ceux qui ne maîtrisent pas toutes les subtilités de ce magnifique plan d’eau. Une fois passé Arzon, nous quittons cette petite mer intérieure pour entrer dans la fameuse baie de Quiberon, bien abritée des vents et de la longue houle venue du large. Nous faisons un petit détour entre Belle-Île et Houat histoire de faire un peu de tourisme et entamons notre long tribord amure jusqu’à La Rochelle.

La méthode Glénans

unnamedCe qui différencie ce périple d’une croisière classique, c’est qu’ici on goûte très peu à l’électronique. Tout ce qui facilite la tâche du navigateur est à proscrire, on aime se lancer des défis : naviguer de nuit, à l’estime, passer entre les cailloux, admettant à la rigueur quelques points GPS pour vérifier sa copie. Bien heureusement, le moniteur garde un oeil discret sur la carte électronique depuis son smartphone et reste prêt à intervenir en cas de pépin… ce qui n’arriva pas. La nuit tombe et après un bon repas (car la cuisine bien agencée du RM s’y prête) le rythme des quarts s’installe : trois heures sur le pont et une heure de sommeil…et ainsi de suite jusqu’au matin. En descendant le long des côtes, on laisse à bâbord Noirmoutier, Saint-Gilles ou encore les Sables-d’Olonne et son phare si spectaculaire. À tribord, on a l’île-d’Yeu et ses puissants phares… Ces quarts sont d’ailleurs l’occasion d’améliorer nos prises de relèvement de nuit à la lueur des phares et des autres balises et tourelles : par triangulation, ou transfert d’amer. Alors… facile ? Rien de très sorcier, mais à l’ère du tout électronique on en vient vite à oublier le b.a.-ba. Doucement, le jour se lève et les repères côtiers réapparaissent pour nous laisser circuler entre l’île de Ré et le continent. Pour clôturer le parcours, un petit passage sous le pont magistral reliant l’île à la métropole. Gare à la hauteur de l’eau tout de même si vous manoeuvrez un grand tirant d’air ! Un des avantages de cette saison est l’embarras du choix pour les places d’amarrage… à deux pas de la capitainerie. Après un repos bien mérité, c’est rebelote, car il faut bien rentrer ! Mais cette fois, l’exercice se corse, l’équipage bien rodé devra naviguer avec un GPS complètement occulté… à l’estime, uniquement à l’estime : « the old way ». Un nouveau challenge dont sont devenus friands les équipiers bien formés par leur moniteur… la preuve, le bateau est arrivé à bon port.