Alain Gautier

A cheval entre monotypie, Decision 35 et développement des grands multicoques océaniques, Alain Gautier se voit comme un marin «multicarte». S’il ne sera pas, cet été, à la Solitaire du Figaro, c’est que son agenda s’est brusquement modifié avec l’avènement de sa consultance au sein de l’équipe Alinghi. C’est vers l’aiguière d’argent et sa 33e campagne en demi-teinte que le regard de ce père de cinq enfants, originaire de Lorient, se tourne désormais.

Deux dates attirent l’attention dans votre CV sportif : vous gagnez la Solitaire du Figaro en 1989 et le Vendée Globe en 1993. Y a-t-il d’autres événements de votre carrière qui vous ont marqué ?
L’année 1983 est une année riche de souvenirs. J’avais 21 ans et je venais de signer une victoire dans ma classe avec un trimaran de 40 pieds sur la course Bermudes-Lorient en double. Au retour, mon partenaire, le Télégramme de Brest, me propose son soutien pour faire un Figaro en prototype. J’ai gagné la première étape, entre Perros-Guirrec et Kinsale, en Irlande, alors que je n’avais navigué que deux jours sur ce bateau. Cette arrivée à Kinsale au petit matin reste un grand souvenir. Juste après, Loïck Peyron me propose de faire La Baule-Dakar sur un 50 pieds…

Vous avez brillé en monotypie (Figaro) et en multicoque océanique. Ce sont pourtant deux disciplines relativement différentes…
Je pense qu’un marin ne doit pas rester confiné dans un seul secteur de son sport. Je pense vraiment que l’on ne peut progresser qu’en étant multicartes. Et puis la connaissance de la mer passe avant tout par la pratique. Plus tu navigues, plus tu progresses. Franck Cammas l’a d’ailleurs très bien compris.

A ce sujet, depuis que vous avez signé chez Alinghi, vous allez être opposé à l’équipe Oracle et au duo Coutts/Cammas. Quel est votre regard sur la concurrence ?
L’association Coutts, Cammas et Lauriot-Prévost doit probablement bien fonctionner. Cammas et Coutts sont deux sportifs qui veulent avant tout gagner, à n’importe quel prix. Personnellement ce n’est pas ce que je recherche. Sinon, sur le plan de la gestion d’équipe, Chris Dickson avait fait un peu n’importe quoi. Russell Coutts a probablement fait le ménage. C’est un grand sportif et un vrai malin. Mais l’utilisation abusive du juridique est une de ses idées. C’est lui qui a guidé Oracle dans cette voie. Ça peut évidemment lui rapporter très gros et nourrir son envie de vengeance face à Bertarelli. Malheureusement, cela ne va pas servir son aura de champion.

Quel sont, exactement, les termes de votre contrat avec Alinghi ?
J’ai un mandat de consultant extérieur auprès du Design Team*. Je suis aussi en charge de l’entraînement de l’équipe sportive sur mon trimaran de 60 pieds. Mais quelque soit l’intitulé de ma fonction, je me sens entièrement intégré chez Alinghi. L’avantage de cette équipe, c’est que tout le monde a le droit de parole. Chaque idée, même si elle paraît saugrenue au départ, est étudiée. Ici, le Design Team n’est pas une tour d’ivoire, une intelligentsia intouchable, comme on peut le constater dans d’autres équipes.

Au-delà de la préparation, serait-il possible de vous voir à la barre du Cup Boat le jour J?
Disons que, pour l’instant, je ne suis pas là pour cela. Souvenons-nous cependant que, lors de la 32e Cup, l’équipage final fut choisi une semaine avant les régates. C’est avec grand plaisir que j’assisterais mon équipe depuis un tender, mais je reste évidemment disponible si le skipper d’Alinghi le souhaite.

Ces derniers mois, les chavirages ont défrayé la chronique. Comment s’est passé le vôtre à Lorient ?
Ces machines-là sont extrêmes, une conjonction de petites erreurs peut provoquer un chavirage. Un équipage peu expérimenté, des erreurs d’organisation de ma part et ce fut l’accident. Nous avons abattu au milieu du chenal de Lorient. La marée descendante face au vent générait un clapot très court. L’abattée était trop franche, le choqué de grand-voile pas assez et le bateau a buté sur une vague. Nous ne sommes pas passés loin du drame. On s’en tire avec une clavicule cassée. Un moindre mal.

Ne vaudrait-il pas mieux travailler avec un sailing team déjà spécialisé dans le multicoque plutôt que de former des spécialistes du Class America ?
Personnellement, j’aime cette idée de continuité. On ne vire pas les gens comme ça. C’est cet état d’esprit et cette honnêteté qui font la force du Team Alinghi. D’autre part, cette équipe a démontré qu’elle était la meilleure du monde. Elle regroupe une somme de talents incroyables. Continuer avec les mêmes personnes est de toute logique.

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