Cet été, Anja von Allmen a surpris tout le monde en remportant le championnat du monde des Laser 4.7. Loin de s’en satisfaire, la Bernoise voit déjà plus loin. En 2024, elle compte participer aux JO et remporter une médaille.

Texte: Walter Rudin

À voir cette navigatrice sympathique et réservée, on ne la soupçonnerait pas d’être capable d’exceller sur l’eau. Mais pour devenir championne du monde dans une flotte de 63 bateaux, il faut savoir s’affirmer et jouer des coudes. «À terre, nous pouvons être les meilleures amies du monde, mais sur l’eau, personne ne me passe devant!», assène-t-elle. «Sur le plancher des vaches, je n’aime pas m’imposer, je préfère être la fille discrète et gentille que personne ne connaît. Mais une fois sur l’eau, je donne tout. Ce qui compte, ce sont les actes, pas les paroles.»

La carrière de la jeune navigatrice originaire de Spiez a commencé comme pour beaucoup d’autres athlètes suisses de haut niveau. Ses parents, des navigateurs passionnés possédant leur propre bateau, inscrivent Anja et sa sœur à un cours d’initiation en Optimist. Elle y prend plaisir et intègre le groupe Opti du club nautique de Spiez où elle apprend à naviguer. Son entraîneur se rend vite compte qu’elle en veut plus et décide de l’envoyer chez Hene Keller à Oberhofen, le fief suisse des Optimist. Avec le groupe d’entraînement DIRT fondé par Hene Keller et Alberto Casco, elle participe à des régates nationales et internationales. Anja apprend si vite qu’elle est recrutée par le Talent Pool de Swiss Sailing. Les premiers succès ne se font pas attendre. La Bernoise se qualifie pour les championnats d’Europe et du monde et finit sa carrière Opti en beauté en remportant la médaille de bronze au championnat du monde junior de 2018.

De l’Optimist au Laser

À l’âge de 15 ans s’en était fini avec l’Optimist, il faut changer de classe. «Il est hors de question que je m’embarque sur un Laser», n’avait-elle cessé de répéter. Elle jette son dévolu sur bateau double avant de réaliser que ce n’est pas pour elle : « Avec le Laser, je peux faire comme je veux. Et si j’échoue, je suis la seule responsable. » De plus, il aurait fallu trouver une co-équipière avec les mêmes objectifs et la même expérience, sans parler des problèmes d’agenda et d’organisation.

Sur le Laser, la jeune fille prend rapidement ses marques. À peine une année après ses débuts, elle est sacrée championne de Suisse sur le petit gréement du 4.7 et obtient une 4e place au championnat d’Europe à Hyères. Pour couronner le tout, elle décroche l’or au championnat du monde à Kingston, Canada.

«Sur l’eau, personne ne me passe devant»

L’effort porte ses fruits.

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Il va sans dire que ces succès sont le fruit d’un travail assidu et parfois très dur. La voile ne se pratique pas uniquement pendant la saison chaude. De novembre à mars, sept semaines sont consacrées à des stages d’entraînement et des régates en Méditerranée dans des conditions souvent hostiles. À cela s’ajoute les études. Anja fréquente un gymnase classique. Pour combler les huit semaines d’absence, elle bûche durant les stages d’entraînement et en déplacement. Un sérieux qui demande beaucoup de discipline, mais pour Anja, l’école reste plus importante. En dehors du gymnase et de la voile, il ne lui reste pas beaucoup de temps libre: «Je me suis habituée au fait que le contact avec mes amis se fait principalement par le biais des réseaux sociaux. Je suis obligée de faire un compromis. S’il est vrai que les amitiés me manquent, je ne regrette pour- tant pas mon choix.»

Son succès, Anja le doit aussi à ses entraîneurs, notamment à Damir Nakrst, avec qui elle s’entraînait déjà en Opti. Les deux partagent une grande complicité: «Il me connaît mieux que je ne me connais moi-même. Rien qu’en me regardant, il sait ce que je vais lui dire quand je le rejoins sur son bateau à moteur. » Pour avoir du succès sur un Laser, il faut autant de force que d’endurance. C’est là qu’intervient le préparateur physique. Trois à cinq fois par semaine, Anja fait de la musculation. En parallèle, elle suit des cours de préparation mentale proposés aux jeunes navigateurs de la région du lac de Thoune. Anja est une grande fan de ces cours: «J’y ai appris à mettre l’accent sur les aspects positifs et à documenter mes succès. Quand je suis sous pression, je peux relire mes notes et me remémorer mes exploits. C’est très motivant et me donne confiance en moi. » Pourquoi s’inflige-t-elle tout ça ? « Être sur l’eau et sentir le vent fait du bien», explique Anja. Il y a aussi des moments particuliers qui compensent les efforts et le travail de forçat. Parmi eux, l’accueil que son Club Oberfhofen lui a réservé à son retour du championnat du monde. Plus de 100 amis, juniors et membres du club y ont fêté leur championne. «J’étais sans voix, c’était si beau. De telles expériences me donnent beaucoup d’énergie positive et c’est dans ces moment-là que je sens que tous ces efforts en valent la peine.»

De grandes ambitions

La saison prochaine, Anja passera du Laser 4.7 au Laser Radial. D’ici-là, elle travaillera sa condition physique pour être en mesure de dompter plus de toile. Pour ce faire, l’athlète de 167 cm de haut doit encore gagner quelques kilos de muscle. En 2020, Anja veut participer au championnat du monde des Laser 4.7 avant de passer directement au Radial et enchaîner avec le championnat du monde Junior de Radial. Le Laser Radial restera cer- tainement olympique jusqu’aux JO 2024. Anja rêve d’y participer.

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