La petite entreprise de Cogolin, qui fabriquait des catamarans confidentiels en 1984, est devenue
aujourd’hui un mastodonte du secteur: en 40 ans, Catana Group s’est hissé dans le top 3 mondial des
constructeurs de multicoques avec 4 sites de production, 1’500 salariés et un chiffre d’affaires supérieur à 200 M€ en 2023.
Catana est née en 1984 de la rencontre de deux ingénieurs, Jean-Pierre Prade et Thierry Goyard. Ensemble, les deux hommes demandent à l’architecte Lock Crowther de leur dessiner un catamaran rapide et dépouillé; le Catana 40 Pêcheur de Lune est construit avec les moyens du bord à Cogolin, à quelques encâblures de Saint-Tropez. Ce multicoque n’est pas aménagé et son moteur hors-bord est monté sur chaise. L’entreprise construit d’autres modèles, mais souffre de sa faible capitalisation, de son manque d’équipement (pas de pont roulant) et de son relatif éloignement de la mer (7 km). Catana produit alors 5 à 6 catamarans par an.
En 1989, l’architecte Christophe Barreau dessine le Catana 42, construit à 33 exemplaires – c’est un premier succès. En 1992, l’entreprise connaît des difficultés. Celui qui deviendra l’homme providentiel de la marque, Olivier Poncin, est alors le patron de Dufour. Un accord est quasiment signé entre l’industriel et Catana mais, au final, le mariage n’a pas lieu. Olivier Poncin monte Nautitech et lance 3 modèles : le 395, le 435 et le 475. Dans l’intervalle, Catana a recherché d’autres partenaires financiers et déménage à Canet-en-Roussillon en 1997. C’est l’époque où Bruno Nicoletti boucle en solitaire un tour du monde par les trois caps à bord d’un Catana 44 – la réputation de la marque est faite ! En 1999, c’est un propriétaire de Catana 471 qui prend le contrôle du chantier : Yves Gallot-Lavallée, un amoureux de la marque. Ce dernier opère un tournant radical, celui du confort. Conscient du vieillissement de la clientèle, il propose des catamarans bien plus équipés. Mais les bateaux deviennent plus lourds et moins performants, faute de véritables innovations technologiques. Ce positionnement délivre un message brouillé à la clientèle ; Catana dépose le bilan en 2003.
2003: Olivier Poncin prend les commandes de Catana
L’administrateur de l’époque a quatre dossiers devant lui. Celui d’Olivier Poncin est le plus crédible. 11 ans après sa première approche, le chef d’entreprise rachète le chantier. La ligne architecturale est cette fois convaincante : Catana se démarque de la concurrence. La quatrième génération de catamarans est commandée à Christophe Barreau – soit 6 ou 7 modèles. Mais lorsque l’architecte décide de travailler sur de nouveaux projets, Catana sollicite son bureau d’études pour concevoir une gamme de grands catamarans de voyage plus luxueux encore: le 59, qui remplace le 581 né en 2000, illustre bien ce nouveau cap. Ce modèle sera complété par le 70 puis le 63. Ces trois Catana connaissent un succès d’estime ; en 2012, le diagnostic d’Olivier Poncin est que la niche de Catana s’est un peu élargie mais que les acteurs sont plus nombreux. La concurrence avec Outremer est rude: «Les anciens de Catana regrettent les bateaux simples et moins chers, expliquait le big boss en 2014. Dans le même temps, je sais bien qu’aujourd’hui la clientèle cherche avant tout du confort et du volume. Les grands constructeurs vont plus loin et actent la baisse des performances. Ils font des économies avec du sandwich balsa très lourd parce qu’il absorbe trop la résine. Pour ma part, je tiens à perpétuer l’héritage Catana avec des coques et des ponts en sandwich mousse PVC. On est parti d’une feuille blanche. Plus de dérives, plus de carbone ni Kevlar, mais des solutions de construction et d’accastillage simplifiées, une baie vitrée immense, plus de stockage de gazole et d’eau – bref, un cata innovant et sympa sur l’eau. »
La révolution Bali
Ce multicoque qui titille la curiosité, c’est bien sûr le premier Bali, le 4.5, dévoilé à Cannes en septembre 2014. Cette nouveauté fait parler: il s’agit incontestablement d’une nouvelle façon de vivre sur l’eau en profitant, en matière de confort, de tout ce que pouvait o rir la formule catamaran. Une approche décomplexée qui fait grincer les dents des plus conservateurs… Au final, le concept Bali a surtout fait ses preuves avec près de 1’500 modèles construits en 10 ans. La gamme compte actuellement 7 catamarans de 38 à 54 pieds; c’est l’une des plus complètes sur le marché et même la plus éto ée dans ce créneau de catamarans à voile de 11 à 17 m. Le concept Bali s’est donc imposé; les nombreuses innovations qui ont assuré le succès de cette nouvelle gamme doivent beaucoup à Olivier, disparu en 2023. Lui-même apparaît encore dans les caractéristiques de ses catamarans comme « concepteur ».
Et Catana dans tout ça? Le succès éclatant de Bali a quelque peu mis en sourdine la marque mère, mais le lancement de l’Ocean Class il y a un peu plus de deux ans montre bien que le mythe Catana n’a pas besoin de grand-chose pour être doré à nouveau… À moyen terme, une gamme complète pourrait être dévoilée – à suivre !
EN SEPTEMBRE 2014, IL Y A TOUT JUSTE 10 ANS… ©Kelagopian